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— Il va falloir grimper à deux là-dessus, Gros.

Je me débarrasse de la blouse blanche et coiffe la gapette de velours marron du gonzier.

Cet engin à la noix dégage une telle fumaga que même s’il était piloté par la reine d’Angleterre en tenue de couronnement, on ne la reconnaîtrait pas.

Sa Majesté s’est juchée à la place de la boîte à outils.

— Fais gaffe aux ornières, me prie-t-il, c’te garcerie d’blessure me fait un mal de chien !

La péteuse fait quelques manières avant de consentir. Et puis repétarade.

On décarre mollo.

Nous retraversons Marbella sans encombre. Des flics patrouillent, mais ne nous accordent pas la moindre attention. Le tronçon de route menant au Fuente connaît sa circulation habituelle. Parvenu près du complexe hôtelier, je coupe les gaz et pousse notre véhicule en direction d’un chantier proche où je l’abandonne.

— On va profiter de ce que c’est l’heure du dîner pour regagner notre base, dis-je au Gros. Chacun prend un chemin différent, rancard chez la môme Véra, car nos propres appartements doivent renifler le roussi.

— Banco !

Je choisis l’itinéraire qui passe par la piscine, cependant que mon Triomphal opte pour une venelle ombreuse, bourrée d’escaliers de briques. Je siffle une très jolie chanson de Julot Iglésioche, que je me rappelle plus son titre, mais dedans ça parle, quoi : « Je t’aime, et je deviens dingue quand tu vas limer avec un autre », en gros, c’est le topo.

Je m’annonce peinardos chez ma mignonnette. Justement, y a du feu à l’intérieur, j’y vois par l’imposture du couloir. Alors je grattouille la lourde. Surtout pas sonner, au cas où. Simplement je fais des « tagada tsoin tsoin » avec deux doigts mutins. Au bout de très peu, la porte s’écarte et un grand type brun comme mon stylo Mont-Blanc me défrime en sourcillant épais comme le pauvre président Pompidou.

Moi, dans un laps de temps d’une étroitesse folle, j’ai le temps d’entrevoir l’essentiel, c’est-à-dire le cadavre de Véra, salement égorgée dans le couloir, avec une tripotée de flics, dont plusieurs en uniforme, autour. Alors là ! Alors là ! Mais tonnerre de Lorient (toujours de Brest, faut renouveler, non ?) c’est donc des baquets de scoumoune qu’on déverse à plaisir sur cette putain d’affaire ! Ça va s’arrêter quand t’est-ce, cette méchante malédiction inca, hmm ? Je te parie un scramasaxe bien affûté contre un couteau de cuisine ébréché que j’en aurai pour toute la journée. C’est un day pas comme les autres, glaireux, quoi ! T’as beau dire, faire, essayer, prier, tout foire. Tu crois échapper d’un piège, mais c’est pour tomber dans un autre encore plus merdique. Tu te laisses happer, tu te laisses happer !

Donc, je réalise l’atrocité de la scène, l’inconfort de ma nouvelle situation et je dis :

— C’est le garage Renault, je viens dire que l’auto est réparée.

Pas génial, mais si tu veux faire mieux, prends ma place, faut justement que j’aille chez le dentiste pour ma gingivite.

Le grand noircicot grogne :

— Oui, ça va, elle en a plus besoin de voiture !

Puis me reclaque la porte au nase. Je dévale l’escadrin.

Qu’à peine ai-je dévalé six marches, non, sept, j’entends la porte se rouvrir et il écrie :

— Hep, l’homme !

En espago, tu ne l’ignores pas puisque tout un chacun le sait, homme, ça se dit « ombré ». Alors, là, l’ombré, je m’en fais une tisane, crois-moi.

Je fonce dans la nuit. Que voici Messire le Grand Ecuyer de frais qui se la radinait en pavanant comme pour l’infante défunte.

— Taille-toi, grand con ! lui lancé-je.

Ça me galope aux chausses, trousses, fion.

Je biche la venelle déjà empruntée le matin.

— Vous savez que je vous attends toujours ! me roucoule une voix enchanteuse.

La gonzesse aux yeux verts qui prenait un bain de soleil sur son muret. A présent, elle s’offre un bain de lune.

Moi, tu verrais : hop ! Le grand steeple de James Hadley Chase ! Par-dessus le muret sans élan. Je m’allonge sur sa terrasse.

— Chut ! dis-je sans rentrer dans les détails.

Et advienne que pourra.

La horde débouche.

Une voix interpelle la môme pour si elle a aperçu un homme.

— Il courait comme un fou, assure-t-elle ; il a pris à gauche.

Mutcho merci, señorita ! Les pas se dispersent. Je mets mes mains derrière ma coiffe. La fille se penche. Elle porte une robe collée à elle comme une peau de dauphin à un dauphin. Noire, également, et aussi brillante. Mais par contre, fendue.

— Vous êtes un curieux personnage, déclare-t-elle d’une voix suave, exactement comme les héroïnes des films « B » quand elles ont une séance de vampage. Vous courez toujours, ou bien vous vous cachez ; seriez-vous un gangster ?

— Pas le moins du monde, rétorqué-je avec un sourire qu’éclaire majestueusement la lumière en provenance du salon.

— Dommage, c’eût été plus excitant.

— On peut faire sans, je lui affirme.

— Vous croyez ? elle insiste en s’accroupissant près de moi, de telle manière qu’il m’est loisible de constater qu’elle ne porte pas de slip.

Je retire une main de ma nuque, me contentant d’un demi-oreiller, et expédie ladite jusqu’au plus intime de cette étrange terlocutrice, manière de lui présenter mes civilités les plus sincères. L’attouchement la pousse à un acte, non pas désespéré, mais d’une osance extrême. Elle s’agenouille de part et d’autre de mon visage et s’accroupit.

Il serait mal venu d’en dire davantage, surtout dans un ouvrage de cette qualité, positivement primé par l’Académie, et destiné à la Pléiade (on est presque d’accord avec Gallimard à ce propos, ne reste plus que des points de détail à régler concernant l’avance sur les droits : il manque un zéro à sa proposition, ce qui n’est pas grave).

Cette nana, toujours est-il malgré ma discrétion, est, tu peux m’en croire, une altière salope, mouilleuse de bonne aventure, chevaucheuse émérite qui a dû trouver nombre de bridges mal assurés dans son triangle des Bermudes, le soir, à la chandelle, quand l’instant du renoncement venu, il ne reste plus que de se fourbir la salle des fêtes en vue des prochaines prestations.

Je la pratique bien à fond. Lui fais mon « h » inspiré, ma hache aspirée, mon taste-moule, mon ovale fantasque, ma psalmodie in blue, Nefertitille, mon lape suce linguae, mon solo de piston et le losange céleste.

Elle participe en s’exerçant à divers mouvements en apparence contradictoires mais qui sont en fesses complémentaires ; à savoir qu’elle opère simultanément un déplacement ascensionnel et descensionnel, et un autre longitudinal comme celui, par exemple, du fer à repasser domestique sur une jeannette (nom fort aimable, contrairement à celui de marie-salope en usage dans la batellerie).

Ces amusements, jeux et ris, pour stimulants qu’ils soient, ne durent qu’un temps, car ils sont échauffeurs de sang, fouetteurs de sens et incitent aux fortes bandaisons.

Sentant que mon antenne télescopique se transforme en mât de cocagne à la vitesse grand zob, je crie à mon amazone de gueule (car ma voix est étouffée par l’environnement où elle émet) qu’il serait judicieux d’aller poursuivre en un lieu plus propice, et avec méthode, ce que nous avons entrepris dans la fougue de l’instant.

Elle se relève en produisant un son marrant, je l’imite. Elle m’entraîne dans son salon. Moi, j’ai de la peine à la suivre, car mon regard est merveilleusement obscurci et ma démarche fabuleusement entravée.