Выбрать главу

Ils t’envoient de la pénicilline ou des balles à travers la gueule, selon les circonstances. Et puis ils viennent se faire trouer la paillasse tout de même quand les Teutons nous teutonnent de trop près. Alors on est partagés entre la reconnaissance et le Coca-Cola. On peut pas choisir, tu comprends ? C’est la carte forcée du bonneteau. Ils semblent te laisser ton libre arbitre, mais en réalité tu comportes à leur guise.

Des idées confuses me submergent le ciboulot, ça crépite dans ma tronche.

Je roule sans hâte : la vitesse tue.

— On pourrait mettre le Vieux au courant ? suggère Jérémie.

Il ajoute :

— Y a le téléphone dans l’auto ; sur le coffre se trouve une antenne spéciale et je vois un fil qui entre dans la boîte à gants.

Je rabats le volet métallique simili-acajou ! Effectivement, un gros combiné à cadran fait dodo dans la niche. Je le tends à mon camarade.

— Essaie toujours d’obtenir la Grande Boutique.

M. Blanc s’active posément. Quel calme ! Félicitations. Un mec qui, naguère, balayait les merdes canines sur les trottoirs de Saint-Sulpice !

Il compose le numéro avec une application de premier de la classe. On perçoit des grignoteries, des stridences brèves, des carillons différents se succèdent et puis, au bout de tout ça : la chère France, le gay Paris, la Maison Pouleman.

Une standardiste roguise :

— Police judiciaire !

Jérémoche se nomme et réclame môssieur le directeur.

— Vous rigolez ! clame la pécore. Il est sept heures du matin !

C’est vrai que Pépère pantoufle jusqu’à dix plombes et mèche à présent. Il doit se faire vaseliner le Petit Chose par la déesse qu’il a trimbalée jusqu’ici.

— Demande si Mathias est là ! soufflé-je.

Il demande et le Rouillé y est. J’ai idée que son élevage de lardons commence à lui peser, au dirlo du labo. Une mégère et dix-huit moufflets dont aucun n’est encore manda, ça finit par t’élimer le tempérament.

— Donne !

Je reprends le combiné.

— Bonté divine ! écrie le brasero ambulant, je me rongeais les sangs à vous attendre. Vingt-quatre heures que je ne quitte pas le bureau !

— Ça te fera peut-être un chiare de moins à ton tableau de baise, ricané-je.

— Où êtes-vous ?

— Dans la merde, mon cher ami. La plus nauséabonde dans laquelle j’aie jamais eu à patauger.

Mais lui, ça lui fait pas plus d’effet qu’un suppositoire dans le fion du cher Roger Peyrefitte (le plus grand écrivain de France après moi).

— J’ai des nouvelles de votre docteur Golstein.

— Vraiment ?

— Il était prodigieux, cet homme-là ; on commence seulement à découvrir l’étendue de ses travaux. S’il n’y avait pas eu la guerre et s’il n’avait été juif, ce qui l’a contraint à fuir, il aurait obtenu le prix Nobel.

— C’est comme moi, fais-je : si je n’étais pas flic et si je n’étais pas con, je gérerais une entreprise de ciment armé au lieu de passer bientôt à la chambre à gaz.

Il ne prend garde à ma réplique amère.

— Vous savez la nature de ses recherches ? La génétique ! Depuis Mendel, on n’a jamais trouvé plus fortiche en la matière. Il a été le premier à travailler sur l’embryon humain. Il a quitté l’Allemagne en 42. Au début, les nazis l’avaient en considération, mais il a compris que, même s’il travaillait pour eux, ça finirait mal pour lui et pour sa sœur.

Nous longeons l’autoroute, en contrebas. Au loin, sur les voies rapides, j’aperçois un barrage de police. L’étau se resserre comme disait un vieux pédé qui s’était oint l’oignon d’astringent.

Avisant un sentier forestier, je m’y engage au ralenti et reprends la converse :

— Pardonne-moi, nous sommes traqués par la police, Mathias, et je dois manœuvrer serré.

— Savez-vous où le docteur Golstein s’était réfugié, dans un premier temps ? reprend le bel indifférent.

— En France.

— Mais encore ?

— En Normandie.

— Oui, en effet. Il avait loué une maisonnette en pleine campagne. Pinaud est allé enquêter là-bas hier et m’a communiqué à votre intention un renseignement tout à fait intéressant.

— Le père d’Alexandre-Benoît Bérurier le fréquentait ?

Alors là, il s’emporte, l’Enflammé. Il estime que je le prends pour une vieille capote anglaise surmenée, avec mes questions dont je détiens les réponses.

— Mais bonté divine, commissaire, pourquoi vous ruiner en téléphone depuis les Etats-Unis si vous savez tout ?

— Parce que la communication ne me coûte rien, dis-je en coupant le contact.

* * *

T’as dû voir ce film à la con avec Stallone : ancien combattant du Vietnam, il se rend dans un patelin des U.S.A. à la recherche d’un pote (ou de sa famille, je sais plus très bien). Il est d’aspect zonard et l’irascible shérif du comté veut le faire déguerpir. S’ensuit un sévère affrontement et voilà le baroudeur traqué dans une forêt par tout un corps d’armée. Ça castagne dur, le sang coule à souhait et à flots. Bref, c’est une véritable guerre d’embuscade que ce brave Stallone (qui me fait toujours un peu de peine car il a sans cesse l’air, même au plus fort de ses bagarres, de se traîner un pacson d’hémorroïdes gros comme un chou-fleur) livre aux forces armées.

Bon, ben, je me dis que pour nous ça va être du kif, à moins qu’on ne se rende. Mais mon instinct me déconseille cette solution de facilité. Je te parierais la photo de Le Pen contre une tête de veau que nos vies sont mises à prix et que si nous sommes arrêtés, nous serons rapatriés en France dans un pardingue en zinc cousu à la riveteuse.

A l’abri d’un fourré, nous voilà provisoirement hors de vue et loin de toute agglomération. Comme nous avons décarré en voiture, il est probable que les perdreaux s’attendent à ce que nous sillonnions les routes, d’où ce foisonnement de barrages dressés dans tous les azimuts.

Perplexe, je me tourne à demi, le coude sur le dossier de mon siège. On croise nos regards, Blanc et moi. Le sien est de la couleur de son nom, avec plein de mauvais présages dedans. Je mate alors la dame Barbara et constate qu’elle a repris ses esprits. Dans l’effervescence de son rapide enlèvement, sa jupe étroite a craqué et on découvre son exquise culotte blanche. Tiens ! elle est civilisée puisqu’elle met des vrais bas avec porte-jarretelles.

Je lui souris.

— Vous devez avoir mal à la gorge, n’est-ce pas ? Ma manchette foudroyante provoque toujours ce genre de séquelles.

Elle me bigle droit dans les lotos. Une femme de tronche (elle l’a prouvé) courageuse et qui assume. Elle s’en veut de s’être connement laissée piéger alors que tout baignait.

— Il s’en est fallu d’un rien, n’est-ce pas ? murmuré-je. Mais chapeau quand même, une femme aussi déterminée constitue une œuvre d’art. Vous avez ourdi ce plan en un temps record. L’occasion fait la laronne ! Le coup du pistolet, bravo ! Et les autres coups du même pistolet, une merveille de maîtrise et d’intelligence. La jupe retournée pour donner à croire qu’on vous a tiré dans le dos et ratée, ça, si j’ai la joie de me faire vieux, je la raconterai à mes petits-enfants.

« Seulement voilà, compte tenu des circonstances, pour devenir vieux, il va falloir que j’y mette du mien et même que vous y mettiez du vôtre. Alors je vous propose un marché : si nous tombons dans les pattes des flics, je vous bousille illico et sans remords ; si vous nous aidez à nous en sortir, je vous laisse palper l’assurance vie de votre époux et la dépenser à votre guise. Correct ? »

Elle acquiesce :

— Correct.

J’ajoute :