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— Passe-moi le kil de blanc, Mariette, quand on me réveille en sursaut, j’ai la menteuse comme un paquet de coton hydrocéphale.

— Béru, j’ai besoin de toi…

— Tu pourrais pas en avoir besoin demain matin ?

— Silence, Grotesque ! Dans une petite demi-heure le commissariat de police d’Angers va te rappeler. On te metttra alors en communication avec Mathilde Favier, la veuve du premier toubib qu’on a buté. Tu suis ?

— Et qu’est-ce qu’y faudra qu’ j’ lui fasse ? Que j’y présente mes condoléances ?

— Tu l’interrogeras à propos du type dont tu m’as parlé et qui a rendu visite à son mari peu de temps avant le meurtre.

— Le blessé aux cheveux gris ?

— Lui-même. Pose-lui toutes les questions qu’un flic moyen de ton acabit peut poser dans ces cas-là, vu ?

— Ça joue, mais où que t’es ?

— À Angers.

— Alors pourquoi tu la cuisines pas toi même en personne, du moment que t’es sur place ? D’après ce qu’on m’a dit c’est une petite dame délurée qui vaut le dessapage !

— San-A. a ses raisons que l’irraison ignore ! paraphrasé-je. Contente-toi d’obéir. Et surtout ne chopine plus en attendant le second coup de fil, c’est promis ?

— Et ta sœur ? me demande le Mécontent en raccrochant.

Je repose le combiné. Les trois agents ne perdent pas une broque de mes mots et gestes. Ils se croient devant leur téloche, à l’émission « Drames et mélodrames ».

— Besoin de votre aide, messieurs, leur dis-je avec la gravité d’un général de division sacrifiant deux ou trois régiments ou étudiant le menu au restaurant.

— À vos ordres, monsieur le commissaire.

— Prenez une voiture, allez au 30, quai Lenflure, réveillez la dame Favier qui y habite et ramenez-la ici en lui disant qu’il s’est produit un fait nouveau dans l’enquête en cours et qu’on a besoin de toute urgence de son témoignage.

— Et si elle refuse de nous suivre ?

— Elle vous suivra. Soyez courtois, mais fermes. Lorsqu’elle sera ici, demandez le 69 à Caducet-sur-Parbrise, Cher et Tendre, et mettez-la en communication avec M. Alexandre-Benoît Bérurier, d’accord ?

* * *

Le quai Lenflure a été privé de lune, ce soir, et il y fait aussi clair que dans le rectum d’un nègre.

À propos de nègre, les gars, j’aimerais, au passage, procéder à une petite mise au poing. Y a des mous du…, des enflés-de-partout, des grelottants du cervelet, des chétifs du capable, des terminus habens, des mal greffés de la glande couillonnante, des imperceptibles de la pensée, des nourris-au-gaz, des ébauchés, des amoindrisseurs, des attendris-sans, des évidés de la tête chercheuse, des laissés-pour-cons, des bonzes-apôtres, des parvenus, des tard-venus, des mondieu-pardonnéleurs, des crépisseurs de merde, des qui luttent pour le crachat des hommes, des émasculins singuliers, des qu’ont le fétide à la bouche, des à-peine-présents, des croissants chauds, des décrois-sants chauves, des fumiers infertiles, des espiègles de la vérité, des graffiteurs de réputations qui s’imaginent, qui pensent, qui disent, qui prétendent, qui affirment que le San-A. travaille en équipe, bath euphémisme pour déclarer qu’il a des Bougnouls. Y a même des militants écrivassiers, des impubliables, des re-raïtés (qui rira le dernier) des re-ratés qui me sollicitent un emploi dans mon usine à conneries. Ils se proposent pour poser les points virgules, ou bien cirer les pompes à Béru. Un petit turbin peinard, ils souhaitent ardemment. Au besoin ils huileraient mon I.B.M. ! Ou bien ils pagineraient les manuscrits qu’on me livre, ces torcheurs d’anus flétris ! Ils savent que ça se débite, le San-A., alors ils veulent coûte que coûte se mettre dans le coup.

Pour leur esprit mince comme une tranche de saumon fumé, c’est pas catholique, des gros tirages. Ils soupçonnent un trust derrière mézigue : P’T’TRE LA GÉNÉRALE Motors, non ? Ils aspirent à venir marner chez bibi comme d’autres vont gratter au Gaz de France ou chez Peugeot, avec leur petite gamzoule d’haricots-pas-chers à faire chauffer sur le radiateur du bureau ! Bande d’avariés, va ! Ils n’ont qu’a lancequiner du San-A., si c’est fastoche, si le premier manard du stylo peut en fignoler sur le faf-à-train des gogues, entre deux soupirs de constipé. Travail d’équipe, mes choses ! Y z’ont donc pas lu que je suis un type libre à travers mon babillage, ces fuligineux. Que c’est parce que je suis terriblement seul, justement, que je m’échine à écoper leur fange, à ces sanieux ! Dites, le pétomane, à votre avis, il en avait des nègres ?

Voilà ! J’avais un coup de bile, ça va mieux. Je tenais à leur dire dans le texte que je ne suis pas une situation assise. J’offre pas les avantages sociaux. Faut que je les oriente sur des perspectives d’avenir, ces chérubins de vapeur, que je leur évite de s’enfoncer trop avant dans les berlues, qu’après ils seraient déphasés du bocal, les pôvres. Ils moucheraient vite leur matière grise si on les stoppait pas en plein délire. Non, mes drôles : besoin de personne. Y en a qui font p’t’être l’amour à plusieurs, mais la diarrhée ça s’épanche tout seul, à tête et à calcif reposés. Avant de vouloir me co’écrire, apprenez d’abord à me lire. Et si vous trouvez mes textes cons au point de pouvoir les imiter, un bon conseil : lisez autre chose ! Maintenant j’écrase en demandant bien bas pardon pour cette parenthèse aux gentils qui ne sont pas concernés par ma petite fureur.

Je disais…

Le quai Lenflure a été privé de lune, ce soir, et il y fait aussi clair que dans le rectum d’un nègre !

Et puis d’abord, pourquoi on appelle ça des nègres, hein ? Toujours ce vieux souci de péjoration du blanc de blanc d’Espagne de merde de laitier ! Monsieur T’Singor, le pouèt, des fois qu’il a des blancs, lui ! Je vais faire courir le bruit, pour voir si ça lui est négal.

Un président poète, ça doit être drôlement chouette, non ? Vous aimeriez pas, vous ? Il promulguerait les lois en vers (au lieu de les promulguer envers et contre tous).

« Un arbre sur la T.V.A. « Berce sa palme… »

Je reprends…

Le quai Lenflure a été privé de lune, ce soir, et il y fait aussi clair que dans le porte-monnaie d’un Écossais[21].

Je remise ma tire derrière les arbres bordant la Promenade des Angelais et j’attends.

Oh, pas longtemps. À peine ai-je coupé mes phares qu’une bagnole noire s’arrête devant le numéro 30 et que le sous-brigadier aux quatre barbus carillonne.

Presque aussitôt, de la lumière s’allume au premier. Une fenêtre s’ouvre. Je reconnais, à distance, le buste de la bienheureuse Mathilde. Il y a échange de mots ; puis elle se retire de la croisée, comme la dame à l’ombrelle des baromètres suisses quand il va flotter. Quelques minutes plus tard, elle ouvre sa porte. Nouvelle palabre. Cette balade nocturne ne paraît pas l’enthousiasmer la petite veuve. Elle commence à se dire que la Rousse en prend à son aise avec elle ; mais le prestige de l’uniforme oblige. Ces messieurs et dame s’en vont.

Bien entendu, vous avez déjà compris que San-Antonio n’attendait que cette décarrade pour s’annoncer, nanti du petit sésame traditionnel.

Cric-crac !

Ou plus z’exactement fric-frac, et me voilà dans la maison.

En poulaga consciencieux, qui a priori doute de tout, y compris de ses sens, je retourne explorer le bahut. Pas de problème : il est bel et bien vide. Je renifle. Ça sent le désodorant. M’est avis qu’on a dû baliser les miasmes à la bombinette Belodore. Je traverse la maison et sors par la porte de la cuisine, laquelle donne sur une petite cour pavée. Une sorte de buanderie désaffectée sert de débarras. Une partie du mobilier rapporté de Caducet s’y trouve encore : deux tables, un bahut, des sièges… Pas trace de défunt. Longuant s’est escamoté. Ou plutôt, on l’a escamoté.

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21

Fallait bien que j’arrête de me banderiller pour continuer mon récit !