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Adossée à son fauteuil, le pied posé sur la table et la jambe ostensiblement allongée de manière à attirer le regard, Morgan sourit. « Tu es jaloux, voilà tout.

— Pas du tout, rétorqua Malin. Selon moi, ils t’ont prise pour une autre.

— Et qui donc ? demanda Drakon.

— Il est de notoriété publique que vous avez rencontré tout à l’heure sur l’installation orbitale le nouvel officier de liaison de l’Alliance, et qu’elle l’a quittée en votre compagnie et celle de la présidente Iceni. La navette de la présidente a atterri et on l’a vue en sortir seule. La vôtre s’est posée dans une zone sans doute sécurisée, mais qui, si on l’observait de loin, permettait malgré tout de distinguer une femme qui s’en éloignait avec vous.

— On a cru que le capitaine Bradamont m’accompagnait ? Morgan ne lui ressemble en rien. »

Malin montra Morgan. « Une perruque, un autre uniforme, quelques touches de maquillage… En outre, elles sont de corpulence assez proche pour qu’on les confonde de loin.

— Ils m’ont prise pour cette pétasse de l’Alliance ? s’insurgea Morgan. C’est carrément insultant.

— Colonel Morgan…

— Pardonnez-moi, mon général, le coupa Morgan. Je vous promets de châtier désormais mon langage pour parler de notre nouvelle amie et alliée.

— Nous avons identifié les individus que le colonel Morgan a éliminés, reprit Malin en désignant sa collègue d’un bref signe de tête. Tous deux appartenaient à un groupe d’extrémistes appelé La Parole au Peuple qui exige une démocratie absolue et immédiate. »

Drakon se renfrogna. « Ils voudraient élire dès à présent tous leurs dirigeants au suffrage universel ?

— Non, mon général. Ils ne veulent plus de dirigeants. Ils veulent que toutes les décisions soient prises au scrutin direct. »

Le rire ironique de Morgan rebondit sur les murs. « Oh, ouais ! Ça va marcher très fort.

— Pour une fois, je suis d’accord avec le colonel Morgan, déclara Malin. Cela dit, l’affiliation de nos agresseurs à La Parole au Peuple soulève une grosse question. Leur idéologie justifie sans doute cet attentat contre vous, mon général. Mais pas qu’ils prennent pour cible un officier de l’Alliance.

— Ils tiendraient plutôt à maintenir à Midway cette présence de l’Alliance, n’est-ce pas ? s’interrogea Drakon en se massant le menton.

— Au moins la regarderaient-ils comme compatible avec leurs propres projets. »

Morgan faisait semblant d’examiner la lame de son couteau et d’en éprouver le tranchant du doigt. « Où ces gens de La Parole au Peuple ont-ils trouvé les armes dont ils se sont servis pour nous attaquer ?

— Ils auraient passé un marché, selon toi ? demanda Drakon.

— Oui, mon général. » Morgan fit tenir son couteau en équilibre sur sa pointe au bout de son index. « On les leur a refilées pour vous tuer, à condition qu’ils acceptent d’éliminer aussi cette… femme de l’Alliance.

— C’est concevable, admit Malin.

— Ou bien, reprit Morgan, ils projetaient de l’éliminer en même temps que vous pour faire croire à une frappe contre l’Alliance, qui vous aurait liquidé par inadvertance. »

Malin se tourna vers Drakon. « Tant qu’on n’en saura pas plus, me semble-t-il, nous devrions présumer que vous étiez visés tous les deux, mon général.

— Où étais-tu passé, au fait ? demanda Morgan en faisant tournoyer son couteau et en le rattrapant par la poignée.

— J’explorais des pistes pour tenter de retrouver des serpents, sur l’ordre du général Drakon. »

Celui-ci hocha la tête. « Je sais où se trouvait le colonel Malin. Il n’est pas suspecté.

— Qu’en est-il de la présidente Iceni et de son coupe-jarret de Togo ?

— Je ne crois pas que la présidente Iceni ait trempé là-dedans, déclara Drakon.

— Avec tout le respect qui vous est dû, mon général, ne pas croire et savoir ne sont pas synonymes, lâcha Morgan.

— J’en suis conscient. » Drakon avait sans doute mis une grande véhémence dans cette dernière déclaration, car Morgan le fixa en arquant un sourcil. « Colonel Malin, j’aimerais que vous exploriez toutes les interconnexions possibles entre l’état-major de la présidente Iceni et cet attentat à ma vie et à celle du colonel Morgan.

— Mon général ? reprit Morgan d’une voix de nouveau badine. Et s’ils nous avaient visés vous et moi en toute connaissance de cause ? Qui donc pourrait bien chercher à m’éliminer ? » Elle sourit à Malin.

« Tu as des preuves ? s’enquit Drakon.

— Pas encore.

— Il n’arrivera rien à personne tant que tu n’en auras pas la preuve, que tu ne me l’auras pas montrée et que tu n’auras pas reçu de ma part un ordre clair et sans équivoque quant à ce que tu dois faire. C’est bien vu, colonel Morgan ?

— Oui, mon général. » Elle se redressa sans quitter Malin des yeux. Son couteau était désormais inerte dans sa main. « J’en dénicherai la preuve. »

Iceni regarda le capitaine Bradamont entrer dans la salle et se planter devant la table à laquelle Drakon et elle étaient assis. L’officier de l’Alliance se trouvait certes en terre étrangère, mais elle se conduisait comme si elle était dans son élément, en terrain parfaitement sécurisé. C’est une femme dangereuse. Est-ce à cela que fait allusion ce nom de code de Mante Religieuse, ou bien cache-t-il davantage, que je n’aurais pas encore vu ? « La kommodore Marphissa a proposé que nous nous lancions dans une opération longue et hasardeuse, déclara Iceni. Fondée, a-t-elle ajouté, sur vos renseignements et vos recommandations.

— C’est exact, répondit Bradamont.

— Je ne suis pas en train de jouer avec vous, capitaine. Vous savez que votre présence à Midway nous est très précieuse. Mais aussi qu’elle nous crée des problèmes.

— On me l’a fait comprendre dès mon arrivée, déclara Bradamont, dont le regard chercha le général Drakon, assis à côté d’Iceni. Vous me voyez navrée que cet attentat qui semblait dirigé contre moi se soit soldé par tant de morts. »

Iceni eut un bref geste d’humeur. « On continue d’enquêter sur les mobiles présidant à l’attentat et sur les cibles exactes qu’il visait. Mais cet incident met au moins notre plus gros souci en lumière. On ne doit pas voir en nous des laquais de l’amiral Geary.

— L’amiral Geary ne sait rien de ce projet, madame la présidente.

— Vous parlez là de ce qu’on sait. Et moi de la façon dont ça pourrait être perçu. » Iceni tapota sa tablette de données. « J’ai étudié la proposition de la kommodore. Elle a plaidé la cause des survivants de la flottille de réserve et des bénéfices que pourrait nous rapporter leur récupération. Elle a néanmoins prêté beaucoup moins d’attention aux risques potentiels. »

Bradamont secoua légèrement la tête. « Je n’ai pas vu moi-même la proposition de la kommodore. Je ne nie pas qu’elle pourrait comporter des risques. Mais il y a moyen de les minimiser.

— Oui, je sais. » Iceni s’efforça de rester impassible pour se tourner vers le rapport. « La kommodore propose de les réduire en embarquant deux croiseurs lourds, la moitié de ceux qui sont en notre possession, quatre croiseurs légers et six avisos. Plus six cargos. Soit douze vaisseaux de guerre et leurs équipages, en même temps que le commandant en chef de la flottille qui défend Midway. Ce qui, pour nous, représente un énorme investissement.

— Le retour sur investissement sera encore plus gros, madame la présidente. L’amiral Geary m’a demandé de vous suggérer tout ce qui pourrait renforcer les défenses de votre système stellaire. Vous avez besoin de ce personnel entraîné. »

Iceni agita sous le nez de Bradamont un index péremptoire. « N’expliquez jamais à une personne au pouvoir ce dont elle a besoin, capitaine. J’en déciderai moi-même. Je dois reconnaître qu’il y a de bonnes chances pour que la récupération de ce personnel nous soit économiquement profitable. Toutefois, s’il devait rentrer à Midway pour trouver le système retombé sous la férule syndic, nous n’aurions pas gagné grand-chose.