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Ces rencontres restent parfois sans effet immédiat. En janvier 2017, lors d’un déplacement à Hellemmes dans le Nord, les Macron s’attardent auprès de l’association Artemo La Fabrique d’art et de mots, qui développe notamment des livres à compléter pour les enfants. L’ex-enseignante est intéressée par le concept et la responsable de la structure lui offre donc un exemplaire pour que son mari le remplisse avec ses petits-enfants. Lorsque nous la contactons six mois plus tard, elle n’a pas eu de nouvelles, bien qu’elle juge le moment intéressant. Mais la position particulière de Brigitte Macron pendant la campagne – entre porte d’entrée et lanceuse d’alerte – l’a en tout cas aidée à contribuer à l’élaboration du programme présidentiel. Synthétisant la masse d’informations accumulées, elle a pu intervenir dans les domaines qui la touchent et où elle se trouve une légitimité : le handicap, la culture – lorsque Emmanuel Macron réunit ses équipes autour du Pass Culture, elle est là pour intervenir… L’éducation aussi bien sûr, où l’ex-enseignante fait entendre à son mari ses convictions « plus réac » que les siennes. Ou encore l’égalité femmes-hommes, à laquelle elle s’est tout de suite dite très sensible. À cet égard, le happening du 8 mars 2017 est révélateur. En cette Journée des femmes, Emmanuel Macron a organisé un meeting « Elles marchent » au Théâtre-Antoine. L’occasion de clamer son engagement pour l’égalité salariale et contre les violences faites aux femmes… Et d’affirmer plus que jamais le binôme qu’il forme avec son épouse. « Beaucoup ont été choqués dans cette campagne quand Brigitte est apparue », dit-il, dénonçant l’« hypocrisie » de considérer que « celui ou celle qui va à l’élection ne partage sa vie avec personne ». Suit une longue déclaration à sa femme, qui l’a rejoint sur scène et « à qui [il] doit énormément parce qu’elle a contribué à faire qui [il] est ». Quelques semaines plus tard, il ne nommera finalement pas une femme Premier ministre, comme il l’a alors laissé entendre. Mais, le 8 mars, il a en tout cas précisé la place très particulière de celle qui est sa première adjointe.

L’illustration du « couple égalitaire » que dépeignent leurs proches ? D’autres préféreront y percevoir la preuve d’un opportunisme de Brigitte, qui aurait poussé son mari à se présenter au plus vite. Après tout, ne disait-elle pas à ses amis qu’« il faut qu’il y aille en 2017 parce qu’en 2022, son problème, ce sera ma gueule[29] » ? François Hollande lui-même l’aurait soupçonnée d’être en partie derrière l’appétit de son ministre. Et dire qu’en plus, Valérie Trierweiler aurait comploté avec elle ! En mai 2016, l’ex-First Girlfriend tombe en effet sur Brigitte Macron déjeunant à La Société, un resto chic de Saint-Germain-des-Prés[30]. « Il faut absolument qu’Emmanuel y aille », aurait plaidé la journaliste. Réponse de son interlocutrice ? « Oui, il faut qu’il y aille, c’est maintenant. » Valérie Trierweiler démentira sur Twitter la teneur de ce dialogue, mais sa lecture a en tout cas dû faire bondir François Hollande. Les premières dames, son premier drame…

En la voyant, dès le soir du premier tour, monter à la tribune, certains ne douteront plus de son ambition. « À ce moment-là, il y a eu une espèce de rappel à l’ordre dans les réactions politiques et médiatiques », relève le sociologue des médias Jamil Dakhlia. « L’épouse d’un candidat n’a pas été élue par les Français. Mais Emmanuel Macron a imposé dès le départ l’équipe qu’il forme avec elle. Leur couple a été beaucoup plus mis en avant que lui tout seul. C’est frappant et assez exceptionnel[31]. » Le moment le plus applaudi de ce discours du 23 avril ? Il intervient d’ailleurs lorsque Emmanuel Macron rend hommage « à Brigitte, toujours présente et encore davantage, sans laquelle je ne serais pas moi ». Sauf que, de l’avis de ses proches, elle aurait assisté beaucoup plus que drivé son mari. Elle l’avait toujours imaginé en écrivain, pas en politique. Et à tout prendre, elle aurait préféré qu’il reste dans la banque d’affaires.

« Elle a suivi Emmanuel par amour », suggère Bertrand Delais. « Mais elle ne s’était pas préparée une demi-seconde à être femme d’un président de la République[32]. » Une situation dont elle n’a surtout vu que les inconvénients, selon ses proches. Le regard des médias, par exemple : « Je ne peux plus rien dire ! », déplore-t-elle en voyant certaines de ses blagues prises au sérieux par des journalistes. Et, à plusieurs occasions, celle qui se dit d’une nature angoissée a manifesté son impatience à voir la fin de la campagne. « Pour l’instant, c’est moi qui subis ! », plaisante-t-elle le 4 octobre 2016, quand Emmanuel Macron tient un meeting sur « la France qui subit » à Strasbourg. Lorsque les équipes d’En Marche ! lui demandent de se faire discrète, elle explique même que c’est « un bonheur de disparaître ». « Ce n’est pas une femme qui a envie d’être sur la scène publique[33] », confirme son amie Juliette Bernard. D’autant que la campagne ne sera pas un long fleuve tranquille, qu’elle déchaîne les moqueries ou essuie parfois les colères. « Vendue ! », lui hurle-t-on ainsi au visage après les propos de son mari sur la colonisation qualifiée de « crime contre l’humanité ». Elle qui a été très choquée du sort réservé à Penelope Fillon a aussi pris sa part de vindicte.

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29

Nicolas Prissette, op. cit.

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30

La scène est retranscrite dans Cyril Graziani, Le Premier Secrétaire de la République, Fayard, 2016.

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31

Entretien avec l’auteur, le 28 novembre 2017.

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32

Entretien avec l’auteur, le 1er septembre 2017.

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33

Entretien avec l’auteur, le 16 août 2017.