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— C'est mignon, chez toi, mon petit cœur ! dis-je à l'héritière de Narcisse en lui fourbissant la calandre.

Voilà que je la tutoie du simple fait que nous nous trouvons dans sa chambre.

— T'as pas peur que ton dabe découvre le pot aux roses un de ces jours ?

Elle a un geste insouciant.

— Les femmes n'ont jamais peur des conséquences de leurs bêtises, c'est ce qui leur permet de les apprécier. Alors que les hommes se gâchent la vie parce qu'ils sont effrayés par les leurs, répond-elle.

J'admire la maturité de cette mignonne. Elle aime la minijupe, mais elle ne se trimbale pas une mini-gamberge, moi je vous le dis. On assiste à une fantastique évolution de l'individu, mes pères. De nos jours, une nana de 18 carats (ce sont des filles en or, à c't' étage-là), en a plus dans le chou que les professeurs de Faculté de nos dabes. Elles ont déjà fait le tour du circuit, histoire de reconnaître le parcours. Ce qu'on peut leur enseigner en philo n'est que de la rabâche de gâtouillard. Par rapport à ces jeunes éveillées, les grands penseurs passés et présents ont le cerveau en bronze, comme celui de Rodin.

Les vieux chpountz se rendent pas compte du danger que ça leur constitue[18]. Devant cette fabuleuse précocité, ils ronchonnent que ça leur passera avec l'âge cette manie d'être intelligents, à ces prodiges, qu'ils s'enconneront comme leur papa en prenant de la boutanche.

Ils veulent pas consentir à l'évolution de l'espèce. Ils refusent d'admettre que ça vient de sauter un cran et que de même que tombent les records sportifs, de même ça s'améliore fantastiquement dans le secteur de la moulinette. Les vieux, pour être intelligents, ça leur a coûté de la volonté et de la sueur, alors ils sont écœurés de découvrir que maintenant l'homme naît futé ; que les lardons d'aujourd'hui récoltent les fruits de leurs efforts. Ça leur parait anomalique ! Ce qui prouve bien, quoi qu'ils fassent ou qui qu'ils fessent, que les grands intelligents d'hier sont tout de même devenus les vieux cons d'aujourd'hui. Je perçois le phénomène et je me marre. Un pied dans chaque univers, il a, San-A. Une vue imprenable sur les cornichons qui pensent en play-back, et une autre, bien radieuse, sur les gredins qui ont de l'intelligence jusqu'au fond de leur vessie, car l'intelligence, la vraie, ça ne s'élabore plus : ça se pisse.

Un tas de mités du bulbe ont déjà décroché. Je leur ramène mon enquête, si vous permettez. Oh ! les mecs ; on repart ! Messieurs les voyeurs sont priés de remonter en voiture et de s'assurer que la portière de leur compartiment est aussi fermée que leur esprit ! Tututt, m'sieur le chef d'Edgar, après vous s'il en reste !

L'Édith défait son ciré et se jette assise sur les Dedion-Bouton et autres Mercedes-Benz 1903 qui décorent la couvrante.

— J'avais une de ces hâtes d'arriver ! me gazouille-t-elle, en ponctuant d'une œillade qui ferait passer la vaseline pour un astringent.

— Et moi donc, me crois-je obligé de répondre en m'asseyant,tout contre elle.

On reste là un instant, les yeux dans les prunelles, à se déguster par avance. C'est bath de prendre son temps. On se pourlèche préalablement. On se demande par quel bout on va s'attraper. On se tire des plans sur l'intime. On se rémoule les sens. On hypothèque sur l'avenir. On se pince le vibrant. On se cinématographe la prochaine séance. On se la projette en stéthoscope-couleurs, la rétine déjà spéculumique. Y a des moments, croyez-moi, où il ne faut rien brusquer. On se supplicechinoise mutuellement. On se distribue des ondes. Et puis, bravement, on s'attaque. A la classique : la bisouille mouillée pour se déseffaroucher le conventionnel. Puis la main vadrouilleuse pour s'amorcer l'intrépidité calbardière. Et ça démarre. J'aime bien les souris qui ont du tempérament. Je leur fais toujours crédit. Je file à Édith son premier tiers provisionnel et je m'apprête à lui entonner le chant des partisans sourds-muets lorsque, brusquement, elle me refoule et se met sur notre séant (je dis noue car le sien commençait de m'appartenir).

Elle a les cheveux collés au front par la sueur et le regard de quelqu'un qui tend l'oreille, si je puis ainsi m'exprimer..

— Quoi ? je demande.

— Éteins la lumière !

— Quelle idée !

— Tu n'as pas entendu ce coup de sifflet dans la rue ?

— En effet, mais…

— C'est un copain à moi, le fils Coursyvite. Il a vu que je suis rentrée, et il va monter…

J'ai réprimé le sursaut que vous supposez si vous êtes un tout petit peu moins truffe que j'imagine.

— Tu connais le fils Coursyvite ?

— L'aîné…. Maurice. Éteins, je te dis, il est amoureux de moi et il me casse les pieds avec sa jalousie.

Je me lève, mais au lieu de répondre je remets un peu d'ordre dans ma mise.

— Tu devrais te déguiser en jeune fille, conseillé-je à Édith.

— Qu'est-ce que tu fais ! déplore la douce amie en tirant ses huit centimètres de jupe sur ses quarante centimètres de cuisses.

Un pas fait craquer les marches de bois de l'escalier. Quatre doigts produisent une salve de tocs tocs contre la porte.

Ma petite passagère a un dernier geste pour me retenir, mais je délourde.

Sur le paillasson se tient un grand type qui pourrait passer pour blond s'il était un peu moins rouquin. Il a des taches et des moustaches de rousseur, des lunettes à grosse monture d'écaille et, derrière ses verres, un regard sidéré.

— Salut, Maurice, lancé-je, entrez donc !

Il obéit. Coursyvite fils a une vingt-cinquantaine d'années. On devine le gars complexé. Il ne sait que faire de ses longs bras, et les laisse pendre le long de son corps.

Il me considère d'un œil bredouillant.

— Commissaire San-Antonio, lui dis-je. Je suis un ami du papa d'Édith qui m'a chargé de vérifier son comportement à Angers.

Je boutonne discrètement mon futale.

— C'est du joli !

L'autre n'en casse pas une broque. Il se contente de cligner des yeux en scintillant ses mains rougeaudes comme le fait un athlète soucieux de se décontracter.

— Quand le brigadier va savoir ça, poursuis-je, je t'annonce un sacré ramdam aux établissements Coursyvite et ses fils !

— Faut rien dire à mon père, marmonne le garçon d'un ton anxieux.

— T'en as de bonnes ; petit gars. Tu me vois trahir la confiance d'un brigadier, moi, un commissaire assermenté !

La gosse se retient de pas rigoler. Elle me trouve parfait dans mon numéro de défenseur des familles. Faut dire que je n'en remets pas. Je joue sobrement le rôle du brillant flic qui comprend la vie au service de la morale chrétienne.

Ce qu'il paraît pas heureux, Coursyvite senior ! Une vraie pube pour un apéritif à base d'artichaut. Mon confrère Rabelais (qui me ressemble par certains côtés, aux dires de certaines gens) prétend que pour être heureux il faut boire frais et manger salé. Je m'oppose, les gars ! Pour être heureux, il faut beaucoup dormir et bien déféquer, le docteur Béru vous le confirmerait. L'insomniaque et son cousin germain, le constipé, sont les damnés de la terre. Visiblement, Maurice senior est dans l'une de ces catégories. Peut-être dans les deux.

— Je suis amoureux d'Édith, plaide-t-il du bout des lèvres.

Un filet de salive lui coule sur le menton et il transpire du front. C'est un garçon très secret, et qui sécrète énormément.

— Suis-moi, fais-je, on ne va pas parler devant cette pure jeune fille.

D'un geste doux et ferme je le propulse dans l'escadrin. Avant de filer, je fais signe à Édith que Je vais bientôt revenir. Elle est assise en tailleur sur son lit et je ne peux plus ignorer d'elle que ses poumons et la partie supérieure de son estomac.

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18

Note pour le correcteur : vous mettez pas la conscience professionnelle en berne à cause de ces tournures de phrase. C'est juste pour faire ch… les puristes grammateuriens, les envocabulés de frais, et saint Taxe, leur bien nheureux patron.