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De là à dire que Brigitte Macron n’était pas franchement hollandaise lors du dernier quinquennat, il n’y a qu’un pas… Que Nicolas Sarkozy aurait allègrement franchi, selon RTL. « Elle est très bien. Elle m’a dit qu’elle avait toujours voté pour moi », racontait-il à ses proches, après son dîner à l’Élysée du 5 juillet 2017. « Je n’ai jamais dit à personne pour qui je votais et je ne le dirai jamais, avait-elle alors répliqué en privé. Même pas à Emmanuel. » Le mystère ne semble cependant pas bien épais pour les proches du couple, qui la situent spontanément à droite.

Mais, en 1989, son intérêt est – déjà – de s’afficher sans étiquette. Une volonté de rassembler qui ne suffira pas pour Brigitte Auzière et ses colistiers : le 12 mars, leur liste s’incline dès le premier tour, et celle de Joseph Siegwald s’installe à la mairie. La faute notamment à un casting trop élitiste. Un médecin généraliste, un radiologue, deux enseignantes, un directeur de recherche au CNRS… « Truchtersheim demain » n’est pas vraiment en phase avec la population de la commune, à l’époque très rurale. « C’est bien simple : sur quinze personnes, nous étions treize intellectuels, reprend Jeannine Briard. Aujourd’hui, ce serait différent mais il y avait beaucoup plus de cultivateurs ici ! Et en face, nous avions M. Siegwald, qui était directeur du Crédit Agricole[11]. » « Ils n’avaient de toute façon aucune chance car beaucoup de leurs représentants n’étaient pas assez connus dans le village, analyse de son côté Justin Vogel, qui se trouvait alors sur la liste gagnante. Or la victoire était surtout fondée sur des personnalités. Mais à l’époque, on pouvait rayer un nom d’une liste et le remplacer par un autre. Et ils ont pu placer trois ou quatre personnes au conseil municipal[12]. » Malgré son implication pendant la campagne, Brigitte Auzière ne fera pas partie des repêchés.

Un ADN très politique

Reste que l’aventure lui a donné une image de la politique qu’elle retrouvera plus tard… Une campagne ni tout à fait à droite, ni vraiment à gauche, menée par des novices ? Vingt-huit ans avant 2017, les codes font furieusement penser à ceux d’En Marche !. Et cette première expérience électorale a en tout cas initié Brigitte à la chose politique. Sa fille Tiphaine, candidate suppléante malheureuse aux dernières législatives, semble d’ailleurs en avoir elle aussi le goût. Tout comme sa famille, à Amiens, assez active politiquement. Aux départementales de mars 2015, toute personne qui présentait chez Trogneux sa carte d’électeur tamponnée avait droit à un macaron gratuit. « A voté, a goûté ! », promettait-on. Puis, l’année suivante, les confiseurs se mettaient En Marche !, eux qui proposent aujourd’hui de « Make our planet great again » à leur manière : la punchline présidentielle a été apposée à des Terres en chocolat, dont les bénéfices sont en partie reversés à WWF.

Aurait-on donc un ADN politique chez les Trogneux ? La réponse est oui, comme nous l’apprend encore Jean-Louis Beaucarnot, qui leur a découvert au XVIe siècle des ancêtres « lieutenants ». « À l’époque, cela désignait des individus investis de quelques pouvoirs de police et d’administration, plus ou moins ancêtres de nos maires[13]. » Et puis, surtout, se tiennent sur leur arbre généalogique deux anciens occupants de l’Élysée, que les Macron connaissent bien… « La première dame s’ajoute à la longue liste des cousins et cousines de François Hollande, descendant comme lui des Goubet, notables de Vaulx au XVIe siècle et de l’ancienne lignée des sires de Douay », reprend Jean-Louis Beaucarnot. Une parenté d’autant plus marquante que Brigitte Macron partage également des racines avec Valérie Trierweiler ! « Toutes deux descendent du roi Louis VII et de sa célèbre première épouse, Aliénor d’Aquitaine », termine le généalogiste. La République a beau régner, le palais de la rue du Faubourg Saint-Honoré s’est donc cette fois transmis en famille !

Un Élysée sur lequel, à Truchtersheim, de nombreux regards sont désormais braqués. Les colistiers et amis de Brigitte scrutent ses apparitions avec une attention toute particulière. Et beaucoup disent leur confiance en ses compétences de conseillère – présidentielle, faute d’avoir été élue municipale. « Je pense qu’elle peut freiner Emmanuel Macron dans certaines décisions, juge Jeannine Briard. Elle me semble plus juste, plus clairvoyante que lui[14] », ajoute l’octogénaire, en nous montrant les deux pages manuscrites qu’elle compte lui envoyer. « En annexe, je vais faire un point sur tout ce qu’il faudrait changer. La justice, l’Éducation nationale, la police… Je vais lui expliquer ce qui ne va pas. » Une feuille de route qu’elle pourrait même lui remettre en mains propres, si Brigitte Macron faisait un détour par Truch’, comme tout le monde l’espère ici. L’édile de la commune nous a d’ailleurs confié réfléchir au bon prétexte pour l’inviter, comme le lui réclament fréquemment ses collaborateurs. Un petit méchoui entre anciens voisins peut-être ? Pas sûr que cela suffise. « Il faudrait trouver une raison humanitaire. Elle a toujours été généreuse. Elle fait partie des gens qui aiment bien tendre la main[15]. »

L’invitation est donc (presque) lancée à Brigitte. Et le chef de l’État peut même l’accompagner sans crainte : à la carte de La Libération, le bar-restaurant où se croise le Tout-Truchtersheim depuis des décennies, s’affichent non pas un, non pas deux, non pas trois, mais bien quatre types de cordons-bleus ! Lanières de veau, poulet, avec ou sans crème… Emmanuel Macron n’aurait pas à revivre le douloureux déjeuner du 23 avril 2017, quand il s’était vu refuser son plat préféré sur une aire d’autoroute, au seul prétexte qu’il n’avait pas pris le menu enfant… Pourtant, le patron des lieux, Jean-Paul Voltz, nous l’assure : il les proposait bien avant que la France ne découvre le péché mignon du président !

D’ailleurs, la Macronmania ne s’est pas imposée ici. Lors du premier tour de la présidentielle, le candidat d’En Marche ! n’obtenait que 25,74 %, nettement distancé par François Fillon et ses 30,06 %. Et, malgré le bon souvenir qu’elle a laissé, la First Lady n’est pas non plus devenue la star locale. « En mai 2016, le magazine Pop Story lui avait consacré un numéro en titrant “Et Brigitte créa Macron”, raconte son ancienne voisine. Eh bien, j’ai dû finir par acheter les cinq exemplaires de la presse de Truch’. Elle n’en avait pas vendu un[16] ! » Une épopée que, pour sa part, elle a eu plaisir à lire. « Elle a connu quand même un parcours extravagant, que l’on ne pouvait pas prévoir à l’époque, avec la vie tranquille qu’elle menait. Encore que je ne la trouvais pas à sa place ! Compte tenu de son milieu d’origine, je me demandais ce qu’elle faisait là. Le monde qu’elle fréquente depuis Bercy, les intellectuels, les écrivains, ça ne se compare pas avec ce qu’elle a connu ici ! » Mais, à l’été 1991, Brigitte est encore loin des ors des ministères… Après sept ans dans le Bas-Rhin, entre plantations de maïs, de foin et de tabac, les Auzière font leurs cartons. Ils ont mis fin au bail de la maison qu’ils louaient rue des Coquelicots, car André-Louis vient d’être muté à la Banque française du commerce extérieur d’Amiens. Quant à Brigitte, elle est sur le point de rencontrer son destin à la bien nommée Providence.

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11

Entretien avec l’auteur, le 28 juillet 2017.

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13

Entretien avec l’auteur, le 10 octobre 2017.

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14

Entretien avec l’auteur, le 28 juillet 2017.

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16

Entretien avec l’auteur, le 29 juillet 2017.