Выбрать главу

— Ôte tes sales pattes, vermine syndic !

— Chez vous aussi, on échange des insultes pour marquer son amitié, sorcière de l’Alliance ?

— On réserve ces insultes aux meilleurs d’entre nous, vilaine guenon syndic !

— Merci du compliment, mocheté !

— J’en ai autant à ton service, barbare !

— Pas de souci, sale vampire !

— Mais de rien, diablesse. »

Marphissa marqua une pause, consciente que la gnôle lui était montée à la tête et qu’elle n’en avait cure, sauf qu’elle avait de plus en plus de mal à se concentrer. Elle sortit son unité de com. « Pardonne-moi, le temps que je déniche d’autres noms d’oiseaux.

— Puis-je boire encore un coup en attendant ? demanda Bradamont.

— Fais comme chez toi, harpie de l’Alliance !

— Merci. » Bradamont consulta sa propre tablette de données. « Nous sommes censées faire connaissance… raclure syndic. Je peux tenir aussi longtemps que toi. »

Quand le kapitan-levtenant vint finalement prendre de leurs nouvelles, l’air quelque peu inquiet, la bouteille était vide et toutes deux s’appuyaient l’une à l’autre en pleurant sur leurs amis perdus.

Marphissa appela le Manticore pour prévenir que son inspection du Midway durerait plus longtemps que prévu.

Le lendemain, encore sous le coup d’une GDB sous contrôle mais pas entièrement éliminée par l’administration d’une copieuse dose d’analgésiques, elle transmit un « compte rendu » de son inspection du cuirassé comprenant la phrase codée exigée par ses instructions écrites (« tout peut être terminé à temps avec un soutien convenable ») puis conduisit le capitaine Bradamont, son uniforme soigneusement dissimulé sous une combinaison réglementaire syndic portant l’insigne d’un kapitan de Midway, jusqu’à la navette du Manticore. Kontos les y rejoignit, mécontent de devoir quitter le Midway mais obéissant à ses propres consignes, qui l’exhortaient à se transférer temporairement à bord du Manticore.

Deux jours plus tard, accompagné du croiseur nouvellement arrivé, le Manticore approchait du point de saut menant à l’étoile Mauï. Officiellement, il escorterait le croiseur jusqu’à Kiribati, le système stellaire d’où étaient originaires la plupart de ses matelots.

Seules trois personnes à bord du Manticore savaient qu’il abandonnerait en réalité le croiseur alors qu’il aurait pratiquement atteint cette étoile : la kommodore Marphissa, le kapitan-levtenant Kontos et une mystérieuse VIP répondant au nom de kapitan Bascare. Eux étaient informés que le Manticore ferait alors un crochet pour gagner une étoile du nom de Taniwah, où l’on trouvait un autre portail de l’hypernet.

Le Manticore l’emprunterait pour regagner Midway.

Et se retrouverait alors nez à nez avec la flottille syndic commandée par le CECH Boyens.

Chapitre sept

« Passez en condition d’alerte générale vingt minutes avant notre arrivée à Midway et préparez-vous au combat », ordonna Marphissa.

Le kapitan Toirac la dévisagea avec inquiétude. Ils se trouvaient dans la cabine de la kommodore, laquelle, sur un croiseur lourd, n’était sans doute guère luxueuse mais contenait deux personnes sans qu’elles souffrent de claustrophobie. « Nous allons débarquer au beau milieu de la flottille syndic et nous ne filerons qu’à 0,02 c dans l’espace conventionnel ?

— C’était l’idée générale. Nous cherchons à ce qu’ils nous pourchassent. Quand nous arriverons au portail, le contrôle du Manticore passera au kapitan Bascare.

— Quoi ? Asima… Pardon… kommodore, je ne sais même pas qui est cette Bascare.

— Vous apprendrez à la connaître. » Marphissa ne pouvait pas révéler à Toirac que la « Bascare » en question n’était autre que le capitaine Bradamont de la flotte de l’Alliance, mais elle consentit à lui fournir quelques autres explications. « Faites-moi confiance. Ce sont les ordres de la présidente Iceni, destinés à mener à bien une opération qu’elle a elle-même planifiée. Mais nous devrons en faire notre part.

— Je n’en sais trop rien. » Toirac regarda autour de lui. Tant son maintien que son expression trahissaient ses doutes. Cette posture, incarnation de l’incertitude, ne lui était devenue que par trop familière, tant en privé que sur la passerelle.

Marphissa se lécha les lèvres. Elle cherchait les mots justes. « Nous nous connaissons depuis un bon moment, Ygor. C’est sur ma recommandation que vous commandez ce vaisseau.

— Vraiment ? Pourquoi ne me l’avez-vous pas…

— Une seconde ! » Elle le transperça du regard. « Vous avez sans doute les compétences requises, mais vous ne témoignez pas assez de force d’âme. Vous êtes lent, hésitant, vous permettez à vos techniciens et à vos officiers subalternes de prendre des décisions à votre place. Déléguer son autorité et ses responsabilités est certes bel et bon. Je crois même cela avisé en dépit des enseignements du Syndicat. Mais vous allez trop loin. Abandonner le pouvoir de décision à ses subordonnés est beaucoup moins recommandable. »

Le kapitan Toirac détourna les yeux, les sourcils froncés. « Je fais ce que je peux. C’est très difficile. Je m’efforce d’éviter les erreurs des Syndics.

— Parfait ! Vous refusez de régir votre vaisseau d’une main de fer. Je peux le comprendre. Mais vous exagérez dans l’autre sens. Vous ne pouvez commander ce bâtiment qu’en commandant effectivement ! Je vous soutiendrai, Ygor. Je vous prodiguerai tous les conseils que je pourrai. Je sais que le kapitan-levtenant Kontos vous a parlé et s’est efforcé de vous aider. Mais il affirme que vous n’écoutez pas.

— Kontos ! Il y a quelques semaines, c’était encore un sous-chef ! J’en sais plus long que lui sur les responsabilités du pouvoir.

— Il est très doué, Ygor. Il sait se débrouiller pour que ses subalternes reconnaissent en lui un meneur d’hommes. Vous devez cultiver cette même qualité, cette même façon d’aborder le commandement…

— Si vous n’êtes pas contente de moi, pourquoi ne pas laisser tomber tout bonnement le couperet ? grommela Toirac.

— Parce que je veux vous aider à réussir, insista Marphissa, muselant son exaspération devant un tel comportement.

— Ce n’est pas en me rabaissant que vous m’y aiderez.

— N’avez-vous donc rien entendu de ce que je viens de vous dire ? Êtes-vous au moins conscient de la manière dont vos techniciens et vos officiers se comportent envers vous ou dans votre dos ? »

Toirac crispa les lèvres avec entêtement. « Si vous êtes à ce point mécontente de moi, répéta-t-il, il vaudrait peut-être mieux trouver un autre commandant à ce vaisseau. »

Elle le foudroya du regard. « Je n’y tiens pas, mais, puisque vous avez soulevé la question, il ne me reste plus qu’à vous prévenir que, si vous ne prenez pas bientôt le chemin de vous comporter en véritable commandant du Manticore, je n’aurai pas d’autre choix que de recommander votre remplacement. »

Il la dévisagea, l’œil de plus en plus sombre. « Ça n’aura pas duré longtemps, n’est-ce pas, Asima ? Tous ces beaux discours comme quoi tout a changé et, dès que vous avez un petit pouvoir entre les mains, vous redevenez une sous-CECH qui lèche les bottes de sa supérieure… »

Marphissa bondit sur ses pieds, folle de rage. « Je vais faire comme si je n’avais pas entendu ces derniers mots ! Écoutez-vous un peu ! Je m’efforce de vous aider et vous me remerciez en m’insultant ! Si j’étais la sous-CECH dont vous parlez, vous seriez relevé de votre commandement depuis des semaines. Mais j’ai patienté. J’ai attendu que vous vous repreniez. »