Plaire à ses petits-enfants ? Voilà une ambition que Brigitte Macron assume, elle qui a instauré avec eux différents rituels, des balades à vélo du Touquet à la visite annuelle au zoo de Beauval. « Elle est très fusionnelle, très aimante avec eux, nous explique Ahmed Eddarraz, qui n’a pas tardé à rencontrer toute la famille. Même à l’approche de l’élection, elle continuait à tout faire pour leur ménager du temps[12]. » Une façon de poursuivre sa « vie d’avant » : aussi investie qu’elle l’ait été à Bercy, elle avait averti qu’elle garderait ses mercredis et vendredis après-midi pour les siens. Pour Camille et Paul, les enfants de Sébastien Auzière et de son épouse Christelle, biostatisticienne chez Sanofi ; pour Emma, Thomas et Alice, ceux de Laurence et de Guillaume Jourdan, respectivement cardiologue et radiologue ; et pour Élise et Aurèle, ceux de Tiphaine et d’Antoine Choteau, qui est gastro-entérologue. « Il y a des choses dont je m’occupe et sur lesquelles je ne bouge jamais. Il y a le karaté, le pédiatre… Et dès qu’Emmanuel part à l’étranger, je vais voir Tiphaine. Je suis bien avec mes enfants. J’ai de la chance. Je ne peux pas vivre sans[13]. » Son mari en a pleinement conscience. Il a adopté cette famille, qu’il fréquente beaucoup plus que la sienne. Lorsqu’il a songé à se présenter aux municipales, en 2008, c’était d’ailleurs sur les terres de sa femme, au Touquet… Il avait été un beau-père présent, encourageant notamment Tiphaine à passer le concours d’avocat. Et il la joue « Daddy » cool pour ses sept petits-enfants – Daddy est son surnom, Brigitte ayant refusé qu’ils l’appellent « grand-père » – entre séances de lecture et visionnages de Peppa Pig. « Je n’ai pas eu besoin que ce soit mes enfants et mes petits-enfants sur le plan biologique pour leur donner autant d’amour que je leur donne », déclare-t-il le 17 avril 2017 au micro de Jean-Jacques Bourdin, sur BFMTV, à la suite d’une attaque de Jean-Marie Le Pen sur le sujet.
Le 7 mai, sur la scène du Louvre, Emma, l’aînée de Laurence Auzière, avait d’ailleurs éclipsé Jupiter quelques instants. Et beaucoup s’attendaient donc à voir cette dynastie intronisée à l’Élysée. Bingo : le 14 mai, ils étaient là pour la passation de pouvoir, autorisant des photos familiales que l’on n’avait plus vues depuis l’arrivée en force des Sarkozy, dix ans plus tôt. Mais depuis, on ne les y aperçoit plus beaucoup. « L’Élysée est un lieu de travail et de réceptions officielles et il gardera cette vocation, confirme Brigitte. Notre vie de famille, avec nos enfants et petits-enfants, a trouvé naturellement sa place, mais la majeure partie du temps en dehors du palais[14]. » Cette vie de famille n’est pourtant plus du tout la même, entre questions de sécurité et planning chargé. « Ils m’en veulent de ne pas être là », disait-elle déjà de ses petits-enfants pendant la campagne. Mais son rôle de première dame, elle l’a très vite conçu comme un CDD à plein temps. En entrant à l’Élysée, elle n’a pas tardé à investir le salon des Fougères – également appelé « salon Bleu » – au rez-de-chaussée de « l’aile Madame ». Située entre la bibliothèque et le salon des Cartes, cette pièce lumineuse, ouverte sur le jardin privé du palais, doit son nom au motif fleuri de ses tapisseries. Une ambiance boudoir qu’elle a un peu atténuée en y faisant installer une table moderne signée Matali Crasset, prêtée par le Mobilier national. Elle y expose aussi fièrement un dessin offert par l’une de ses petites-filles, Emma. Dans ce bureau, où elle descend chaque matin dès 9 heures, elle a pris la suite de Cécilia Sarkozy, Carla Bruni et Valérie Trierweiler, qui y travaillaient aussi. Mais les comparaisons s’arrêtent là, comme elle tente de le faire comprendre. Son nouveau métier ? Elle tient à en définir elle-même la fiche de poste.
« UN JOB FAIT AVEC PLAISIR »
« Elle aura un rôle, elle ne sera pas cachée, parce qu’elle partage ma vie, que son avis est important et que la fonction présidentielle emporte quelque chose qui a une dimension personnelle. » Le 3 mars 2017, sur RTL, le candidat Macron l’affirmait : lui président, il clarifierait la fonction de la première dame, en lui donnant une existence officielle et en définissant un cadre à son action. Ainsi, il éviterait selon lui les légers problèmes du dernier quinquennat sur le sujet. « Sinon, on se retrouve dans des pratiques d’entre-deux, de dissimulation, qui sont impossibles à vivre pour la personne intéressée et sont une forme d’hypocrisie. » Oui, mais voilà… Une fois élu, il n’a finalement pu ériger le statut de la liberté. Et le texte promis pour septembre n’a pas vu le jour tel qu’il l’avait imaginé. De nombreuses voix s’y sont entre-temps opposées. À commencer par les députés, un tout petit peu sur les nerfs de voir les emplois familiaux interdits à l’Assemblée nationale… Dès juillet, le cas Brigitte Macron s’invitait donc dans l’hémicycle, les élus Insoumis déposant même un amendement pour éviter « le mélange entre vie privée et vie publique ». Le texte fera un bide – avec 16 votes pour et 123 contre –, mais tel ne sera pas le cas de la pétition lancée fin juillet sur le site change.org contre le statut officiel de première dame. Adressée à Emmanuel Macron et Édouard Philippe, elle obtenait en quelques semaines près de 320 000 signatures. « Nous sommes en pleine période de moralisation, après une campagne présidentielle pendant laquelle on a lutté contre la compromission. On a demandé aux parlementaires de ne plus employer de membres de leurs familles. Et voilà que l’on réfléchit au statut de Brigitte Macron ! Ce côté “deux poids, deux mesures” est injuste, défend l’auteur de la pétition, Thierry Paul Valette. Le moment n’était pas le bon, cela ne répondait pas aux priorités des Français[1]. »