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« Mon général ! » Le capitaine responsable de la force de riposte et une douzaine de ses soldats coururent entourer Drakon pour lui faire un bouclier de leurs cuirasses.

Le général pointa l’index. « Les tirs provenaient de là, de là et de là, précisa-t-il d’une voix froide et distincte. Le colonel Morgan a éliminé ceux qui tiraient depuis cette quatrième position.

— Nous avons lancé des hommes à leurs trousses, mon général. »

Drakon entendit s’éteindre les sirènes du QG mais d’autres approchaient. « La police va certainement réagir à cette fusillade. Assurez-vous que les nôtres n’engagent pas le combat avec elle par inadvertance.

— À vos ordres, mon général ! »

Drakon balaya l’esplanade du regard et constata que les tirs avaient complètement cessé. Les soldats qui formaient autour de lui un mur de protection s’éloignaient de quelques pas à mesure que leur bouclier se renforçait, de sorte qu’il se retrouva au centre d’un petit cercle ouvert à l’intérieur duquel l’herbe fumait encore en une douzaine de points d’impact.

Deux soldats s’écartèrent légèrement pour laisser une ouverture dans ce mur et permettre à Morgan d’y pénétrer à grands pas. Elle traînait par la jambe un corps inerte dont le torse et la tête rebondissaient sur le sol. Elle lâcha le pied en atteignant Drakon et resta plantée près de son trophée en affichant un sourire carnassier.

« Roh, commença Drakon, si jamais tu re…

— Vous allez bien, mon général ? » le coupa-t-elle. Sa poitrine se soulevait encore suite à l’effort qu’elle avait fourni et ses yeux brillaient d’une lueur plus féroce que celle qu’y allume la seule adrénaline.

« Je vais bien. C’était complètement timbré de ta part. »

Le sourire de Morgan s’élargit encore. « Mon certificat médical me dit bonne pour le service, mon général. Je devais attirer les tirs sur moi.

— Que non pas ! aboya Drakon.

— Si, mon général, je le devais ! rugit-elle avec une véhémence qui le surprit. On ne vous tuera pas si je peux l’empêcher. Et j’ai fait un prisonnier.

— Combien en as-tu vu ? » demanda Drakon, optant pour ne pas la fustiger publiquement. Cela étant, ses paroles semblaient n’avoir aucun effet sur elle. Il était également conscient qu’elle avait probablement raison : si elle n’avait pas attiré sur sa personne une bonne partie des tirs qui le visaient, il n’aurait jamais tenu jusqu’à l’arrivée des soldats.

« Deux, répondit-elle avec désinvolture. L’autre est mort. »

Drakon s’agenouilla en secouant la tête pour examiner le survivant. « Ce n’est pas un militaire.

— Nân. Un civil. Il portait aussi une ceinture d’explosifs, mais je l’ai laissée à son copain. J’ai hâte d’entendre ce qu’il aura à dire lors de son interrogatoire.

— Moi aussi. » Le général se rejeta brusquement en arrière : le corps inerte s’était convulsé avant de redevenir flasque, mais d’une manière toute différente. Non loin, deux explosions retentirent à peu près simultanément, si proches l’une de l’autre qu’elles ne firent presque qu’une seule déflagration, dont l’écho rebondit sur les murs voisins.

Morgan se rembrunit. « Quelqu’un a déclenché les ceintures d’explosifs. » Elle s’agenouilla à son tour et releva la paupière de son prisonnier. « On dirait bien qu’il a eu la cervelle grillée par des nanos. Celui qui a activé ces ceintures a dû comprendre que nous l’avions capturé, et il a lancé un plan B pour le faire taire.

— Malédiction ! Il nous reste tout de même deux cadavres.

— Un cadavre, patron. Et les lambeaux d’un second.

— Très bien. On devrait en retrouver assez pour permettre son identification. Tâchons de découvrir qui ils sont, afin que la police interroge leurs copains avant qu’ils ne se soient fondus dans la nature. » Drakon se leva et fit la grimace à la vue des cadavres de ses gardes du corps. « D’autres que ceux dont tu t’es déjà chargée devront me payer ça.

— Ordonnez et nommez la cible », laissa tomber Morgan, dont le sourire dévoilait à présent les canines.

L’unité de com du général émit un trille particulier. Il la sortit. « Je suis là.

— Artur ? » Iceni semblait inquiète. Sans doute s’en réjouissait-il, mais, en même temps, il ne pouvait s’empêcher de se demander si ce n’était pas le fruit d’un plan qui aurait fait long feu. « Vous êtes blessé ?

— Je vais bien, mais j’ai perdu trois gardes.

— Qu’est-il arrivé ? Je n’ai entendu que des coups de feu. On a tenté de noyer les médias sous des annonces répétées de votre décès.

— Vraiment ? Pourrez-vous retrouver l’origine de ces fausses nouvelles ?

— On s’y efforce. En avez-vous attrapé quelques-uns ?

— Au moins deux. Il en reste un de vivant, mais il est bourré de nanos destinées à provoquer son “suicide” par télécommande. Quelqu’un a vraiment mis le paquet. »

Iceni resta un instant silencieuse puis reprit la parole : « Puis-je faire quelque chose pour vous ?

— Assurez-vous simplement que la police et la troupe ne se prennent pas le bec. J’ai l’impression que nos agresseurs se sont déjà envolés et qu’ils ont disparu dans les broussailles.

— Comptez sur moi. Prenez soin de vous. »

Drakon remisa son unité de com ; il remarqua que Morgan fixait d’un œil inquisiteur le cadavre de leur assaillant. « Tu as vu quelque chose ? demanda-t-il.

— Qui aimerait sincèrement vous voir dégager ? demanda-t-elle, répondant à sa question par une autre.

— En dehors des serpents qui subsistent encore à Midway ? Dis-le-moi.

— Madame la présidente. » Elle désigna le cadavre d’un coup de menton. « Qui a accès à ce modèle de nanos ? Et à ces armes ?

— Les serpents, répliqua patiemment Drakon.

— Ce ne sont pas les seuls. » Elle repoussa la manche du mort du bout du pied, dévoilant son avant-bras. « Vous voyez ce tatouage ?

— La marque d’un camp de travail.

— Combien de nos citoyens qui ont séjourné dans un camp de travail fraieraient-ils avec les serpents ? »

Le général n’avait pas la réponse à cette question.

Le colonel Malin s’était montré extrêmement contrarié à son retour au QG, et il avait cherché à compenser son absence lors de l’attentat contre Drakon par un tourbillon effréné d’activité. « La police a appréhendé tous les comparses connus des deux morts », apprit-il à Drakon. Tous deux se trouvaient avec Morgan dans une salle de conférence sécurisée.

Malin afficha à l’écran une image montrant tous les coups de feu tirés durant l’escarmouche. « Selon l’analyse balistique, ils étaient tout d’abord dirigés contre vos gardes du corps, mon général, puis, après la première salve, ils ont changé de cible pour se reporter sur vous et le colonel Morgan. C’est cette division qui vous a sauvé la vie, mon général. Au cours des quelques premières secondes, seule la moitié de leurs armes vous visaient. »

Drakon fixa l’enregistrement d’un œil noir puis se tourna vers Malin. « Le colonel Morgan a délibérément attiré leurs tirs sur elle.

— C’est vrai, mon général, admit Malin, tandis que Morgan lui adressait un petit sourire satisfait. Mais beaucoup la visaient déjà avant qu’elle ne s’y décide. Presque autant que ceux qui vous étaient destinés. »

La conclusion coulait de source : « Le colonel Morgan était une cible prioritaire, elle aussi ? Pourquoi ?

— Je crois pour ma part que les agresseurs l’ont ciblée par erreur, mon général. »