Avec Claude Pompidou, épouse d’un ancien de la Banque Rothschild, largement critiquée pour ses tenues couture, Brigitte Macron a donc bien des points communs. Comme « Bibiche », « Bibi » entretient surtout une relation très fusionnelle avec son mari. Le couple, très tactile en public, veille à se réserver des plages à deux. L’isolement des débuts leur en a laissé le goût, et ils ont par exemple toujours privilégié les vacances en couple plutôt qu’en bande. De toute façon, la meilleure amie du président, c’est son épouse, comme il le dit lui-même. Le matin, il commence donc sa journée à 9 heures, histoire de partager son petit-déjeuner avec Brigitte. Le soir, il la rejoint vers 22 heures pour dîner, avant de repartir travailler. Et le 20 octobre 2017, il n’envisageait pas d’être loin d’elle pour leurs dix ans de mariage, et écourtait donc sa présence au sommet européen de Bruxelles pour la retrouver à La Lanterne. Un accord conjugal que l’Élysée n’avait plus connu depuis longtemps. Des infidélités souffertes par Anne-Aymone Giscard d’Estaing aux vies séparées des Mitterrand, des disputes des Chirac (qui y avaient chacun son appartement) au divorce puis remariage de Nicolas Sarkozy… Le Château a été le théâtre de toutes sortes de rebondissements sentimentaux. Et l’on ne parle même pas des aventures casquées de François Hollande, puis du portrait assassin fait de lui dans Merci pour ce moment. Dans ce panorama, l’harmonie affichée et revendiquée par les Macron surprend. Elle produit surtout un contraste criant avec les tout premiers instants des précédents quinquennats. Le 7 mai 2017, Brigitte apparaissait sur la scène du Louvre main dans la main avec son mari quand, dans les mêmes circonstances, Cécilia Sarkozy avait menacé de ne pas venir et Valérie Trierweiler quémandait d’être « embrassée sur la bouche » pour marquer sa victoire sur Ségolène Royal. Dès les débuts, la nouvelle première dame formera clairement une équipe avec le président, lorsque d’autres, comme Carla Bruni, revendiquaient de se placer « en retrait ». Brigitte Macron, elle, est sa conseillère et elle se tient donc à ses côtés.
Cette concorde explique en partie l’engouement suscité par Brigitte Macron. Et la condamne à une ouverture de courrier digne d’un épisode de « L’amour est dans le pré ». Chaque jour, elle reçoit en effet cent cinquante lettres, soit quatre fois plus que Carla Bruni à en croire son entourage. Des missives qu’elle passe la moitié de la journée à traiter, les classant entre celles auxquelles elle répond personnellement, celles qu’elle laisse à son cabinet, et celles qui demandent une étude plus approfondie, parce que révélatrices de défauts dans le système de protection sociale. Autant dire qu’avec cette masse de lettres, elle ne peut assortir ses réponses d’un billet de banque – comme le faisait Anne-Aymone Giscard d’Estaing, qui renvoyait cinq cents francs aux cas les plus difficiles. Mais, à en croire sa popularité, les Français ne semblent pour l’instant pas s’en formaliser…
PHÉNOMÈNE BRIGITTE
« Le phénomène Brigitte Macron » en une de L’Obs, « La Brigitte mania » décortiquée par Le Figaro, « L’atout du président » mis en avant par Le Parisien et la « Passion Brigitte » selon Grazia, déclinée dans un dossier de onze pages. Elle a aussi fait la couverture de Valeurs actuelles, Point de vue et L’Express. Et taper son nom sur Google offre plus de dix millions de résultats. Soit deux fois plus que David Beckham, cinq fois plus que Jean Dujardin… et trente fois plus que Valérie Trierweiler ou Julie Gayet ! Depuis des mois, les médias ont un nouveau sujet de prédilection. « C’est un personnage qui intéresse nos lecteurs », confirme Laurence Pieau, directrice de la rédaction de Closer. « Les numéros où elle apparaît en couverture fonctionnent en général bien[1]. » Même son de cloche du côté de Paris Match. « Le premier numéro où l’on a mis le couple Macron en couverture, en avril 2016, est un numéro historique, avec entre 60 000 et 70 000 ventes supplémentaires[2] », se souvient Bruno Jeudy. Il explique qu’une telle hausse n’avait pas été atteinte grâce à l’ascension d’un homme politique depuis Nicolas Sarkozy. « Nous n’avons pas encore fait de une sur Brigitte Macron toute seule mais notre lectorat pourrait bien sûr être intéressé. Si l’on avait eu la primeur de sa première interview en tant que première dame, on y serait allé ! » Un autre magazine du groupe Lagardère, Elle, a obtenu l’exclusivité, avec un long entretien publié le 18 août. Et l’hebdomadaire n’a pu que s’en féliciter, et trinquer aux 530 000 exemplaires écoulés, un record depuis dix ans ! « J’ai fait beaucoup de couvertures parce que je fais vendre. Comme une lessive », disait Emmanuel Macron pendant la campagne[3]. Son épouse l’a largement rattrapé sur ce terrain.
Cet engouement n’a pas tardé à dépasser nos frontières. À l’étranger, Brigitte Macron a en effet intrigué, et ce avant même l’élection de son mari. Dès février 2017, le très sérieux Frankfurter Allgemeine Zeitung brossait son portrait. « Copine sympa de Jane Fonda », rayonnant « d’une telle joie de vivre qu’on dirait qu’elle a passé les quarante dernières années à faire la fête à Saint-Tropez » : les qualificatifs ne sont alors pas des plus flatteurs, mais la femme du candidat d’En Marche ! est en tout cas présentée comme l’une des clés de son succès. « Les Français les aiment justement à cause de leur écart d’âge inhabituel », explique le quotidien germanique. Notons quand même que quelques Allemands s’intéressent aussi à ce couple atypique : Angela Merkel elle-même serait « fascinée » par les Macron ! « Dans le monde totalitaire de sa jeunesse à l’Est, toute différence était mal vue et réprimée, écrit la journaliste Marion Van Renterghem dans sa biographie de la chancelière. Elle en a gardé une admiration pour ceux qui assument leur différence[4]. » Et elle a donc évidemment dû se ruer sur cette interview d’un conseiller conjugal publiée fin avril par le Bild et titrée « Lui 39 ans, elle 64 ! Comment un tel mariage fonctionne-t-il ? »
« Briseuse de diktats » pour le New York Times, « bien plus jeune que son mari », dixit le Daily Mail, « attractive, décidée, chaleureuse et vibrante », selon le magazine équatorien Cosas… Quant au Daily Telegraph, il s’extasiait dès le 9 mai sur « ses cheveux blonds savamment brushingués, son sourire ultra-brite et son assurance coquette ». Le tout, dans un article promettant à ses lectrices de les aider à trouver « leur Brigitte Macron intérieure » ! Parmi les six conseils proposés, « ne jamais sortir sous-lookée » et considérer que « son homme est un dieu » aiderait à y parvenir… Avis aux amatrices. Bref, la « future Michelle Obama française » du quotidien argentin Clarín a énormément inspiré les journalistes étrangers. Parmi eux, Ellie Pithers. Auteur d’un long portrait élogieux de la première dame française dans le Vogue britannique, elle nous explique ce qui a piqué son intérêt. « La différence d’âge entre elle et son mari a fait énormément parler au Royaume-Uni. Le couple de notre Première ministre étant très conventionnel, nous sommes attirés par le côté atypique des Macron[5] ! » Adam Sage, correspondant du Times à Paris, confirme. « Il n’y a qu’à regarder les commentaires sous les articles pour voir que cette différence d’âge intrigue. Les femmes sont souvent favorables, les hommes, plus sceptiques. Mais leur histoire d’amour intéresse en Angleterre. C’est sans doute la partie d’Emmanuel Macron qui est la plus connue ici[6]. » Il en va de même au Maroc qui l’a accueillie en « rock star » selon Ahmed Eddarraz, à ses côtés pour le voyage officiel de juin 2017. Et en Grèce, la presse s’est surtout arrêtée sur les faits et gestes de la première dame lors du séjour présidentiel de septembre. « Il se passe d’ailleurs la même chose au Japon ou en Chine ! », conclut Adam Sage.
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Dans le documentaire