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Outre ses enfants, Brigitte Macron a également mobilisé les Trogneux. Dès le 6 avril 2016, ils étaient bien placés dans cette salle du centre des congrès d’Amiens, pour assister au lancement d’En Marche !. Depuis des semaines, Jean-Alexandre Trogneux, le neveu de l’enseignante et patron de la chocolaterie, annonçait à ses relations que son oncle allait frapper un grand coup. Et pendant toute cette ascension, le clan de Brigitte sera beaucoup plus présent que celui d’Emmanuel – dont le père, le frère et la sœur resteront longtemps quasiment invisibles. Mais concernant la communication du candidat côté privé, c’est de toute façon son épouse qui gère. Si elle s’exprime peu dans les médias, l’ancienne attachée de presse diffuse la bonne parole hors caméras. Dans les déplacements de campagne, elle assure par exemple parfois le service après-vente auprès de la presse écrite. De quoi en faire dans l’esprit de certains un vrai « spin doctor » pour Emmanuel Macron. « Un spin doctor, c’est quelqu’un qui construit un récit à partir d’éléments éparpillés pour donner du sens à une candidature politique, rappelle Philippe Moreau Chevrolet. Selon moi, Brigitte Macron joue ce rôle pour son mari. Elle le coache depuis le début, pense ses mises en scène, construit sa façon de parler en public et son récit personnel. Je pense qu’elle fait un travail assez fantastique. Quel conseiller pourrait entrer mieux qu’elle dans l’intimité d’Emmanuel Macron, et penser comme lui[9] ? »

Concrètement, c’est elle qui confie la gestion de leur image à Michèle Marchand, papesse de la presse people – celle-ci continue d’ailleurs de lui rendre une visite hebdomadaire à l’Élysée. Elle aussi qui aurait fourni le film de leur mariage aux équipes du documentaire La Stratégie du météore, à la grande surprise de leur entourage. Le candidat niera avoir prêté ses archives personnelles mais son épouse ne semble en tout cas pas mécontente de leur diffusion. « Au moins, on ne pourra pas dire que notre couple est bidon[10] », commente-t-elle à Philippe Besson. C’est enfin Brigitte qui a insisté pour apparaître dans Paris Match, à en croire ce que souffle alors à plusieurs journalistes la garde rapprochée d’Emmanuel Macron. Son équipe fait mine de s’en amuser, mais elle déplore cette peopolisation, expliquant vouloir calmer le jeu pour ne pas « trivialiser » la parole du candidat. Certains stratèges de campagne auraient-ils été agacés par l’influence de la future première dame ? Sans aucun doute. « Une conseillère m’avait par exemple dit : “Il y a ce que l’on fait, et il y a Brigitte”, nous confie un proche du couple. Et l’existence de cette zone de non-droit, sur laquelle ils n’avaient aucun contrôle, était pour eux insupportable. Dans un monde idéal, ils auraient voulu représenter le seul accès au candidat[11]. » Une jalousie que confirme le sénateur François Patriat, rallié de la première heure à En Marche !. « Avant, j’échangeais chaque semaine un SMS à 1 heure du matin avec lui. C’est fini, expliquait-il peu avant le scrutin présidentiel. Il est entouré d’une armée de jeunes conseillers qui veulent le garder pour eux. Du coup, je passe par Brigitte. Elle me dit : “Écris-moi un mot, je lui montrerai ce soir[12].” » Elle est d’ailleurs restée en contact très fréquent avec l’ex-ministre de soixante-quatorze ans, s’inquiétant de sa santé depuis un grave accident de voiture en septembre 2016. Des rapports de confiance qu’elle entretient aussi avec le futur ministre de l’Intérieur Gérard Collomb, ou plutôt « mon Gérard », comme elle l’appelle.

Une campagne sous tension(s)

Avec quelques-uns des jeunes conseillers de son mari, les relations sont plus difficiles – c’était déjà le cas à Bercy. « Certains considéraient qu’elle n’avait pas à être là, que c’était un homme et non un couple qu’on élirait[13] », poursuit ce proche des Macron. Avec Ismaël Emelien, les rapports ne seraient ainsi pas toujours harmonieux. Cet ex de chez Havas est pourtant un membre clé du dispositif macronien. C’est avec lui qu’à l’été 2014, le candidat devait monter une société spécialisée dans l’éducation. Il le rejoindra ensuite à Bercy en tant que conseiller communication, sera l’un des principaux artisans du lancement d’En Marche !, puis héritera du poste très envié de conseiller spécial à l’Élysée. Mais ce trentenaire d’une extrême discrétion – qui n’aime pas être l’objet de portraits dans la presse – ne fait pas partie des proches de la médiatique Brigitte Macron. Selon un article paru dans Marianne en octobre 2017, celle-ci aurait même rencontré début 2016 plusieurs candidats pour tenter de le remplacer au ministère de l’Économie. Et ces relations compliquées ne vont pas s’arranger durant la campagne. En cause notamment, la spontanéité de l’ex-prof, qui fait trembler ce pro de la communication, comme d’autres membres d’En Marche !. La voir se lier d’amitié avec Claire O’Petit, l’incontrôlable polémiste des « Grandes Gueules », devenue députée LREM, ne les a par exemple que modérément amusés. Lors du meeting de la Mutualité, en juillet 2016, Brigitte était allée lui demander un T-shirt de l’émission de RMC, dont elle est fan ! Et depuis, toutes deux sont restées en contact régulier. Derrière les « Voltaire-Flaubert-Leibniz a dit que » dont l’ex-prof ponctue chaque interview, se cache un penchant pour la gouaille.

Fin 2016, alors que la journaliste Gaël Tchakaloff suit le candidat et son épouse, certains craignent aussi que Brigitte ne se montre trop bavarde. Son précédent livre, Lapins et Merveilles[14], sur la campagne d’Alain Juppé, grouillait de confidences familiales qui avaient contrarié le maire de Bordeaux, et l’équipe d’En Marche ! pressent la catastrophe. « Brigitte aime jouir de sa liberté, elle n’a pas vraiment de retenue, ose alors un conseiller d’Emmanuel Macron. Elle ne se rend pas compte de ce qu’elle est vraiment et surtout de l’image qu’elle renvoie[15]. » Avant même d’entamer 2017, leur résolution est donc claire : la tenir à l’écart. Ce qu’elle accepte dans un premier temps, se mettant « en réserve de la République » comme le dit son entourage. Elle répète alors à qui veut l’entendre qu’elle est la « femme du candidat, rien de plus », et qu’elle n’est « pas omniprésente ». Pour mieux le prouver, elle l’accompagne plus rarement en meeting. Parmi les confessions qu’elle glissera – quand même – à Gaël Tchakaloff, elle avoue « faire attention de ne pas trop se montrer[16] ». Lorsqu’en décembre 2016 son mari effectue un déplacement en Bretagne, Brigitte se contente de le rejoindre le soir à l’hôtel, sans assister au meeting du jour. « Elle s’est faite discrète bien qu’en réalité elle ne soit jamais sortie du jeu », conclut notre source. D’autant que tous sont obligés de reconnaître, même à contrecœur, qu’elle est le ticket gagnant d’Emmanuel Macron.

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9

Entretien avec l’auteur, le 4 octobre 2017.

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10

Philippe Besson, op. cit.

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11

Entretien avec l’auteur, le 3 septembre 2017.

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12

Le Monde, paru le 18 avril 2017.

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13

Entretien avec l’auteur, le 3 septembre 2017.

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14

Flammarion, 2016.

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15

Challenges, « Brigitte Macron, fusionnelle », art. cit.

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16

Gaël Tchakaloff, Divine Comédie, Flammarion, 2017.