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Au lieu d’adopter une mine penaude, Morgan se borna à sourire. « Je flirte seulement avec lui comme une folle.

— Flirt est un mot bien innocent, fit remarquer Drakon.

— Peut-être est-ce un poil plus poussé. Je veux que ce gamin s’intéresse à moi, qu’il se plie à tous mes desiderata, comme à tous les vôtres, pour manœuvrer ce cuirassé.

— Chercherais-tu à retourner Kontos contre Iceni ? » Quelque part en son for intérieur, là où il regardait la dure réalité et ses exigences en face, il voyait sans doute l’avantage d’une telle tactique. Mais l’homme en lui qui connaissait et fréquentait Gwen Iceni repoussait fiévreusement l’idée de saper son autorité en manipulant un officier de ses forces mobiles.

D’un autre côté, si Morgan y parvenait, il faudrait en informer Gwen. Elle se conduisait à la fin de la discussion comme si je l’agaçais, mais elle n’en a pas moins besoin de mon soutien comme moi du sien.

« Comment se déroule ton plan ? » demanda-t-il.

Morgan eut un geste indécis de la main. « Il est encore en chantier. Si j’arrive à me retrouver seule à seul avec lui, je me crois parfaitement capable de faire oublier Sa Royale Majesté la présidente à ce jeune garçon innocent. »

Drakon secoua la tête en s’efforçant de dissimuler la réaction que lui inspiraient ces paroles. « Ces stratagèmes me mettent toujours mal à l’aise.

— En réalité, Kontos n’aura droit à rien, poursuivit Morgan en souriant. Ce n’est qu’en leur faisant miroiter cet espoir qu’on peut obtenir des hommes qu’ils commettent les pires âneries. » Comme si elle se rendait compte que Drakon risquait d’y voir une allusion ironique à ce qui s’était passé à Taroa, le sourire de Morgan s’effaça brusquement. « En outre, je ne suis pas une Marie-couche-toi-là, quoi qu’ait pu vous en dire cette vermine de Malin.

— Le colonel Malin est absent de cette conversation et il n’a jamais proféré de telles accusations. » Compte tenu de son inimitié envers Morgan, il n’en reste pas moins étrange qu’il n’ait jamais sous-entendu qu’elle était une traînée, encore que Malin ne me paraît pas homme à se servir sans preuves d’une arme aussi nauséabonde contre une femme. Peut-être a-t-il tenté de la tuer lors de cet incident survenu en orbite, si, comme il le prétend et en dépit de l’invraisemblance d’un tel comportement de sa part, il ne l’a pas plutôt sauvée d’un autre assassin, mais jamais il ne l’a traitée de catin. Il faut croire que sa maman l’a bien élevé. « Même si tu ne fais qu’agiter sous son nez une promesse que tu n’as pas l’intention de tenir, ce subterfuge m’évoque un peu trop les méthodes qu’employaient les serpents pour piéger les gens. »

Morgan haussa les épaules. « Devrait-on se priver d’une tactique intelligente au prétexte que l’ennemi l’a initiée ? Obtenir le contrôle effectif de ce cuirassé nous serait formidablement utile, mon général. Vous ignorez encore qui a lâché des assassins sur vous, et peut-être aussi sur moi, mais vous ne pouvez pas exclure la possibilité que notre présidente cherche à réduire le nombre de ses rivaux. Si vous tenez absolument à ce que Gaiene dirige cette opération, ça me va très bien. Mais permettez-moi de l’accompagner pour me livrer sur Kontos à des… euh… manœuvres rapprochées, et à l’intéresser à nos véritables objectifs.

— Sans vouloir te vexer, Roh, cette tactique n’a pas été très payante quand tu l’as essayée sur Black Jack. »

Morgan eut un ricanement méprisant. « Ce pot de colle de Malin était là pour me mettre des bâtons dans les roues. Et aussi cette bonne femme avec qui Black Jack couche de toute évidence. Sans Malin, j’aurais séduit Black Jack. Sa pétasse de l’Alliance n’avait rien de spécial. »

Drakon éclata de rire. « C’était le commandant d’un croiseur de combat. Et son épouse.

— Sa femme ? » Morgan arqua un sourcil. « Quand est-ce arrivé ?

— Il n’y a pas très longtemps, j’imagine.

— Il finira par s’en lasser. Bon ! Et pour le petit Kontos, on fait quoi ? »

Ça ne me plaît pas, et je ne tiens nullement à aggraver encore les soupçons que Gwen nourrit déjà à mon encontre. Je dois donc formuler ma réponse en termes que Morgan puisse comprendre. « Voici ce qu’on va faire, colonel. Si tu fais à Kontos des avances explicites et qu’il ne mord pas à l’hameçon, mais qu’il va au contraire rapporter à ses supérieurs, où est-ce que ça nous mène ? Tu seras sur son vaisseau. Il pourra enregistrer tout ce que tu diras et feras, même si vous vous retrouvez ensemble dans un compartiment soi-disant sécurisé. »

Morgan se rembrunit. « Il pourrait effectivement s’y résoudre. Rien que pour se protéger. Si ça arrivait, nos plans seraient dévoilés.

— J’ai pourtant besoin de toi là-bas, ajouta Drakon. Tu as raison de dire qu’il faut absolument débusquer l’instigateur de l’attentat qui a failli nous éliminer tous les deux. Tu es la mieux placée pour mener cette mission à bien.

— Et comment ! Mais le commanditaire a fichtrement bien effacé sa piste. » Radoucie par l’éloge de Drakon, Morgan salua allègrement. « Mais je le retrouverai, quel qu’il soit.

— Et tu viendras ensuite m’informer de son identité, afin que nous décidions de ce que nous allons faire de lui. Entendu ?

— Entendu, mon général, répondit Morgan en souriant de nouveau.

— Surtout si tu crois que le colonel Malin ou la présidente Iceni ont trempé dans cet attentat, insista Drakon en lui décochant son plus dur regard. Rien ne doit arriver à la présidente. »

Le sourire de Morgan ne vacilla pas. « Non, mon général. »

« Madame la présidente, on a remonté la piste des explosifs militaires utilisés dans la bombe qu’on a trouvée dans votre bureau jusqu’à l’armurerie d’une sous-unité de la brigade commandée par le colonel Rogero de la division du général Drakon, rapporta Togo sans s’émouvoir.

— Quelqu’un a bien dû les fournir », fit remarquer Iceni. Ils se trouvaient dans son bureau, assez bien sécurisé pour qu’on pût y parler. L’écran montrait une traînée de navettes s’élevant d’un des camps de Drakon vers un cargo en orbite.

Togo faisait face à la table de travail ; il hocha la tête. « Des interrogatoires sont en cours pour déterminer l’identité de ceux qui les ont livrés et sous quel prétexte. Cela étant, un sergent du matériel a été retrouvé mort dans ses quartiers avant le début des interrogatoires. Son décès serait dû à une overdose d’une drogue illicite connue sous le nom d’extase.

— Une overdose ? Avant qu’on le questionne ? Bien commode pour certains, non ? Qui pouvait savoir qu’on allait procéder à l’interrogatoire de ce personnel ?

— Le bureau du général Drakon a été prévenu vingt minutes avant que notre équipe n’arrive à l’armurerie, répondit Togo.

— Vingt minutes ? Qui a bien pu avertir de cette descente si longtemps à l’avance ? s’enquit Iceni. Dois-je superviser moi-même les plus simples interventions des services de sécurité ?

— Le personnel chargé des interrogatoires a été retardé par une panne de son véhicule, expliqua Togo, toujours aussi impassible. J’assume toute la responsabilité de ce fiasco.

— Ça ne nous ramènera pas ce sergent ni ce qu’il savait. » Iceni se rejeta en arrière et se frotta la bouche de la main pendant qu’elle réfléchissait. « Mais peut-être ne savait-il strictement rien. N’oublie pas que j’ai une certaine expérience des forces mobiles. En dépit des contrôles les plus sévères, il est toujours possible de se procurer par des moyens licites la petite quantité d’explosifs nécessaire à la confection de cette bombe. Il suffit d’en retirer plus que de besoin en vue d’entraînement ou de démonstration. »