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Toirac baissa les yeux. « Oui, kommodore.

— Bon sang, Ygor ! Chercheriez-vous à me pousser dans mes derniers retranchements ?

— La kommodore peut prendre toutes les mesures qui lui semblent adaptées. Je comprends et je m’y soumettrai.

— Sortez ! » Marphissa avait failli hurler, tant elle craignait de pousser trop loin le bouchon si Toirac ne faisait pas davantage preuve d’intelligence.

Celui-ci salua d’un geste raide et mécanique puis obtempéra ; seul le groom de l’écoutille l’empêcha de claquer sous la violence de sa poussée.

Marphissa se rassit en cherchant à maîtriser sa fureur. J’ai essayé. Et il me répond avec des « Je comprends et je m’y soumettrai » comme si j’étais une CECH syndic abusant de son autorité. Il est bien plus facile de se plaindre du patron que d’être le patron. Mais, si Toirac est incapable de me distinguer d’une lèche-cul syndic, il n’est pas seulement veule, il est aussi stupide.

Ne décide rien tout de suite. Tu es trop remontée. Mais il aurait tout intérêt à s’appliquer, et vite.

« Kommodore ? » Un coup frappé à l’écoutille ponctua la question.

Marphissa leva les yeux en s’efforçant de se calmer. « Entrez. »

Bradamont la fixait depuis le sas. « Tout va bien ? » Derrière elle, Kontos surveillait la coursive du regard, à l’affût d’un problème. Tous deux étaient déjà en combinaison de survie, prêts au combat.

Le kapitan-levtenant et la kommodore avaient d’ores et déjà remarqué que l’officier de l’Alliance s’intéressait énormément au vaisseau, à l’état de son équipement, à sa propreté et à d’autres questions matérielles, mais qu’elle ne semblait guère s’inquiéter de l’équipage. Certes, elle y prêtait attention, témoignait indéniablement de la curiosité à l’égard des matelots et de leur travail, mais elle ne donnait pas l’impression de les craindre, de voir en eux une menace éventuelle. Ce que sous-entendait cette attitude, ce qu’elle disait sur les pratiques de l’Alliance, comparativement à celles du Syndicat (qui avaient toujours force de loi sur ce vaisseau) ne laissait pas de turlupiner Marphissa.

« Problèmes personnels, expliqua-t-elle. Nous arrivons dans une demi-heure, n’est-ce pas ? Je dois me concentrer là-dessus. Tout doit bien se passer.

— Vous n’avez rien à redouter, déclara Bradamont.

— Vous serez provisoirement aux commandes et à la manœuvre. Je suis certaine que c’est ce que souhaite la présidente Iceni. » Marphissa se contraignit à sourire. « En outre, je tiens à vous voir piloter un vaisseau au combat.

— Moi aussi, renchérit Kontos.

— Vous êtes certaine que votre équipage le prendra bien quand il découvrira qui je suis ?

— Il me connaît. Il croit en notre présidente. Et il connaît de réputation le kapitan-levtenant Kontos. De plus… son entraînement l’a conditionné à obéir aux ordres. Tout cela devrait lui interdire de partir en vrille. »

La kommodore enfila prestement sa combinaison de survie puis prit leur tête jusqu’à la passerelle, où elle s’assit près d’un kapitan Toirac qui boudait manifestement et n’avait pas encore enfilé sa propre tenue de combat. Les techniciens de quart constatèrent que Bradamont, Kontos et Marphissa portaient la leur, et ils entreprirent de faire passer le mot à leurs amis un peu partout à bord : quelque chose se préparait. Deux d’entre eux au moins coulèrent un regard vers Toirac puis échangèrent quelques mots à voix basse en souriant.

Marphissa réprima un soupir, en même temps qu’elle passait mentalement en revue les candidats susceptibles de remplacer Toirac. Le nom du kapitan-levtenant Diaz lui vint aussitôt à l’esprit. En sa qualité de commandant en second du Manticore, il avait soutenu Toirac de son mieux et n’avait strictement rien fait, du moins à la connaissance de la kommodore, pour saper son autorité. Diaz manquait apparemment d’ambition, ce qui, si on l’arrachait à son élément, pouvait augurer de problèmes en cas de promotion, mais ses états de service plaidaient en sa faveur.

Debout près de Bradamont au fond de la passerelle, Kontos se gratta la gorge.

Marphissa vérifia l’heure. « Dix-neuf minutes avant notre arrivée à Midway, kapitan. »

Toirac l’ignora.

Très bien. Tu dégages. Mais je ne prendrai aucune mesure officielle avant la fin de cette opération. Si près d’entrer en action, nous pouvons nous passer de la perturbation que causerait une relève du commandement. « Passez en alerte maximale ! » ordonna-t-elle aux techniciens de faction sur la passerelle du Manticore.

« À vos ordres, kommodore ! »

Chacun ouvrit un casier près de sa console, en sortit une combinaison de survie et l’endossa : ces tenues étaient sans doute très inférieures aux cuirasses de combat des forces terrestres, qui leur fournissaient une protection contre les shrapnels et les armes de poing, ainsi que de l’oxygène en cas de dépressurisation du vaisseau. Les casques en restaient ouverts, capuches drapées sur les épaules de manière à préserver les supports vitaux de la tenue jusqu’à ce que le besoin s’en présente. Les données portant sur l’état de préparation du croiseur ne cessaient d’affluer et des marqueurs verts d’éclore sur l’écran de Marphissa, à mesure qu’armes, senseurs, boucliers, propulseurs, ainsi qu’une tripotée d’autres secteurs critiques se déclaraient prêts.

Le kapitan Toirac sortit nonchalamment de son casier sa propre combinaison de survie et l’enfila avec une lenteur affectée.

« Le vaisseau est pleinement paré au combat, kommodore, annonça le technicien en chef.

— Cinq minutes. Vous pouvez faire mieux. Réduisez à quatre la prochaine fois. À présent, tout le monde m’écoute sur la passerelle. Dès que le Manticore émergera à Midway du portail de l’hypernet, le kapitan Bascare deviendra temporairement le commandant en chef du vaisseau. Quoi qu’il arrive, vous devrez obéir à ses ordres comme s’ils venaient de moi. Est-ce bien compris ? Il n’y aura aucune hésitation, aucune question. »

Tous opinèrent puis saluèrent. Le plus gradé sourit ce faisant. « Je comprends et j’obéirai, kommodore », déclara-t-il, mais en parant ces traditionnelles paroles de soumission d’une telle aura de fierté que Marphissa lui retourna son sourire.

Bradamont vint se placer à côté d’elle.

Kontos croisa le regard de la kommodore et dévia le sien vers Toirac en arquant un sourcil. Marphissa secoua la tête. « Plus tard », articula-t-elle silencieusement.

Elle prépara une instruction destinée à transmettre l’identification du Manticore, non sans s’être assurée auparavant que l’émetteur était bien coupé et ne la diffuserait que lorsqu’elle l’activerait. Les senseurs de la flottille de Boyens n’auraient pas besoin d’intercepter l’identification officielle du vaisseau pour le reconnaître. Ils avaient vu bien trop souvent sa coque et connaissaient toutes les marques et balafres spécifiques qu’elle avait accumulées dans l’espace. Mais cette fois l’identification contenue dans la transmission leur réserverait une très vilaine surprise.

Cinq minutes. « Écoutez-moi, tout le monde ! reprit Marphissa. Si le kapitan Bascare envoie un message, elle se servira d’un autre nom et d’un autre grade. Que cela ne vous fasse surtout pas hésiter. Est-ce bien clair ? »

Tous hochèrent de nouveau la tête. Sauf le kapitan Toirac.

« Désactivez l’unité de propulsion principale numéro deux, ordonna Marphissa. Veillez à ce qu’elle ne se réactive pas quand seront passées les instructions de manœuvre, à moins qu’on ne lui en donne l’ordre.