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Une position fragile

Depuis le passage de Valérie Trierweiler à l’Élysée, le concept même de première dame a de toute façon été largement remis en cause. Le 24 janvier 2014, deux semaines après la révélation par Closer de la liaison de François Hollande, un sondage BVA-Le Parisien l’indiquait clairement : 54 % des personnes interrogées ne voulaient plus de cette figure imposée. Le lendemain de cette publication, François Hollande appelait d’ailleurs l’AFP pour « faire savoir qu’il mettait fin à la vie commune qu’il partageait avec Valérie Trierweiler ». Libre désormais de terminer son quinquennat sans First Lady officielle. « Julie Gayet ayant ensuite refusé le rôle, on a vu que l’on pouvait s’en passer, analyse le journaliste Robert Schneider. Dans les réceptions officielles, le président était reçu tout seul et cela fonctionnait malgré tout. Curieusement, Brigitte Macron est pour le moment populaire mais les Français refusent d’envisager qu’elle puisse coûter de l’argent[2]. »

Officiellement, ces protestations n’ont pas fait plier le président. Reste que, le 21 août, c’est une simple « charte de transparence relative au statut du conjoint du chef de l’État » qui était postée sur le site internet de l’Élysée, loin du texte juridique annoncé. Au menu, des missions classiques – de la représentation de la France lors des déplacements internationaux à des parrainages caritatifs –, un récapitulatif de son agenda publié à la fin de chaque mois pour plus de transparence, et aucun budget propre ni rémunération. Quant à son cabinet, il a été réduit à deux secrétaires et deux conseillers : Pierre-Olivier Costa et Tristan Bromet, anciens de la mairie de Paris, respectivement nommés directeur et chef de cabinet. C’est sûr, on est loin des vingt et une personnes qui avaient été affectées à Bernadette Chirac, voire des huit collaborateurs dont bénéficiait Carla Bruni. Mais le coût demeure élevé, et supérieur à celui du cabinet de Valérie Trierweiler en 2013. Dès novembre 2017, Christophe Castaner, alors porte-parole du gouvernement, annonçait ainsi des frais de fonctionnement de 440 000 euros annuels. Cette volonté de transparence ne calmerait pas certains esprits, dont les attaques se sont faites très personnelles. Pendant les discussions estivales autour de son statut, Brigitte Macron a en effet été la destinataire de lettres d’insultes. « Des courriers comme on n’en recevait plus depuis le mois de mai, nous indique son entourage. Avec toujours ce refrain, auquel elle est malheureusement habituée, sur son âge ou son couple. »

De l’avis de ses proches, elle ne va pourtant pas trop s’attarder sur ces lettres. Une certaine habitude héritée des assauts de la campagne sans doute… Mais aussi un petit manque de temps. Pour Brigitte Macron, le quinquennat commence en effet très vite. Et tant pis pour sa peur de l’avion : les voyages seront nombreux. Dès le 25 mai, elle accompagne son mari à Bruxelles, pour son premier sommet de l’Otan. Le lendemain, direction Taormine pour une réunion du G7. L’occasion de se roder et de prendre quelques conseils auprès de ses homologues, qu’elle retrouve à Hambourg début juillet pour son premier G20 puis à New York mi-septembre pour l’Assemblée générale des Nations unies. Elle tisse alors des liens avec différents conjoints de chefs d’État, Melania Trump en premier lieu. Une complicité sur laquelle on n’aurait pas misé… L’une vient d’une famille bourgeoise d’Amiens, l’autre a connu une enfance modeste en Slovénie. L’une ne manque jamais de citer Voltaire, l’autre préfère plagier les discours de Michelle Obama. L’une préside le fan-club de son mari, l’autre refuse que le sien lui prenne la main en public. Mais les 13 et 14 juillet, on les découvrait pourtant visiblement proches lors de la venue des Trump à Paris. Brigitte Macron dit partager avec elle un même souci pour l’éducation, et la trouver « touchante ». Toutes deux ont surtout été les cibles d’un déchaînement d’attaques sexistes pendant la campagne présidentielle. La première dame s’est vue raillée pour l’écart d’âge avec son époux (le même que celui des Trump, sans que celui-ci suscite autant de commentaires…). La First Lady a, elle, subi le « slut-shaming » dû à la publication de vieilles photos dénudées. Des expériences susceptibles de les rapprocher. Lorsque Donald Trump lançait à Brigitte Macron un « mais vous êtes en pleine forme ! » aussi étonné qu’embarrassant, elle attrapait d’ailleurs le bras de Melania pour s’échapper. Ce qui fait au moins un accord de Paris scellé entre la France et les États-Unis…

La princesse Mary de Danemark, la grande-duchesse María Teresa de Luxembourg, Patricia Marroquin de Morales et Angelica Rivera de Peña, les premières dames du Guatemala et du Mexique… Dans ses premières semaines à l’Élysée, Brigitte Macron reçoit d’autres consœurs. Des rencontres diplomatiques qu’elle prend très au sérieux – elle suivrait d’ailleurs des cours d’anglais pour mieux les gérer. « J’entends ce que disent les gens et j’apprends. Lorsque par exemple la femme du président colombien accompagne son mari, elle me parle de l’Amérique latine, je comprends mieux alors ce qui s’y passe. Rien de cela n’est anecdotique, c’est un vrai “job” que je fais avec plaisir en essayant de répondre à ce que les Français attendent de moi[3]. » D’autant qu’avec certaines, elle souhaiterait agir au-delà de la tasse de thé partagée. C’est le cas de Dominique Ouattara, épouse du président de Côte d’Ivoire, avec laquelle elle s’est engagée dans le Fonds Vert pour les femmes lancé par l’organisation R20. La présidente de la fondation, Michèle Sabban, a engagé cette collaboration des deux premières dames. « Leur premier entretien téléphonique était plein de naturel et de disponibilité, se souvient-elle. Et je pense que les premières dames africaines sont ravies d’avoir une interlocutrice en France, ce qui n’était plus vraiment le cas depuis Bernadette Chirac[4]. » Après la première rencontre avec son homologue française, Dominique Ouattara vantera d’ailleurs dans la presse sa spontanéité. Certes, Brigitte Macron explique avoir du mal à se sentir première dame, mais elle affiche en tout cas beaucoup d’enthousiasme dans ses missions et dit les prendre comme « un cadeau ». « Elle est très impliquée, c’est rassurant. Elle sait où elle va et elle ne jouera pas de son rôle pour exister mais pour aider le président sur certains sujets », conclut Michèle Sabban.

Cette dernière va avoir la preuve de cet engagement dix jours après leur premier entretien. Ce 23 juin 2017, la présidente de R20 est en effet de retour à l’Élysée. Elle accompagne le fondateur de l’organisation, Arnold Schwarzenegger, venu parler environnement avec le nouveau chef d’État français. Brigitte Macron les accueille, pose tout sourires sur le perron, mais tient aussi ensuite à assister au rendez-vous – comme elle le fera en juillet pour les venues de Bono, puis de Rihanna. « Elle avait le dossier que je lui avais remis la première fois sur le Fonds Vert et en a parlé à Arnold Schwarzenegger. Elle sait où elle va. Il ne faut pas oublier qu’elle a été enseignante, elle prépare ses interventions… »

Un rôle multiple

Et ce côté prof bonne élève, la plupart des responsables d’associations et d’entreprises rencontrés en font mention. Elle mène ces entretiens à l’écart des médias – les selfies circuleront de toute façon sur les réseaux sociaux après sa visite – et de préférence sur place plutôt qu’à l’Élysée. « Les gens parlent plus librement et cela nous permet d’entrapercevoir ce qui fonctionne ou non, nous explique son cabinet. Et puis elle aime sortir de ces murs pour voir la vraie vie. » Sarah Da Silva Gomes a ainsi reçu sa visite le 16 juin 2017 dans ses locaux de Villeurbanne. Sa société, Constant & Zoé, produit des vêtements spécialement conçus pour les handicapés. « Son cabinet m’a sollicitée une semaine avant sa venue, nous explique-t-elle. Elle souhaitait en savoir plus sur notre marque et s’est déplacée de Paris pour passer deux bonnes heures avec nous. J’avais fait venir quatre familles de clients pour qu’elle ait un avis objectif sur nos produits[5]. » Ce jour-là, elle rencontre notamment David, infirme moteur cérébral depuis la naissance, qui s’exprime grâce à une tablette vocale, et Louna, victime dans l’enfance d’un accident de voiture qui l’a laissée en fauteuil. « On voyait qu’elle connaissait déjà un peu le sujet. Elle s’était clairement renseignée et rebondissait sur ce que nous disions. Son équipe prenait des notes. J’ai trouvé qu’il y avait une vraie démarche. » Reste à savoir si la rencontre portera ses fruits, au-delà de la visibilité qu’une photo avec Brigitte Macron a offerte à Constant & Zoé. « On espère des actions concrètes car le handicap a toujours été laissé de côté. Mais on a en tout cas une première dame qui s’intéresse au sujet. »

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2

Entretien avec l’auteur, le 25 septembre 2017.

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3

Citée dans un article de Paris Match, « Brigitte et Melania, la belle entente », paru le 20 juillet 2017.

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4

Entretien avec l’auteur, le 26 août 2017.

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5

Entretien avec l’auteur, le 17 août 2017.