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Rogero éclata de rire. « Quel tandem, hein ? Mais ils sont très doués dans leur domaine, Honore. Pris individuellement, chacun est très impressionnant. À eux deux, ils fournissent au général autant de soutien qu’une brigade entière, sinon plus.

— Ils se détestent autant qu’ils en ont l’air ?

— Bien davantage. Morgan était déjà là depuis plusieurs années quand Malin est apparu. Ils se ressemblent trop, si tu veux mon avis.

— Ils se ressemblent ? Ces deux-là ?

— Bien sûr. Seulement, ils ne gèrent pas les problèmes de la même façon. Morgan te mettrait une balle dans le crâne comme qui rigole. Pour peu qu’elle croie avoir une bonne raison. Malin, lui, regretterait sans doute un peu de t’avoir abattue de sang-froid pour une raison qui lui aurait paru justifiée. Mais, dans un cas comme dans l’autre, tu serais morte. Je leur prête des projets ambitieux. Des projets très différents, mais qui les placent au centre de tout. »

Rogero marqua une pause. « Ils ont pris part tous les deux à une opération exigeant qu’ils investissent une plate-forme orbitale. C’était juste après qu’on a éliminé les serpents. Il s’est trouvé que la femme qui commandait cette plate-forme était un serpent opérant en sous-marin. À l’instant critique, Malin a tiré un coup de feu dans le dos de Morgan, et il l’a manquée de si peu qu’on a bien cru qu’il avait raté là une bonne occasion de mettre un terme définitif à leur inimitié. Mais le général ne l’a pas viré parce que ce même tir a bazardé la vipère juste avant qu’elle ne descende Morgan. Marrant, non ? Si Malin tentait de la tuer, il lui a plutôt sauvé la vie. S’il cherchait à lui sauver la vie… eh bien, il a réussi ! Et elle-même a failli l’abattre tout de suite après, persuadée qu’il l’avait visée. Seuls les inhibiteurs des armes de Morgan ont sauvé Malin de ce “tir amical”.

— Je n’aimerais pas me la mettre à dos, dit Bradamont.

— L’univers entier est dans le collimateur de Morgan, expliqua Rogero. Je ne connais pas tous les détails. Une mission spéciale dans sa jeunesse, qui l’aurait fichtrement secouée. Il n’y a qu’une seule personne à qui elle voue une loyauté indéfectible et c’est le général Drakon, qui lui a donné sa chance quand plus personne ne voulait d’elle.

— Elle a été aimable avec moi, déclara Bradamont. Respectueuse. Ça fiche un peu la trouille. »

Rogero fut pris lui aussi d’un frisson. « Morgan ne feint l’amabilité que pour de bonnes raisons. Si elle prend avec toi ce parti, c’est qu’elle te prête de l’importance. À toi ou à Drakon, ce qui revient peut-être au même dans son esprit.

— Pourquoi la garde-t-il dans son entourage ?

— Parce qu’il veut l’aider. Parce que le général Drakon ne jette pas les gens. Et aussi parce que, s’il la virait ou l’éloignait, elle mourrait avant un mois. Peut-être en emportant toute une planète avec elle dans la tombe, mais le fait est qu’elle ne survivrait pas très longtemps sans les conseils et le soutien de Drakon.

— Dur-dur, lâcha Bradamont. J’imagine que, si on le lui disait, elle deviendrait folle furieuse.

— Sans aucun doute. Ne t’y risque pas.

— Merci de la mise en garde. » Bradamont se leva et le fixa un instant languissamment. « Maintenant, ouvre-moi cette écoutille avant que je la verrouille et que je ne m’occupe de toi, sinon tes soldats devront l’enfoncer pour t’arracher à mes griffes.

— Hélas, je peux m’affranchir du Syndicat, mais jamais je ne me libérerai de toi », fit Rogero en ouvrant le sas.

La première réponse au message de Bradamont leur parvint d’un destroyer de l’Alliance.

« Suivez le vecteur joint menant à proximité de la station d’Ambaru vers l’intérieur du système, les avisait le capitaine de corvette Baader. Les six cargos devront se conformer à la trajectoire et à la vélocité indiquées. Le Saï et l’Assegai escorteront vos vaisseaux pour veiller à ce qu’ils épousent ce vecteur. Baader, terminé.

— Procédez, ordonna Rogero au patron de son cargo. Assurez-vous que les cinq autres vous imitent.

— Ces destroyers de l’Alliance ne nous escortent pas, ils restent juste assez près pour nous réduire en miettes si nous dérogeons aux consignes.

— Alors gardez le cap. »

Bradamont se pointa à l’entrée de la passerelle et lui fit signe. « Votre technicien des trans affirme qu’un message qui se sert de l’encodage de l’Alliance vient d’arriver.

— Voyons un peu ce que ça dit. » Rogero la suivit jusque dans le petit compartiment encombré, attendit que le planton de faction eût quitté les lieux puis verrouilla l’écoutille. L’étroitesse du compartiment l’obligeait à frôler Bradamont, mais l’épreuve n’était pas franchement insurmontable.

« Capitaine Bradamont, ici l’amiral Timbal. Je suis… surpris, inutile de vous le préciser. » Timbal la fixait de l’écran comme s’il la voyait en temps réel. « L’annonce du retour prochain de l’amiral Geary, au terme d’une mission réussie, est une très bonne nouvelle. En revanche, que les Syndics soient en mesure de faire joujou avec leur hypernet est bien plus regrettable. J’aimerais apprendre de votre bouche tout ce que vous savez des péripéties de la flotte et de l’amiral Geary depuis leur départ de Varandal. Ai-je bien compris qu’ils auraient découvert trois espèces intelligentes ? C’est tout à fait remarquable.

» Vous m’avez fourni toutes les raisons dont j’avais besoin pour vous remettre ces prisonniers. Je cherche à m’en débarrasser depuis un bon moment, mais personne n’en veut. » Timbal se gratta la joue en jetant un regard de côté. « J’ai ici quatre mille deux cent cinquante et un prisonniers à votre disposition. La plupart appartenaient à la flottille de réserve, mais quelques centaines d’entre eux ont une origine différente. Pourrez-vous les embarquer tous ? Faites-le-moi savoir le plus vite possible. S’il nous faut trier les seuls rescapés de la flottille de réserve, ça risque de prendre un certain temps.

» Maintenant, le plus difficile : il doit y avoir un transfert concret de la prise en charge, insista Timbal en tapotant son bureau de l’index pour marquer le coup. Aucune exception n’est tolérée en de telles circonstances. Quelqu’un doit se voir transmettre la proposition et y donner légalement son accord en ma présence. Inutile de vous dire que je ne peux pas le demander aux Syndics, mais plutôt au peuple de Midway. Dans la mesure où il évoque encore beaucoup les Syndics, le symbole risque d’être très mal perçu. Quelqu’un de Midway, un officier supérieur, devra venir nous trouver à Ambaru afin que nous nous conformions physiquement aux exigences requises par le transfert.

— Malédiction ! marmonna Bradamont.

— Moi, en l’occurrence, déclara Rogero. Puis-je me fier à Timbal ?

— Oui. Il n’approuverait certainement pas qu’on vous tende un piège, d’autant que vous êtes là sur l’instigation de l’amiral Geary. Il me préviendrait discrètement que tout n’est pas au top.

— Je suis conscient des risques que cela entraîne pour le colonel Rogero, poursuivait Timbal. Au fait, qu’ils aient cessé de se servir des titres de l’encadrement syndic et autres CECH au profit de grades militaires a beaucoup influé sur ma décision. Néanmoins, légalement, je dois couvrir mes arrières pour ce transfert, faute de quoi les responsables de la conformité des protocoles pourraient élever des obstacles qui l’interdiraient, et qui sait pour combien de temps ? Nous devrons aussi faire en sorte que la rencontre reste aussi discrète que possible, ce qui ne sera pas facile. La rumeur pourrait filtrer, surtout parmi les civils du secteur des soutes lorsqu’elle aura lieu, mais je dispose là-bas d’une quantité de fusiliers qui pourront assurer la sécurité.