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— Il aurait donc décidé de bâtir son petit empire personnel ? » Malin afficha une autre image sur l’écran. « Mon général, des rapports en provenance de Mauï affirment qu’une très forte flottille d’Ulindi y stationne. Elle se dirigeait vers le point de saut pour Midway quand elle a fait halte, des vaisseaux marchands récemment émergés lui ayant rapporté la présence de la flotte de l’Alliance chez nous. Cette nouvelle était déjà obsolète quand elle l’a reçue. Black Jack avait quitté Midway peu après le départ de ces cargos.

— Ça nous aura gagné du temps, observa Iceni. Très bien.

— Très peu. Il ne reste plus que six jours pour réagir, madame la présidente, s’expliqua Malin. Un cargo à destination de Rongo via Mauï a quitté à son tour Midway il y a trois jours, en emportant sans nul doute la nouvelle du départ de Black Jack. Il a dû passer quatre jours et demi dans l’espace du saut avant d’atteindre Mauï et de transmettre cette information, tandis que la flottille d’Ulindi, de son côté, gagnait le point de saut pour Midway, qu’elle a probablement atteint au bout d’une demi-journée avant de sauter. Il lui faudra encore quatre jours et demi pour arriver chez nous. Compte tenu de toutes ces données, la flottille d’Ulindi devrait nous atteindre dans six jours.

— Un délai effectivement très court, admit Iceni en se renfrognant. Mais je ne peux guère contester cette date butoir. Ils ne tergiverseront plus quand ils apprendront le départ de Black Jack. Haris veut manifestement agrandir son petit empire. Mais la flottille d’Ulindi qui stationne à Mauï ne m’a pas l’air de taille à conquérir Midway.

— Elle ne l’est pas, madame la présidente. Elle ne se compose que d’un unique croiseur de combat de classe C et de quatre avisos. Si elle a embarqué des forces terrestres, leurs effectifs ne peuvent qu’être très limités.

— Pas de forces terrestres ? » Drakon pesa le pour et le contre. Une flottille réunie autour d’un seul croiseur de combat peut sans doute infliger de nombreux dommages à un système stellaire, mais certainement pas l’investir. Même si Midway devait se rendre sous la menace d’un bombardement orbital, Ulindi ne contrôlerait le système que jusqu’au départ du croiseur de combat. « De quoi dispose encore Ulindi ?

— Selon nos renseignements les plus fiables, d’un seul croiseur lourd, qui a dû rester à Ulindi pour protéger Haris. Les effectifs des forces terrestres de ce système s’élèvent peut-être à une division, mais ils n’ont été que très récemment recrutés et entraînés. Le noyau dur des forces terrestres de Haris se compose d’un peu moins d’une brigade d’ex-soldats syndics. La sécurité interne du système est assurée par les milices locales, la police et des serpents.

— Pas vraiment de quoi édifier un empire. À peine suffisant, d’ailleurs, pour garder le contrôle d’Ulindi. Que mijote-t-il donc ? »

Drakon avait aussi bien posé la question à Iceni qu’à Malin. La présidente se rembrunit mais répondit la première. « Il sait sûrement que nous sommes intervenus à Taroa. Peut-être a-t-il entendu dire que nous avons forcé la main des Taroans pour signer un pacte de défense mutuelle, même si leur gouvernement est censé le tenir sous le boisseau. »

Malin secoua la tête. « Tout le système stellaire est largement informé de notre proposition. Plus d’un officiel des Libres Taroans a dû ouvrir les vannes.

— Autant dire que Haris est au courant », conclut Drakon.

Iceni crispa la main et abattit violemment le poing sur la table avant de se maîtriser. « J’aurais dû me rendre compte qu’essayer de nous attacher plus étroitement Taroa risquait de soulever des problèmes localement. Haris voit en nous un frein à son ambition et il aimerait frapper nos forces mobiles avant que nous ne puissions jeter aussi les ressources de Taroa dans la balance.

— Logique, convint Drakon. Quiconque envisagerait de fonder un empire dans les parages ne pourrait voir en nous que des rivaux à abattre le plus tôt possible.

— Il y a une autre possibilité compte tenu de la composition de la flottille d’Ulindi, avança timidement Malin. En l’absence de la kommodore Marphissa, j’ai débattu de la situation avec le kapitan-levtenant Kontos.

— Vraiment ? » Drakon décocha un autre regard à Iceni. « Qu’en dit Kontos ?

— Qu’ils guignent le cuirassé. »

Chapitre dix

Drakon dut marquer une pause, stupéfait. « Le cuirassé ?

— Bien entendu, affirma Iceni d’une voix sourde. Nous nous sommes efforcés de garder le secret sur son état, mais il n’y a probablement pas une âme dans notre système stellaire ni dans les systèmes voisins pour ignorer qu’il ne dispose encore que d’une équipe réduite et qu’il n’est toujours pas opérationnel, loin s’en faut. Ils comptent fondre sur le chantier naval, embarquer le cuirassé et le tracter jusqu’à chez eux pour le terminer.

— Ce que nous avons d’ailleurs fait nous-mêmes à Kane pour nous en emparer. »

Iceni lui décocha un regard agacé. « Je compte bien que notre propre raid sur ce cuirassé soit le dernier couronné de succès. Si le CECH suprême Haris cherche à devenir un potentat local, il aura besoin de davantage de puissance de feu, et il semble qu’il s’efforce de l’acquérir par les mêmes moyens que nous, en la confisquant à d’autres moins bien préparés pour la défendre. Comment a-t-il eu son croiseur de combat ?

— Avons-nous une petite chance de les vaincre avec ce qui nous reste ? » s’enquit Drakon.

Iceni secoua la tête avec impatience. « Même si la flottille de récupération n’avait pas embarqué la moitié de nos unités, triompher d’une force construite autour d’un croiseur de combat aurait été très épineux.

— Des suggestions ? demanda Drakon à Malin.

— Rien de bon, mon général, répondit le colonel. Nos forces mobiles sont tout bonnement surclassées. Nous pourrions tenter d’envoyer le cuirassé ailleurs et de l’y laisser jusqu’au départ de la flottille de Haris.

— Ne pourrions-nous pas le conserver à Midway tout en évitant sa flottille ?

— Aucun cuirassé ne saurait battre un croiseur de combat à la course, répondit Iceni. Il aurait tôt fait de le rattraper. Pareil si nous dépêchions le Midway dans un autre système stellaire. Tout le monde verrait en lui un atout formidable et rêverait de se l’arroger.

— Auquel cas la meilleure option qui s’offrirait encore à nous serait peut-être d’attirer le croiseur de combat près du cuirassé, puis de faire sauter le cuirassé en même temps que le croiseur, suggéra Malin.

— Ce n’est pas une option ! fulmina Iceni, le visage rouge de colère. Nous avons besoin de ce cuirassé.

— Madame la présidente, s’il n’existe aucun autre moyen d’empêcher Haris de s’en emparer, s’en servir pour éliminer son croiseur de combat lui interdirait au moins de nous menacer.

— Et quel profit en retirerions-nous si le Syndicat nous envoyait une autre flottille ? »

Malin hésita un instant puis secoua la tête. « Aucun, madame la présidente.

— Faire exploser ces deux vaisseaux serait sans doute une décision regrettable, mais quel autre choix avons-nous ? » demanda Drakon.

Iceni retourna sa fureur contre lui. « À vous de me le dire ! C’est vous le stratège expérimenté, général ! J’ai sans doute une modeste expérience des forces mobiles, mais ce n’était pas ma vocation.

— Je n’ai que celle des forces terrestres, fit remarquer Drakon en s’efforçant de s’exprimer d’une voix égale. Je suis déjà passé par cette situation où tous les choix qui s’offrent à vous sont défavorables. Il s’agit alors d’opter pour le moindre mal. Mais nous n’y pouvons rien changer. »