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Le trajet est bref. La Porsche stoppe devant un vaste porche (c’est marrant, non ?) copieusement illuminé, avec des grooms en livrée qui s’affairent et un portier en gibus de couleur crème.

Je m’extrais. On m’aide. Les quatre marches, la traversée du hall gigantesque, à la nage dans cette mer de clarté. Un ascenseur grand comme l’apparte de ma cousine Noémie à Pont-à-Mousson (rue du Général-de-Gaulle, au-dessus de la librairie). Ensuite c’est un couloir, au dernier laitage du palace, là que se trouvent les suites princières.

Les lourdes ne comportent pas de serrure à clé, ni même de fente pour carte magnétique, mais un petit clavier de chiffres sur lequel tu tapes ton code. Je guigne. Elle échancre trois « 6 », suivis de trois « 9 ».

Le sas de l’entrée, auquel succède un vaste salon qui ressemble au hall d’exposition d’un grand magasin de meubles. Ce n’est que tissu à vilaines rayures sur les murs, fauteuils recouverts d’impossibles velours, tentures de satin chamarré, tapis « perçants », coussins baroques, tableaux croûteux (sous-bois, chasses à courre, satyres gambadeurs, connasses frivoles sur escarpolettes, biches humides aux abois, jetées de fleurs, lièvres foudroyés suspendus par les pattounes arrière, etc.).

Quand on a traversé les Galeries Je Farfouille, on accède à une chambre du même tonneau. Plumard en 200 de large, avec tête de lit capitonnée fleurettes, meubles de palissandre style Louis XIX ! Statuettes d’albâtre en matière plastique, descente de lit en peau d’ours synthétique (la tête est tellement bien imitée que tu jurerais un vrai).

— Allongez-vous sur le lit, conseille Peggy après en avoir rabattu le couvre-lit de soie bleu à rayures mauves et jaunes.

Je largue mes mocassins et m’étends sur sa couche.

Moi, vieux renard des sables épargné par la rage, la peste noire et la myxomatose, je te parie le culte du droit contre un doigt dans le cul que cet apparte est inhabité. J’entends par là qu’on n’y séjourne présentement car il est dépourvu d’objet personnel. Pas le moindre tube de rouge à lèvres dans un cendrier, pas la plus insignifiante boucle d’oreille, pas un foulard, pas un Tampax de premier secours, pas une photo, pas une enveloppe de lettre récemment reçue, pas une revue : RIEN !

Les yeux mi-clos, j’observe les allées et venues de la donzelle. Elle est en train de neutraliser les lumières, ne laissant briller qu’une lampe posée sur une console, à l’autre bout de la chambre.

Ensuite elle vient s’asseoir sur le bord du lit, tout contre moi. Me saisit la main, palpe mon pouls en loucedé.

— Comment vous sentez-vous ?

— Vertiges, balbutié-je.

— Vous voulez boire quelque chose ?

— Non.

— Je vais appeler un docteur !

Ça y est, nous y sommes ! L’appareil de « Dents de chameau » te cotonne les méninges. Tu deviens docile. On te drive dans un lieu propice et un « docteur » se pointe pour te faire une piqûre de perlimpinpin, de celles qui poussent aux confidences les plus confidentielles. On te questionne à bloc pendant que tu vadrouilles dans le schwartz. Ensuite tu récupères. Tu ne te rappelles plus rien. T’es guéri. Retour à la case départ après une grosse bise à la dame ! Le tour (de con) est joué !

— Ce… n’est… pas… la peine, réponds-je. Je… me sens… déjà… mieux.

— Il n’est pas normal que vous ayez ces vertiges, ces éblouissements (ai-je parlé d’éblouissements ?) et ce grondement dans les oreilles (bon, je devrais avoir des bourdonnements, merci du tuyau !). Un de mes amis est médecin, il habite tout à côté.

Rien à fiche, elle va le faire. C’est inscrit dans sa « mission ».

Elle me lâche la menotte, se lève et marche au bigophone, lequel se trouve de l’autre côté du paddock, sur une table de chevet.

Juste qu’elle finit de contourner ma couche et qu’elle s’incline pour s’emparer du turlu, ton Sana bien-aimé (je l’espère du moins ?) opère un saut de carpe, prolongé par un ciseau. Mes chevilles enserrent le cou de la Noirpiote. Seconde secousse, et la môme se retrouve en travers du pucier, à suffoquer.

Je relâche mon étreinte sud et m’accroupetonne en tailleur auprès d’elle.

— Guéri ! jubilé-je (car je fête mon jubilé d’une façon très anticipée).

Elle se masse le cou en me défrimant.

— Qu’est-ce qui vous a pris ?

— Je ne veux pas de médecin ici ; nous sommes si bien, tous les deux ! Rassurez-vous, belle des belles, mais le Martien de vos laboratoires n’a pas eu l’opportunité de me pratiquer ces fameuses poses qui flanquent la migraine ; je suis dans une forme indicible. Avez-vous déjà fait l’amour avec un Français ?

Elle ne répond rien.

— Non, n’est-ce pas ? Alors, mon bébé tendre, l’occasion est unique et, pour tout dire, inespérée. Vous tombez sur un spécimen rare. Bon, résumons la situation : vous aviez pour mission, je gage, de me « neutraliser » pour me faire parler. Fiasco ! Cela dit, ça n’a aucune importance, ma chérie, vu que je n’ai rien à dire. Mon copain et moi débarquons dans ce sac d’embrouilles en toute innocence, et vos manigances ne sont que du temps perdu. Vous pouvez ne pas me croire, mais ce serait dommage.

Tout en jactant, je caresse négligemment son cou endolori, descends jusqu’à la naissance des seins, puis enveloppe ceux-ci de mes mains conquérantes (en conques errantes). Entre deux phrases, je pose mes lèvres sur les siennes, pas pour un baiser goulu, mais pour un simple effleurement agaceur, de ceux qui, tu le sais, titillent les sens.

— Vos collègues, sachant par le « photographe » que la petite séance a raté, se manifesteront dans un laps de temps que je ne saurais estimer. Mettons celui-ci à profit pour connaître l’ivresse, ma radieuse. Vous êtes belle et ardente, je suis ardent et salace, nous sommes donc faits pour en connaître davantage sur les lois de l’attraction terrestre.

Et poum ! j’ai suavement décroché son pantalon bouffant ! Là, faut se risquer avec précaution. Terrain miné ! Je joue « Patrouille dans la savane belge ». Aller plus loin risque de déclencher la monstre rebufferie ! La réaction sauvage ! Elle peut rameuter la garde, Peggy ! Dégainer un stylet de ses mignons harnais et me le planter dans la boîte à fou rire !

— Vous êtes belle comme un lever de soleil dans les Rocheuses.

Elle parle, dit comme ça :

— Les Rocheuses sont à l’Ouest.

— C’est juste, admets-je, donc vous êtes belle comme un coucher de soleil dans les Rocheuses, mon ange. Vous ressemblez à la panthère Cartier en métal noir. Votre souffle m’embrase. Si vous aviez l’obligeance de déplacer votre chère main de trente centimètres, vous pourriez alors palper le siège de mon émoi, constater que c’est pas du toc mais de la loupe d’homme surchoix. Le cœur de buis, en comparaison, n’est que pâte à modeler. Si je tarde à laisser l’énergumène dans sa niche, ce sera la mort de ma fermeture Eclair et je devrai tenir mon pantalon à deux mains pour quitter votre hôtel.

Elle a un sourire léger. J’en profite pour faire glisser son futal. Dedieu ! Ce slip blanc sur cette peau noire ! INTENABLE ! Est-il encore temps de stopper la manœuvre, Tonio ? Non, hein ? Le processus de baise est engagé, tu ne crois pas ? Ma pointe de non-retour est franchie. Rengainer son compliment à ce stade de l’opération ressemblerait à une déculottade (si je puis dire). Fonce, Alphonse !

Alors tu sais quoi ? Comment ? Faut pas y dire maintenant ? Les enfants ne sont pas encore couchés ? Qu’est-ce y z’attendent, bordel ! Tu vois pas qu’ils tombent de sommeil ! Amène ton esgourde, je vais parler bas.