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Il prit un dernier message de télétype.

— Quant à Salt Lake City, l’annonce rappelle celle de San Francisco. Deux personnes pourraient communiquer grâce à ces quelques lignes publiées avec une régularité troublante.

Kovask venait d’allumer une cigarette sans faire attention à la mimique expressive de Michael.

— Souvenez-vous qu’Herman a été durant deux ans prisonnier des Chinois, et que c’est à San Francisco qu’ils sont le plus nombreux. Ailleurs ils attirent l’attention, voire la méfiance, mais dans cette grande ville … Moi je miserais pour cette annonce.

D’un sourire Helliot le rassura.

— C’est bien l’opinion des enquêteurs. Mais il aurait mieux valu chercher à Reno ou Salt Lake. Vous avez vu l’adresse de ces annonces ? Une boîte postale. Et notre homme ne doit que rarement attendre de réponses, puisque c’est lui qui fixe les rendez-vous téléphoniques. Du moins si ces chiffres ont une signification cachée.

Shelby prit son air des grandes circonstances.

— Mon garçon, nous avons délivré Alberta Gann. Il nous reste à découvrir le responsable de ce réseau et à obtenir une explication sur l’emploi de ces diffuseurs.

Un peu agacé Kovask tirait sur sa cigarette. Michael nettoyait tranquillement ses ongles.

— Vous allez partir pour Frisco, continuait le commodore.

— Attendez les premiers éléments de l’enquête, dit Helliot. Vous ne pouvez vous lancer à l’aventure. Mes collègues de Californie vont certainement tendre un filet autour de la boîte postale, mais le résultat risque d’être décevant.

Il avait raison. Kovask pensait aussi à l’assassin d’Herman et de Gann. Il risquait de passer au travers des mailles, pendant que l’on perdrait son temps à rechercher un Chinois parmi plusieurs milliers d’autres.

— Je ne dis pas, mon garçon, répondit Shelby, mais cet assassin ne nous donnera pas la clé du mystère, alors que l’arrestation du chef du réseau nous permettra de mettre la main sur ce type-là.

— Avouez qu’il doit disposer d’une certaine puissance et d’une grande autonomie, puisqu’ayant réalisé qu’Herman représentait un danger, il l’a liquidé presque sous nos yeux et qu’il en a fait pratiquement autant pour Geoffrey Gann.

Michael refermait son petit couteau, fouillait dans ses poches pour y prendre une tablette de chewing-gum et se levait avec une nonchalance exagérée.

— Allez boss, en route pour Frisco ! Kovask se tourna vers le commodore.

— Puis-je vous demander une faveur ?

— Si elle est en mon pouvoir …

— Depuis plusieurs années que j’accomplis des missions de contre-espionnage ou de renseignements, j’ai l’habitude d’agir seul ou en collaboration avec d’autres services de façon épisodique. Je vous demande de réexpédier sans plus attendre l’enseigne Michael vers ses occupations de météorologiste.

Le jeune garçon ouvrit des yeux ronds, incrédule. Shelby parut affligé.

— Non seulement il n’a aucune des qualités nécessaires pour mener à bien un tel travail, mais encore j’ai l’impression qu’il porte la guigne. Je préfère filer tout seul à San Francisco.

— Comme vous voudrez, dit Shelby assez sèchement.

Il avait certainement toujours eu un faible pour le garçon. Ce devait être le fils d’un ami ou d’un parent.

— Michael, je vais vous signer un ordre de mission. Vous rejoignez l’île de Atka le plus rapidement possible. D’ici une heure vous vous présenterez aux autorités locales de la Navy, qui auront charge de vous acheminer jusque-là bas.

Il inclina la tête.

— Je ne vous retiens plus.

Bien qu’en civil Michael s’était mis au garde-à-vous. Il pivota sur ses talons et se dirigea vers la porte.

CHAPITRE XIV

Luang était de vieille famille cantonaise installée à San Francisco depuis plus de cinquante ans. Le Chinois appartenait au conseil d’administration des Six Sociétés, cet organisme de tradition strictement chinoise qui contrôle le droit au travail, les relations familiales, les questions commerciales et qui veille au respect des coutumes ancestrales. Les Six Sociétés, ne pouvant accepter que l’idéologie de Pékin gangrène les trente mille Chinois de la ville, possédait son propre service de renseignements qui s’efforçait de dépister les indésirables. L’élimination se faisait selon diverses méthodes. Quelquefois, quand l’affaire était trop difficile, on faisait appel au F.B.I.

Petit, râblé cependant, avec un visage lisse d’enfant bien nourri, Luang avait des yeux très noirs au regard grave. Installe dans un fauteuil de la chambre de Kovask, il venait d’exposer les difficultés prévisibles. Le commodore Shelby qui, après le renvoi de Michael, avait décidé d’accompagner Kovask à San-Francisco, assistait à l’entretien.

— Nos indicateurs sont prévenus, disait le petit Chinois. Nous avons eu en main les lettres adressées par cet individu aux directions des deux journaux fonciers.

L’individu en question signait d’un nom américain, Ferguson. Il réglait le montant des annonces au moyen de chèques tirés sur la National San-Francisco Bank. Le compte était régulièrement approvisionné une semaine avant l’émission du chèque. Le compte avait été ouvert un an auparavant, et le titulaire avait demandé la fourniture immédiate de cinq carnets ce qui le mettait pour un certain temps à l’abri de nouvelles demandes.

— Rien à faire du côté de la banque, constata Kovask. Ils ne se souviennent pas de ce Ferguson et ne peuvent nous donner un renseignement utile.

— La signature est explicite, dit Luan d’une voix douce. Le F est tracé par une main chinoise. Les barres transversales rappellent l’écriture de mes ancêtres. C’est la seule indication acceptable.

— Quant à la boîte postale, dit Shelby, elle est pleine à craquer et l’administration a accepté d’en remettre le contenu au F.B.I. uniquement des lettres de clients intéressés par l’annonce. Certains s’étonnent de ne pas recevoir de réponse. D’autres, qui ont reçu une fin de non-recevoir, s’indignent de la parution régulière de l’annonce. Kovask avait songé à cette éventualité.

— Je suis certain qu’Herman et son patron allaient devoir abandonner ce mode de correspondance. Le risque croissait tous les jours.

Luang leur expliqua que tous les sympathisants de la Chine Nouvelle étaient connus et fichés. Certains, les plus nombreux même, étaient inoffensifs.

— Mais ce Ferguson doit se tapir dans l’ombre et peut-être même observer strictement les vieilles coutumes. Il lui suffit d’avoir un poste de radio très puissant pour pouvoir prendre les messages codés, émis par les cargos chinois qui se rendent en Union Soviétique. Ainsi il reçoit ses instructions.

Il y avait eu cette équipe à bord du yacht qui avait installé les diffuseurs. Peut-être aurait-il fallu chercher de ce côté. Mais leur recrutement avait dû s’entourer de grandes précautions.

— Cet homme alerté par la mort de ses collaborateurs va peut-être arrêter toutes ses activités. Mais nous le trouverons, dit le petit Chinois en se levant. Chinatown ne peut trop longtemps receler un mystère pour les Six Sociétés. Sinon, ajouta-t-il avec on sourire plein de charme, elles n’auraient plus qu’à disparaître.

Une fois seul, Kovask resta silencieux tandis que Shelby fumait sa pipe. Une idée lui était venue soudain et il était en train d’en peser la valeur. Comme toujours son application demanderait un certain délai, alors qu’ils devaient en finir au plus vite. Washington s’inquiétait au sujet de ces diffuseurs de brouillard artificiel, et avant d’établir ses plans semestriels de politique internationale désirait de plus amples précisions.