— Possible, dit Michael vautré sur le lit et en train de se gaver de mais éclaté.
— Il n’a pas téléphoné, n’a fait aucun signe, n’a laissé aucun mot. Il m’a paru parfaitement décontracté, comme si justement il avait reçu la promesse que tout allait bien.
— Je ne peux évidemment en dire autant de la bonne femme, dit l’enseigne. Parmi les centaines de clients qui ont défilé dans le magasin il est possible que l’un d’eux ait été le fameux contact.
Kovask approuva :
— Raison de plus pour intervenir rapidement.
— Ici ?
— Oui. Ils sont ensemble et nous ne nous disperserons pas. Je vais contacter l’agence locale du F.B.I. Le commodore Shelby devait les mettre en alerte. Ils doivent attendre un signe de nous pour intervenir. Je veux faire encercler l’hôtel discrètement, afin que personne ne puisse nous échapper, contrôler les communications téléphoniques et les visiteurs, faire arrêter le collègue de Ladan.
Une heure plus tard le dispositif était en place et Kovask, suivi de Michael, frappa à la porte du 48. Mrs Brown vint ouvrir. C’était une femme d’une quarantaine d’années, bien en chair, dotée d’une abondante toison rousse. En apercevant les deux hommes elle tenta vainement de joindre les bords de sa robe de chambre sur sa poitrine nue.
— Restez tranquille, Ladan. Éloignez-vous de cette veste que vous regardez avec envie, fit durement Kovask.
Tandis que Michael refermait la porte, et s’adossait contre, Kovask repoussa la femme et alla fouiller les poches de la veste accrochée à un portemanteau, juste à côté de la salle d’eau. Il en retira un petit calibre, 6,35, et hocha la tête. Le routier, allongé sur le lit à leur entrée, se tenait sur le coude gauche, ramassé sur lui-même comme s’il allait bondir. Quand il vit son arme aux mains du visiteur il s’assit avec précaution, les mains écartées de son corps.
— Parfait, dit l’agent de l’O.N.I. Si vous vous conduisez ainsi jusqu’au bout tout ira bien pour vous et votre femme.
— Police ?
Kovask haussa les épaules.
— Si vous voulez, mais à un niveau supérieur. L’homme pâlit.
— F.B.I. ?
— Ils sont dehors et surveillent l’hôtel. De toute façon ils auront des questions à vous poser sur l’assassinat de John Menis.
S’il avait escompté effrayer son homme il s’était trompé. Ladan haussa les épaules.
— Je suis bien tranquille alors. Je ne sais que depuis hier qu’il a été tué dans le nord de l’Alaska.
Kovask le regarda en silence durant une bonne minute. Immobile entre Michael et loi, la femme respirait difficilement, les yeux emplis de stupéfaction.
— Nous sommes venus vous parler de Geoffrey Gann et de sa femme.
Cette fois il avait fait mouche.
— Qui c’est ceux-là ? grogna le sleeper.
— Écoutez-moi, Ladan. Tant que vous êtes ici vous pouvez vous considérer comme dans un paradis. Si devant votre mauvaise volonté je suis obligé de vous entraîner ailleurs, vous risquez de le regretter. Me comprenez-vous ?
— J’essaye, fit Ladan avec encore beaucoup de mauvaise volonté.
Kovask attira une chaise et s’y installa, les jambes croisées, une cigarette à la bouche. Il voulait à la fois tranquilliser le bonhomme et lui faire comprendre qu’il n’avait rien à gagner à jouer les fortes têtes.
— Pas de casier judiciaire ? Du moins sous ce nom. Peut-être qu’en fouillant un peu plus loin …
L’autre restait impassible. Il s’était assis sur le lit et examinait ses ongles.
— Êtes-vous allé également à Galena pour surprendre l’instituteur et sa femme ?
Kovask patienta une minute puis se leva.
— Très bien. Michael, allez prévenir le chef de la brigade que nous allons poursuivre l’interrogatoire ailleurs. Qu’il prenne toutes ses dispositions.
Il sortit le petit pistolet.
— Ne comptez pas sur une procédure légale, José Ladan. D’autre part vous entraînez dangereusement votre compagne dans cette affaire.
Celle-ci eut alors un cri du cœur.
— José. Qu’as-tu fait ?
L’homme lui jeta un regard ennuyé et respira profondément à plusieurs reprises. Kovask fit un signe discret à Michael et ce dernier commença d’ouvrir la porte.
— Que votre copain attende un peu, dit Ladan d’une voix rauque. Qu’avez-vous à me promettre ? Je n’ai tué personne. Il n’y a que l’histoire de cette fille.
— Alberta Gann ?
— Oui. On nous avait demandé de l’enlever. Nous l’avons surveillée, John Menis et moi, puis nous avons appris qu’ils partaient une semaine avec le club de chasse. Nous avons alors décidé d’intervenir.
Kovask jeta un coup d’œil à la femme. Les yeux arrondis elle paraissait fascinée par son amant. Visiblement elle ignorait tout de ses activités secrètes.
— Qui vous payait pour ça ?
— Non, pas tout de suite. Je veux bien vous expliquer une partie de l’affaire, mais pour l’essentiel il me faudra autre chose que des promesses.
Le visage du marin se figea.
— Attention Ladan ! N’allez pas trop loin sur ce chemin-là. De toute façon nous vous ferons parler. Madame Blatasky témoignera contre vous.
— José, cria brusquement Mrs Brown, dit leur tout ! Je vous jure, dit-elle en se tournant vers eux, que ce n’est pas un méchant garçon. Il a dû se laisser entraîner.
Un sourire froid détendit les lèvres de Kovask.
— Je doute que des gens travaillant contre la sécurité de notre pays utilisent une main-d’œuvre composée d’enfants de chœur. N’est-ce pas Ladan ?
Le sleeper haussa les épaules.
— J’ai eu quelques petites histoires évidemment, mais si je n’avais pas connu John Menis je ne serais jamais entré dans le coup. C’est lui qui m’a recommandé, me faisant passer pour un véritable truand. En fait j’ai été condamné pour contrebande quand je faisais la route entre le Mexique et le Texas. C’est pourquoi j’ai choisi le Nord.
— Votre coup à Galena n’a pas marché ?
— Gann s’est défendu et a tué Menis d’une balle en pleine poitrine. Je n’ai eu que le temps de filer vers l’avion où nous attendait le pilote, et nous avons décollé sans plus nous occuper de John. Depuis j’ai appris par la femme que son mari avait fait un trou dans les glaces de Yukon et y avait balancé le corps.
— Où est cette femme ? Ladan secoua la tête :
— Je n’en sais rien. Ils ont mieux réussi avec une équipe venue spécialement à Anchorage.
— Les avez-vous vus ?
— Non. Je n’ai fait qu’une seule chose dans toute cette histoire. Je suis allé prendre livraison d’une valise au domicile du couple. L’instituteur avait reçu l’ordre de la préparer et de s’éloigner.
Michael intervint pour la première fois.
— Et votre copain, il est au courant évidemment ? Complice ?
— Pas moyen de faire autrement. On nous demandait parfois de faire passer des colis. Je ne pouvais pas le lui dissimuler.
— Quel genre de colis ? Mais il n’en savait rien.
— Je suppose que vous n’aviez qu’un seul contact ? Qui est-il ?
Ladan se buta et baissa les yeux vers ses grosses mains d’étrangleur.
— José, fit Mrs Brown.
— Non, fit-il avec force. Si je parle ils m’auront. Ou alors ils te descendront. De toute façon ils nous liquideront.
— Allons donc, fit Kovask. Même si vous n’avez pas grand-chose à vous reprocher nous allons vous retenir quelque temps. Quand vous serez libre le réseau sera totalement liquidé.