Le 9 octobre, elle est aussi là pour voir Michel Rocard être élevé au rang de grand-croix de la Légion d’honneur. Le 21 novembre, elle est au bras de son mari pour rendre hommage place de la République aux victimes des attentats. En mars suivant, c’est au dîner d’État en l’honneur de Willem-Alexander et Máxima des Pays-Bas qu’elle fait sensation dans sa robe en dentelle blanche… Désormais, elle assiste à chaque événement officiel et agite la presse, qui raconte son histoire et analyse ses tenues. « Brigitte, l’autre Macron », titre L’Express dès le mois d’octobre 2015. Consacrant trois pages à son parcours ! Depuis sa deuxième année à Bercy, le ministre n’est donc plus la seule star de son couple… Éclipsé par une épouse à l’indéniable aura people.
PEOPLE OR NOT PEOPLE
S’y sont succédé une chanteuse et mannequin connue dans le monde entier, une journaliste connectée au Tout-Paris et une actrice régnant sur le septième art… Pourtant, à l’Élysée, c’est l’ère Brigitte Macron qui pourrait être la plus people. Car en trois ans, le carnet d’adresses de la prof de lettres s’est mué en Who’s Who du show-biz français. Et très vite, aucun carré VIP ne lui a plus été interdit. On la verra occuper le premier rang des défilés Louis Vuitton, copiner avec Michel Boujenah ou Pierre Arditi aux premières de théâtre… Surgir, même, sur l’Instagram très étoilé de Laeticia Hallyday ! Le 6 juillet 2016, l’épouse de Johnny poste en effet une photo inattendue : au centre, Line Renaud souffle ses quatre-vingt-huit bougies, entourée des Hallyday, du producteur Jean-Claude Camus, de l’icône Vanessa Paradis… Et, tout sourires entre Muriel Robin et Stéphane Bern, du couple Macron. Un cliché qui sera évidemment très commenté et repris par tous les sites d’info, y compris politiques. « Emmanuel Macron au milieu de stars à l’anniversaire de Line Renaud », titre celui de BFM. « Quand Emmanuel Macron fête l’anniversaire de Line Renaud avec Johnny Hallyday et Stéphane Bern », s’étonne RTL. Le ministre de l’Économie serait-il un people comme les autres ? Le mélange des genres fait en tout cas parler. Mais depuis des mois, le couple a tissé des liens avec nombre de célébrités, au fil des sorties culturelles orchestrées par Brigitte. Au terme de chaque spectacle, ils ne manquent désormais jamais de saluer les artistes. François Berléand ? Ils le rencontrent dans sa loge après une représentation de Momo. Chantal Ladesou ? C’est à la fin de Peau de vache. « Lui, on ne comprend pas ce qu’il raconte », se souviendra la comédienne dans « Les Grosses Têtes », en novembre 2016. « C’est un cours de l’ENA. Et elle, elle traduit. Elle vulgarise son propos. Ils font un bon tandem ! »
Avec Fabrice Luchini, le coup de cœur est d’abord virtuel. À l’automne 2014, Brigitte Macron emmène son mari voir au cinéma Gemma Bovery. Le verdict du ministre en fin de séance est enthousiaste : il a envie de rencontrer l’acteur. Quelques jours plus tard, l’enseignante invite donc l’ami de François Hollande à dîner à Bercy. « Quand il est entré dans le bureau, il a lancé son blouson et a dit : “Bon, ça va aller !”, raconte-t-elle. Il a commencé à parler de Furet et de Rimbaud avec Emmanuel. Comme s’ils étaient amis depuis longtemps[1]. » S’engage alors entre eux un vrai rituel : dès que possible, le comédien vient au ministère pour un déjeuner, et la lecture d’un grand texte. De quoi donner une idée à l’enseignante. Le tête-à-tête littéraire, c’est bien gentil, mais ce serait encore mieux de le partager avec ses classes ! Au printemps 2015, une centaine d’élèves de son lycée Franklin est donc conviée à Bercy, pour une rencontre avec Emmanuel Macron et Fabrice Luchini. Le procédé peut légèrement surprendre : on n’est ni au ministère de l’Éducation nationale, ni à celui de la Culture. Mais ce jour-là, tous semblent ravis. Un élève nous explique avoir vécu « un moment extraordinaire ». « Un immense souvenir, commente de son côté l’acteur. J’ai trouvé ça passionnant. On était interrogés sur Rimbaud, sur Nietzsche, sur Flaubert. J’ai trouvé cette femme complètement harmonisée, à sa place, dense, précise, une solidité intérieure. Elle a mené ça de main de maître[2]. » Preuve de son affection, il prêtera au couple sa maison de l’île de Ré à l’été 2016, le tout « entièrement gratos » comme il le précise sur tous les plateaux.
Dès Bercy, les proches des Macron s’appellent donc Bernard Montiel, Philippe Besson ou Stéphane Bern. L’attachée de presse Nicole Sonneville – qui a inspiré à Alex Lutz son personnage dans « Catherine et Liliane » – est elle aussi conquise. Bonne pioche : elle va mettre son impressionnant carnet d’adresses à leur disposition. Faisant de Bercy le théâtre de dîners ultra-select, où l’on croise Pierre Arditi et Évelyne Bouix, Guillaume Gallienne ou Arielle Dombasle. « Je dois dire que tous les deux étaient d’une attention et d’une gentillesse absolues[3] », vante, quelques mois plus tard, cette dernière. Une telle déferlante de people ? Le Paquebot n’en avait pas connu depuis 2007, lorsque Nicolas et Cécilia Sarkozy y recevaient leurs amis célèbres…
Avec les Macron, les réceptions s’enchaîneront bien plus encore, le couple organisant parfois jusqu’à deux dîners par soir. Une frénésie qui aurait bien sûr un coût… Selon l’enquête des journalistes Marion L’Hour et Frédéric Says[4], lors de sa démission en août 2016, Emmanuel Macron avait utilisé 80 % de l’enveloppe annuelle de frais de représentation accordée à son ministère – soit au moins 120 000 euros en huit mois ! Mais avec des perspectives présidentielles, réseauter est important. Et à cet exercice, sa femme représente un atout précieux. Elle a un mot pour chacun, met en valeur ses invités, plaisante avec aisance. Bref, elle est une hôtesse aussi naturelle que lorsqu’elle recevait le couple Rocard et d’autres, dans leur appartement de la cité Falguière. Une « brise-glace », estime l’animateur Stéphane Bern, devenu pour les Macron un ambassadeur de choc, comme pourront l’être d’autres journalistes invités, tels Marc-Olivier Fogiel ou Cyrille Eldin. Dans les médias, les stars ne rechignent ainsi pas à parler d’eux, devenant des relais aussi glamour que puissants. De la même façon que les clichés de toutes leurs soirées VIP et sorties au théâtre représenteront une promo à bon marché, pour un lectorat qui ne dévore pas forcément la presse politique ou économique. Le tout en empiétant – bonus non négligeable – sur le terrain de Manuel Valls.
Son épouse, la violoniste Anne Gravoin, ayant travaillé avec Nolwenn Leroy, Emmanuel Moire, Alain Souchon ou Laurent Voulzy, c’étaient en effet surtout les Valls que l’on voyait entourés de people. Eux que l’on immortalisait à la première de La Traviata, avec Arielle Dombasle et Bernard-Henri Lévy. Eux qui posaient avec les Hallyday après le concert de Johnny, que la musicienne accompagnait sur scène. Eux que l’on surprenait au Festival de Cannes, bavardant avec Marion Cotillard ou Jean Dujardin… Mais dès 2015, la course aux stars est lancée entre le chef du gouvernement et son ministre. Et leurs épouses mènent le match, se retrouvant même, le 6 juillet 2015, ensemble au musée Rodin pour assister au défilé Dior. Ce jour-là, la trêve est déclarée, le temps d’une embrassade chaleureuse devant les photographes. À croire que Brigitte Macron a réhabilité ce corps professoral qu’Anne Gravoin trouvait terne lorsqu’il était incarné par une autre Brigitte, Ayrault cette fois. « C’est sûr qu’une musicienne, c’est un peu plus glamour que Mme Ayrault, prof d’allemand[5] dans la banlieue de Nantes ! », avait-elle lancé dans un portrait que lui consacrait Le Parisien en juin 2012. Avec l’Amiénoise, elle a visiblement trouvé à qui se mesurer.
4