Un dossier qu’elle a en effet fait sien dès la campagne, éveillée à cette thématique par son ami Patrick Toulmet. Le président de la chambre des métiers et de l’artisanat de Seine-Saint-Denis fréquente les Macron depuis leur passage à Bercy. Son centre de formation à Bobigny a même abrité l’annonce de la candidature de l’ex-ministre à l’élection présidentielle. Avec Brigitte Macron, il parlera largement des difficultés que rencontrent les handicapés : lui-même est en fauteuil et son frère était autiste. L’ex-enseignante ayant eu des élèves diagnostiqués Asperger, elle est particulièrement en alerte sur ce dernier sujet. « J’ai emmené Emmanuel et Brigitte Macron dans un foyer d’autistes pour adultes dans le Val-d’Oise, raconte Patrick Toulmet. Elle était très à l’écoute des résidents, répondant à leurs questions, quitte à retarder le départ d’Emmanuel Macron. Depuis, elle s’est approprié le sujet car elle sent bien qu’il y a un manque et qu’elle peut avoir une utilité. La femme du président est la mieux placée pour lui dire de ne pas oublier telle ou telle cause. Le monde du handicap compte sur elle[6]. » Elle sera aussi sensibilisée aux difficultés des enfants autistes par l’une de ses anciennes élèves. Domitille Cauet a connu Brigitte et Emmanuel Macron à La Providence. Elle était même à l’affiche de L’Art de la comédie, la pièce qu’ils ont réécrite ensemble. Mais lorsqu’elle envoie un SMS à son ancienne prof, en octobre 2016, ce n’est pas pour lui parler théâtre. Mère d’un petit garçon atteint d’autisme, elle veut lui faire part d’un « véritable scandale sanitaire, social, humain ». L’épouse du candidat répond tout de suite et s’engage à ses côtés. « Trop de personnes, en raison de leur situation, de leur handicap, de leur maladie ou de la singularité de leur parcours de vie, se heurtent à des portes closes, luttent pour accéder à des droits fondamentaux, comme l’éducation, analyse-t-elle aujourd’hui. Je veux mettre en lumière les initiatives qui incluent, et combattre les rigidités qui excluent[7]. »
Dès la campagne, elle a donc mis en place un groupe de travail qu’elle mène seule, sans Emmanuel Macron, s’emparant ainsi du sujet. Autour de la table, Sophie Cluzel, future secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées, et les responsables des principales associations. Olivia Cattan, présidente de SOS Autisme France, en faisait partie. « C’était agréable. Elle est très simple, sans chichis, et j’ai vu qu’elle était très concernée, ce qui m’a donné pas mal d’espoir. Elle n’était pas dans tous les clichés sur l’autisme et était ouverte aux expériences menées à l’étranger. Nous avons ensuite poursuivi l’échange par e-mail[8]. » Une fois l’Élysée atteint, le contact ne sera pourtant plus le même, comme le regrette Olivia Cattan. « On m’a fait comprendre qu’il n’y avait plus de rapport direct, ce que j’ai trouvé dommage. J’avais la sensation que l’équipe d’En Marche ! avait une façon de faire de la politique intéressante, qui me rappelait un peu celle de l’entourage de Nicolas Sarkozy. À l’époque de son quinquennat, j’étais présidente de Paroles de femmes et le contact était direct. Il nous recevait très vite, nous donnait son haut patronage en une semaine… Là, il y a tout de suite eu un barrage que je n’avais pas senti au départ. Mais nous ne sommes qu’au début. » Le 6 juillet, Brigitte Macron se trouve en tout cas en première ligne pour lancer le quatrième plan autisme, sans pour autant annoncer la fondation que certains attendaient. Une volonté, sans doute, de ne pas empiéter sur le champ politique… Et de se laisser la possibilité d’intervenir sur différents sujets.
Car la première dame réfute le titre de « Michelle Obama à la française ». Si son mari copie-colle de nombreux points de la communication de l’ex-leader des États-Unis, elle n’est pas dans ce cas. Elle ne se cantonnera surtout pas à une cause – comme l’avait été l’obésité infantile pour l’Américaine. Sa fonction n’étant pas fixée par un statut officiel, Brigitte Macron dispose finalement de tout le champ d’action que lui laisse le président. « Emmanuel m’a toujours dit : “C’est toi qui détermineras ton rôle dans le respect des règles[9]” », se rassurait-elle avant même l’élection. Or son rôle, elle le veut multiple. Dès ses premières semaines à l’Élysée, elle manifeste cette volonté de diversification par ses rencontres. Son premier déplacement ? Ce sera à l’institut Gustave-Roussy, à Villejuif, pour s’informer sur la scolarisation des enfants hospitalisés. Mi-juillet, elle reçoit également à l’Élysée Marc Lavoine et Abdel Aïssou, fondateurs de l’association Le Collectif. Elle a entendu parler de Mon Cartable connecté, leur programme permettant de relier un enfant durablement hospitalisé à sa classe. « Nous sommes restés plus de deux heures, à présenter le Cartable de façon très pragmatique, raconte Abdel Aïssou. Nous avions été frappés par sa simplicité et la qualité de son écoute. Très attachés à notre indépendance, nous avions accepté cette rencontre car la première dame est moins connotée politiquement que ne pourrait l’être un ministre ou le président. On n’était pas dans une logique de calculs ni dans l’immédiateté de la politique[10]. » Brigitte Macron revendique elle-même ce rythme particulier. « Ma fonction m’amène à être sur un temps différent, loin de l’actualité[11] », assure-t-elle. Une volonté qui explique peut-être – en parallèle de la peur de tout bad buzz – son absence des réseaux sociaux.
Mais cette résolution de se tenir loin des aléas de l’information ne résiste pas forcément à l’épreuve des faits. Le 16 octobre, le monde entier est agité par l’affaire Weinstein. Le président français a annoncé avoir engagé les démarches pour retirer la Légion d’honneur au producteur américain, accusé de violences sexuelles par des dizaines de femmes, et le grand public s’est emparé de la question. Sur Twitter et Facebook, chacune « balance son porc ». Participant dans une école parisienne à une dictée organisée par ELA (l’association européenne contre les leucodystrophies), la première dame est interpellée sur le sujet. « Je suis très heureuse que les femmes parlent. Peut-être que ce sera un mal pour un bien », répond-elle aux journalistes présents. Un discours qu’elle réitère, le soir même. « Elles sont très courageuses de le faire, et je pousse vraiment à rompre le silence. Quelque chose est en train de se passer, vraiment », juge-t-elle devant les caméras, à la sortie du Théâtre-Antoine. Elle vient alors d’assister à la pièce Les Chatouilles ou la Danse de la colère, escortée de la garde des Sceaux Nicole Belloubet, du secrétaire d’État Benjamin Griveaux et de Marlène Schiappa. Leur présence n’a rien d’anecdotique, sachant que le spectacle évoque la pédophilie et qu’il est ce soir-là suivi d’un débat sur les violences sexistes et sexuelles. Brigitte Macron ne prendra toutefois pas part à la discussion, se contentant d’écouter la secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes.