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Car ces nouveaux assauts vont bientôt devenir intolérables à Brigitte. « C’est quelqu’un de très spontané, ajoute le romancier. Elle est sans filtre et donc parfois sans protection, ce qui est à la fois sa force et sa fragilité. Alors, en effet, elle a été déroutée et décontenancée par les attaques de la campagne. » Et elle ne s’accommode plus de la désinvolture de son mari – que l’on sait capable de rire aux éclats après avoir reçu un œuf sur la tête au Salon de l’agriculture. D’autant que Brigitte appréhendait en réalité ce type d’attaques d’ordre privé. Elle est bien placée pour mesurer la violence que la politique peut exercer sur une vie de couple. Amie de Valérie Trierweiler, elle a été choquée par sa répudiation. Elle a également été marquée par les bruits d’infidélité autour des Valls. En s’engageant aux côtés de son époux, elle s’attendait donc à être secouée par un monde qu’elle décrit comme « impitoyable »… Elle n’imaginait néanmoins pas recevoir les appels et lettres anonymes qui vont transformer pour elle la rumeur en clameur. « Votre mari se trouve en ce moment en compagnie d’un publicitaire », a-t-elle pu entendre en décrochant son téléphone. De quoi ébranler le stoïcisme de façade et lui donner envie de s’afficher en couverture des magazines… Puis de pousser Emmanuel Macron à un démenti clair et net. « Lui s’en moquait un peu, nous explique un proche. Mais elle était très vexée par ces allégations. C’était une femme blessée[6]. » En privé, elle admet ne plus parvenir à être aussi détachée que le lui réclame le ministre. Alors les éloquents silences font place à une retentissante réponse. « Emmanuel Macron a compris que cela blessait Brigitte et démentir était une façon de rappeler son amour pour sa femme[7] », nous confirme Philippe Besson. La stratégie du couple ? Se rire méthodiquement de la rumeur. Tout le temps. Partout. Avec tout le monde.

Et c’est bien sûr d’abord auprès de leurs amis et connaissances qu’ils vont diffuser leur message. Désormais, plus un dîner ne se passe sans que l’un des deux n’évoque le sujet. Avec le style cash que beaucoup lui connaissent, la future première dame ne ratera ainsi pas l’occasion d’en parler à ceux qu’elle invite à Bercy. À en croire Valeurs actuelles, Jean d’Ormesson se serait beauoup amusé du fait qu’elle n’ait mis que quelques minutes à lui signifier que son époux « n’est pas homosexuel[8] ». Elle n’hésitera pas non plus à parler de ce « pépé dans la rue » qui lui aurait lancé qu’« il n’est pas pédé, Macron », car lui « les sent, les pédés ! ». Du côté de son mari, le ton se fait un peu plus grave, mais l’implication est la même. « Un soir, alors que nous dînions avec quelques amis, Emmanuel a raconté qu’il était victime d’une sale rumeur concernant son couple, qu’il aurait une relation avec un homme, relatait l’acteur François Berléand. “Brigitte sait tout de moi, je ne vois pas comment je pourrais avoir une vie parallèle”, nous a-t-il dit avec naturel[9]. » Mais une fois le naturel rodé, il est temps de passer à l’étape suivante…

Juste une mise au point…

Certains ont beau penser la rumeur cantonnée à un microcosme médiatico-politique, l’ex-ministre n’est visiblement plus de cet avis. Et si ses conseillers plaident pour le silence sur ce sujet, lui est désormais convaincu que ses démentis doivent s’adresser au plus grand nombre. Quitte à faire de la rumeur une information et autoriser les médias à énoncer clairement ce qu’ils taisaient jusque-là. Le premier round ? Il a lieu dès le 2 novembre 2016, sur le plateau de l’émission « En direct de Mediapart ». Emmanuel Macron n’est pas encore officiellement dans la course à la présidentielle (il y entrera quatorze jours plus tard), mais le suspense sur sa candidature n’est pas franchement haletant. Et il est donc venu esquisser son programme, et éclaircir, pourquoi pas, certains points plus personnels. Lorsque le journaliste Mathieu Magnaudeix lui demande s’il pense qu’un cabinet noir alimente des rumeurs sur sa vie privée, s’appuyant sur un papier paru dans L’Express au sujet des « boules puantes » de sa campagne, le futur président ne manque pas l’opportunité de répondre. « Beaucoup de gens s’amusent à dire que j’ai une double vie. […]. Que ceux qui s’amusent à faire ça se fatiguent parce que je ne changerai pas de vie pour eux. Je n’ai pas de double vie et je tiens plus que tout à ma vie familiale et à ma vie maritale. » Une séquence qui voit basculer la communication d’Emmanuel Macron sur le sujet… Le tout, avec des éléments de langage soigneusement choisis. Ce jour-là, il sait en effet que la question de la vie privée sera évoquée. « Il y avait des rumeurs, des insinuations, nous explique Mathieu Magnaudeix. Son équipe semblait mal à l’aise pour répondre, craignant d’alimenter les on-dit. Les journalistes n’osaient pas qualifier ces rumeurs et ne lui avaient pas posé la question directement, ce qui alimentait sur les réseaux sociaux toutes sortes de plaisanteries homophobes. En abordant avec Sylvain Fort [son conseiller en communication, NdA] les séquences de l’émission, je l’ai donc averti, sans entrer dans les détails, que je poserais une question sur la vie privée. C’est la première fois qu’il a dit : “Je n’ai pas de double vie[10]”. » Une réplique sans équivoque, dont il aurait pu se contenter une fois pour toutes. Ce ne sera pas le cas.

Car le sujet n’est pas clos. Loin de là. Le soir du 6 février 2017, les soutiens d’Emmanuel Macron sont réunis au théâtre Bobino. L’événement est censé consister en un question-réponse entre les neuf cents « marcheurs » présents et quatre délégués du mouvement. Quand, soudain, le candidat, qui n’est pas prévu au programme, fait son entrée. Son but : rassurer l’auditoire sur la « rumeur désobligeante » qui n’a cessé d’enfler en ce début d’année. Depuis quelques jours, des e-mails la relayant ont été envoyés à plusieurs rédactions. Et les recherches associant les noms Emmanuel Macron et Mathieu Gallet ont explosé sur Google Trends, ce dont l’équipe d’En Marche !, en veille sur le sujet, est bien consciente. Sans compter que le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, a promis des révélations sur l’ex-ministre. Sur scène, celui qu’Atlantico a le jour même qualifié d’« Objet Sexuel Non Identifié » met donc le paquet. « Pour celles et ceux qui voudraient faire courir l’idée que je suis duplice, que j’ai des vies cachées, c’est désagréable pour Brigitte… Mais je vous rassure, comme elle partage tout de ma vie, du soir au matin, elle se demande simplement comment physiquement je peux faire, lance-t-il, sous le regard de sa femme en coulisses. Heureusement que je ne l’ai jamais rémunérée pour cela ! » Dans cette campagne paralysée par l’affaire Fillon, les Macron savent que la vie privée a intégré le débat public et ils sont bien décidés à évacuer le problème. « Donc si dans les dîners en ville, si dans les boucles de mails, on vous dit que j’ai une double vie avec Mathieu Gallet, c’est mon hologramme qui soudain m’a échappé. Mais ça ne peut pas être moi, je ne le connais pas », conclut-il, taclant par la même occasion la nouvelle ubiquité virtuelle de Jean-Luc Mélenchon. Le sketch divisera les amis du candidat. Mais la salle, hilare, applaudit à tout rompre, Brigitte Macron en tête. Et pour finir de rassurer son épouse, il s’offre un dernier démenti.

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6

Entretien avec l’auteur, le 25 août 2017.

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7

Entretien avec l’auteur, le 11 septembre 2017.

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8

« Brigitte Macron, la vice-présidente », le 20 juillet 2017.

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9

Gala, « Brigitte Macron : ses amis du showbiz la racontent », le 23 novembre 2016.

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10

Entretien avec l’auteur, le 25 août 2017.