Depuis des mois, les réseaux sociaux comme les rédactions parisiennes sont ainsi agités d’un même écho : Emmanuel Macron aurait une liaison avec Mathieu Gallet. Jusqu’ici, le séduisant patron de Radio France – ex-directeur de cabinet de Frédéric Mitterrand au ministère de la Culture puis PDG de l’INA – était surtout connu du grand public pour les coûteuses rénovations entreprises dans son bureau. Mais, en ce printemps 2016, son nom est désormais associé à celui du ministre. On les aurait vus sortant d’un restaurant… Ils se retrouveraient secrètement en forêt… Closer s’apprêterait à publier des photos compromettantes… À un an de la présidentielle, les conjectures vont bon train ! Et si, dès l’été 2014, certains twittos évoquaient leur prétendue inscription à une même salle de gym parisienne, les commentaires n’ont cessé de se faire plus précis. « Emmanuel Macron sort avec Mathieu Gallet et sa femme lui sert de couverture… », écrit l’un. « Si Macron a un discours de vérité envers les Français, pourquoi ne parle-t-il pas de Mathieu Gallet ? », tente l’autre. Sans oublier bien sûr les quelques photos du PDG de Radio France assorties du hashtag #MadameMacron. Sur les réseaux sociaux, les allégations se multiplient, souvent même nourries par les déclarations de responsables politiques.
À commencer par la remarque de Nicolas Sarkozy, interviewé début mai dans Le Point par Anna Cabana. « Il est cynique. Un peu homme, un peu femme, c’est la mode du moment. Androgyne. Ce qui vous plaît chez Macron, c’est que vous aimez toujours ceux qui ne vous obligent pas à choisir. » Le propos est assez limpide mais, juste au cas où, l’entourage de l’ex-président se charge de le vulgariser. Ainsi, ce sénateur LR qui se gargarise ouvertement des rumeurs dans les couloirs du palais du Luxembourg. Ou encore le banquier Philippe Villin, qui dénonce le 25 avril 2016 dans une tribune au Figaro « la mise en scène d’une vie privée » d’Emmanuel Macron. Répandant également, selon les journalistes du Monde Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin, « ce qu’il appelle sans gêne le “Macron fake” : la vie maritale de l’ex-ministre serait une façade, il dissimulerait ses inclinations profondes[1] ».
Quelques mois plus tard, le 4 février 2017, ce sera au tour de Nicolas Dhuicq de s’en faire très tranquillement le relais, auprès de l’agence de presse russe Sputnik ! « Concernant sa vie privée, ça commence à se savoir à l’heure où nous parlons », annonce celui qui est alors député LR. « L’un de ses soutiens est le célèbre homme d’affaires Pierre Bergé, un associé et amant de longue date d’Yves Saint Laurent, qui est ouvertement homosexuel et défend le mariage pour tous. Il y a un très riche lobby gay qui le soutient. Cela veut tout dire. » Des propos qu’il se défendra ensuite d’avoir tenus – tout en les réitérant – le 8 février, sur le plateau de « C à vous ». En cause, selon lui, une incompréhension digne de Lost in Translation. « C’est simplement traduit. J’ai dit qu’il y avait un très riche lobby gay qui est derrière parce que je ciblais M. Bergé. Ça n’a rien à voir avec mes compatriotes homosexuels qui sont comme tout le monde. » C’est sûr qu’en VF, c’est beaucoup plus clair… Et dans l’hypothèse où quelqu’un, tout au fond de la salle, n’aurait pas saisi ses insinuations, Nicolas Dhuicq s’offre une dernière salve dans un reportage diffusé dans « C dans l’air » : « Sa vie privée le regarde, tout le monde la connaît. […]. Moi, ce que je n’aime pas, c’est qu’on nous tienne un roman qui n’est pas la réalité. » Fin de la démonstration du soutien de François Fillon.
En pleine campagne présidentielle, la droite jouerait-elle à amplifier les ragots ? Emmanuel Macron ne le démentira jamais… Tout en pensant très fort que d’autres, au sein même de son « camp », ont tout intérêt à le déstabiliser. Dans ce gouvernement dont le ministre de l’Économie s’extrait de plus en plus ostensiblement, on ne se gêne ainsi pas pour faire des commentaires. Aux autres étages de Bercy, on lui prête même des aventures avec certains membres du personnel ministériel, qu’ils soient chauffeurs ou officiers de sécurité. Mais au premier rang des soupçons d’Emmanuel Macron, il y a surtout celui qui est encore son N+1 : Manuel Valls. La presse le rapporte à l’époque, les proches du Premier ministre seraient les premiers à cancaner. Une hypothèse à laquelle Brigitte Macron a semblé réceptive, elle qui disait à ses amis craindre Manuel Valls pendant la campagne. Son mari en aurait été tout aussi convaincu. « Bien sûr qu’il savait d’où cela venait ! nous explique un membre de son staff. On en plaisantait le soir[2]. » Lorsque l’ex-chef du gouvernement perd la primaire de la gauche, Emmanuel Macron aurait d’ailleurs ironisé avec son entourage sur tous les montages photo qu’il n’aura jamais l’occasion de voir… Si ses équipes sont très gênées par ces rumeurs, le candidat n’y voit tout d’abord pas de problème politique. « Je crois que cela m’énervait beaucoup plus que lui au début, raconte un ami. Il blaguait même sur le sujet[3]. »
Les premières mentions d’une double vie ? Les Macron les traitent donc par le mépris. Lorsque Françoise Noguès, inquiète, presse son fils de démentir, le ministre lui oppose même que cela alimenterait les ragots. Quant à Brigitte, elle explique à qui veut l’entendre qu’elle s’attend aux attaques en dessous de la ceinture. Et, en surface, elle balaie le sujet avec philosophie. « Le marigot, on se débrouille, on nage. Ou on coule ! aime-t-elle ainsi à déclarer. Mais je ne vais pas commencer à chougner. L’important, c’est la famille. Ça protège. C’est l’essentiel[4]. » Ajoutant souvent qu’elle ne compte pas s’attacher à ces malveillances. « Après tout ce par quoi on est passés… », conclut-elle. C’est vrai, ils ont déjà connu les ragots et les regards en biais… « Il y a vingt-cinq ans, ils ont vécu l’opprobre, la mise au ban, les quolibets. Ils en ont tiré une grande détermination, analyse Philippe Besson. Mais là, cela a pris des proportions nationales. L’ampleur de cette discrimination a sans doute changé la donne[5]. »
1
Dans un article, « Les coulisses de la guerre contre Macron », paru le 14 novembre 2016