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Elle lui jeta un regard en coin. Il se croyait obligé d’insister sur ce point précis et de plus en plus elle éprouvait des soupçons. S’il trouvait l’argent il ne le partagerait pas avec elle. C’était dans la ligne de son caractère.

— Les armes sont entretenues avec soin, il y a des munitions en très grosses quantités. Il y a des réserves d’eau chez les Larovitz, les Arbas et les Roques mais pas de ce côté-ci de l’immeuble. J’ignore pourquoi. Des bouteilles d’eau minérale par centaines. On peut leur couper l’eau, le gaz et l’électricité sans les mettre en difficulté. C’est vraiment un Bunker prêt à résister à toutes les attaques.

— Il n’y a pas de cave ?

— Non. Mais, par contre, il existe un grenier, des combles. Je n’ai pas pu les visiter aujourd’hui, j’espère le faire une autre fois.

— Mais tu n’auras pas les clés ?

— Si j’ai quitté la maison aussi tôt c’est pour une bonne raison. J’ai un copain qui a accepté de me faire un double de toutes. Certaines doivent être envoyées contre accusé de réception et j’ai donné mon adresse. D’ici quelques jours je les aurai toutes en mains. Je savais bien que Pierre Arbas réclamerait son trousseau. Le verrou les ennuie considérablement. En sortant d’ici ils l’ont tous regardé d’une drôle de façon. Mais il est préférable de le conserver.

— Tu es sûr que Caducci ne t’a pas entendu ?

— Absolument pas. Je me suis égaré trois fois et j’ai failli tomber dans une sorte d’oubliette miniature. Pas plus de trois mètres de profondeur mais faite de telle manière qu’on reste étroitement coincé, bras collés au corps sans possibilité de s’en sortir. L’astuce a consisté à lui donner une forme de tronc de cône, si bien que tu ne peux t’arc-bouter avec les pieds et que le haut du corps est coincé. Le labyrinthe occupe trois pièces chez les Caducci et une, très grande, dans l’appartement qu’ils se sont partagé.

— Mais qui possédait cet appartement ?

— Bachir le louait en attendant que le vieux Cambrier réussisse à le vendre en viager. Quand Bachir a laissé tomber, ils ont décidé de l’acheter en le morcelant.

Chacun une pièce, car c’était le plus grand des appartements. Celui de Pierre Arbas était tout petit.

— Tu as trouvé des renseignements sur Bachir ?

— Non, puisqu’il a quitté l’appartement l’année précédente et que tous les renseignements sur l’année dernière sont sous clé. Il n’a pas dû vouloir participer à la folie collective. Dès que nous aurons trouvé son adresse, nous lui rendrons visite pour savoir ce qu’il pense des habitants de ce Bunker. Ils ont dû le forcer à partir s’il sous-louait à une dizaine de compatriotes.

Ils avaient tout rangé. Il ne restait plus de Champagne, mais le porto et le pastis n’avaient pas été bus en totalité.

De même, il restait des canapés et des petits fours qu’ils placèrent dans le frigo.

— Demain, tu les distribueras. On ne peut pas manger tout ça et ce petit cadeau leur fera plaisir.

— Maintenant, on peut aller se coucher.

— Oui, mais pas dans le pigeonnier.

— Non ? Pourquoi ?

— On n’a qu’à choisir la chambre d’amis. On y sera très bien.

— Mais pourquoi ? Je préfère là-haut.

— Tu veux qu’ils t’asphyxient comme les Sanchez ?

CHAPITRE XXVI

À plusieurs reprises, elle se réveilla dans la nuit, croyant sentir une odeur de gaz. Ils avaient pourtant fermé le compteur, mais elle rêvait qu’ils commençaient d’être asphyxiés par leurs voisins.

Elle finit par se lever bien avant l’aube et alla ouvrir les volets du living, fut heureuse d’apercevoir le bistrot ouvert. Le beau-frère du patron lui adressa un petit signe de la main, bien qu’il ne la connaisses pas. La boutique des Roques était également ouverte, car elle pouvait voir le reflet de ses néons dans la vitrine du bistrot.

Elle finit par grimper dans le pigeonnier, s’allongea sur la moquette pour passer la tête sous la banquette bricolée par Sanchez et flaira en direction du trou par où passait le chat. Tiens, elle ne l’avait pas revu depuis plusieurs jours. Arbas devait le surveiller pour qu’il ne vienne pas chez elle. De l’autre côté, il y avait donc une pièce appartenant aux Arbas, une pièce nue, mais curieusement, alors qu’elle était presque délabrée, Manuel avait noté la présence d’un tuyau en cuivre neuf amenant le gaz jusqu’au mur mitoyen, juste au-dessus de la chatière.

— Une installation établie par Arbas lui-même. C’est un bon bricoleur et j’ai trouvé tout le matériel adéquat chez lui. Il n’a eu qu’à brancher un tuyau souple, le faire passer dans le pigeonnier pour liquider les Sanchez.

— Mais que faisaient-ils dans cette pièce ? On les a retrouvés dans leur chambre.

— Les Sanchez devaient se méfier et préférer coucher là-haut où il n’y avait pas d’installation de gaz. Mais ils n’ont pas été assez prudents et les autres les ont quand même eus. Ensuite, rien de plus facile que de venir ventiler la pièce et de placer les cadavres dans leur chambre à coucher avant qu’ils ne refroidissent.

Alice redescendit préparer du café, en but deux tasses d’un air songeur. Elle ne pouvait que faire confiance à Manuel sur la description de la pièce où Arbas avait installé le gaz. Au début, il n’admettait pas l’hypothèse que les Sanchez aient pu être assassinés et depuis peu il paraissait s’évertuer à le prouver au contraire. Pourquoi cette nouvelle attitude ? Était-elle vraiment étayée sur des faits nouveaux, des découvertes ou découlait-elle d’un plan tortueux ? Manuel Mothe poursuivait un but bien précis qu’elle ignorait mais l’argent des Sanchez devait l’intéresser. Pour un garçon qui parlait de filer aux antipodes, quinze à vingt millions anciens représentaient une fortune.

À dix heures, elle garnit un carton et alla sonner chez les Larovitz. Ce fut Monique qui vint ouvrir. Plus navet que jamais avec sa mine défaite et l’absence totale d’expression. Pourtant, elle parut contente des petits fours et canapés rassis.

— Il ne fallait pas.

— Ça va se perdre. Vous êtes seule ?

— Serge a amené les gosses à l’école et fait des courses.

Je crois que j’ai trop bu hier. On n’a pas l’habitude. Ici on se réunit quelquefois, mais juste avec quelques bouteilles de rosé. On fait des merguez, des couscous…

— C’est Bachir qui vous a appris à le cuisiner ? lança Alice sautant sur l’occasion.

— Bachir ? L’Algérien qui louait au second ? On le connaissait pour ainsi dire pas.

— Il y avait des Arabes ici ?

— Oui, des Algériens.

— Longtemps ?

— Je ne sais pas bien, un an.

Alice avait décidé de jouer le rôle qu’on attendait d’elle, celui d’une femme que le mot Algérien révulsait. Elle était certaine d’obtenir un écho raciste en agissant ainsi.

— Quelle horreur ! Vous ne deviez pas oser sortir de chez vous ? Et quand votre mari n’était pas là la nuit ?

— Oui, j’avais peur, très peur même. Surtout après l’histoire qui est arrivée à Magali Arbas. Ils l’ont coincée dans l’escalier et sans Roques et Sanchez…

— Vous voulez dire qu’ils voulaient la violer ?

— Oui, c’est ça.

— Vous avez assisté à la scène ?

— Non. On me l’a rapportée.

— Vous avez entendu crier ?

— Non, rien. Mais elle a vraiment failli y passer… On ne pouvait pas supporter ça, vous comprenez ? Et puis tout le reste. La saleté, les poux. Les gosses avaient des poux.