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Le Monstre applique inexorablement son ventre sur les meules de la môme. Le mari beugle.

— Arrêtez ! Elle ne supporte même pas un thermomètre.

— Pa'ce que c'est froid ! répond Béru.

— Je vous interdis… hurle le fils du maire.

— De quoi je me mêle ? rétorque Miss Alençon.

Béru pousse son avantage en même temps que son membre. La fille lâche un cri de délicieuse détresse.

— Voilà ! soupire Alexandre, le plus gros est fait. Quand la locomotive est entrée dans le tunnel, c'est bien rare que les wagons suivent pas !

Epinglée, comme un papillon, la mariée se tortille en griffant et mordant les draps.

Son époux tapote l'épaule de Béru.

— Vous ne pouvez pas jouir dedans ? questionne-t-il.

— Pourquoi j'me gênerais ? bougonne Sa Majesté.

— Et le Sida ?

— T'as raison, on n'est jamais trop prudent !

Le Gros décule d'un coup et largue sa semence en pleine poire du jeune marié. Puis il s'essuie le mandrin avec les rideaux avant de se retirer sur la pointe des pieds.

— Demain, p'tit gars, j'veux qu'tu récite[31] ! exige-t-il d'un air docte.

* * *

Un à un ou par petits groupes, je les ai vus sortir de l'hôtel Moncorgé, les noceurs. Certains titubant, d'autres chahutant, mais tous bramant la liesse obligatoire. La vapeur de leur respiration dans l'air givré les enveloppait d'un brouillard irréel. Quelques-uns ont gerbé alentour. Une fille en mousseline rose est même venue pisser contre le baraquement. L'urine s'échappait de son gros cul en sifflant et giclant sur ses talons aiguilles.

Le beffroi de ma Cartier[32] annonce quatre plombes du mat' et les derniers fêtards se sont évacués après un charivari sous la fenêtre des époux qui s'est achevé par un pot de chambre vidé sur leurs tronches.

Les dernières lumières de l'auberge s'éteignent. Les rayons d'une lune proche de sa plénitude confère à la bâtisse des allures magrittiennes.

Je commence à me dire que je me suis gelé les noix pour rien, lorsque Lydia, la serveuse décrite par le patron, quitte l'établissement. Au lieu de s'engager sur la rue principale, elle rebrousse chemin dans l'impasse et se dirige droit vers le vélomoteur. Elle grimpe dessus, le met en route.

Pour être honnête avec toi, je suis plutôt déconcerté. Cette mobylette, j'espérais qu'un homme viendrait la récupérer et tu sais qui ? Antoine. Maintenant je me demande si le vieux Gabin, intoxiqué par sa sobriété, n'a pas confondu la bécane d'Antoine avec celle de Lydia. Dans le doute, certains s'abstiennent. Pas moi. Je bondis hors de la cabane et cours à la rencontre de la cyclomoteuse.

Croyant à une agression, la rouquine tente de s'enfuir. Je me place sur sa trajectoire pour lui barrer le chemin.

— Police ! Arrêtez-vous !

Paniquée, la fille accélère et me fonce dessus. J'esquive la charge au dernier moment, efface mon corps pour éviter l'engin et jette mes bras en avant pour cueillir la piloteuse.

Nous roulons ensemble à terre, tandis que le vélomoteur va s'écraser contre la cabane de chantier.

— Pas de bobo ? demandé-je à Lydia.

— Vous êtes complètement barge ! gronde-t-elle, en se débattant.

— Tu vas te calmer, ma douce, sinon je t'aligne la baffe du siècle !

Je l'aide à se relever, à se défroisser, à se dépoussiérer. La môme tremble d'une peur rétrospective.

— J'ai cru que c'était lui… fait-elle, agitée de frissons.

— Lui qui ?

— Celui qui a tué Juliette.

— Nicolas Godemiche, n'est-ce pas ?

Lydia se contente d'un hochement de tête.

— C'est loin, chez toi ? questionné-je.

— Un kilomètre.

Je désigne la mobylette complètement ratatinée.

— Un kilomètre à pied, ça use, mais ça réchauffe.

* * *

Antoine n'est vraiment ni manchot ni cul-de-jatte. La cabriole qu'il effectue à mon intrusion dans la piaule de Lydia devrait être homologuée comme record olympique. Il jaillit hors du lit, exécute un saut périlleux et se retrouve face à moi en position de karatéka.

— Tu ne vas tout de même pas cogner ton père ? murmuré-je dans la pénombre.

La rouquine donne la lumière.

— Papa ! s'exclame Antoine.

— En personne. Le moment des explications est venu.

Je me tourne vers la fille interloquée devant cette touchante scène de famille.

— Si tu pouvais nous préparer un peu de café, ce serait sympa.

Lydia s'évacue vers la cuisine dont je claque ostensiblement la porte.

— Alors, fils ?

Mon môme semble désemparé. Je l'attrape par le cou et le serre contre moi.

— Ce n'est pas le flic que tu as devant toi, mais ton père.

— Est-ce que j'y gagne au change ? dit-il avec un large sourire.

— Si tu me racontais ton odyssée ?

— Tu en es resté où ?

— Lorsque tu fais mine de prendre le train à Chartres. Tu te payes des rollers et tu reviens en Beauce. Pourquoi ?

Antoine est péremptoire.

— J'ai toujours suspecté Nicolas d'avoir tué sa cousine. Je voulais le faire parler. Par la radio de mon walkman, j'ai appris qu'il avait tiré sur Roykeau et s'était enfui.

Je le coupe net.

— En plus des rollers, tu n'aurais pas fait aussi l'emplette d'un sac à dos et de quelques haches ?

— Non, pourquoi ? répond-il, intrigué.

— Pour rien. Continue.

— Je me suis planqué dans un logement désaffecté du Château de la Vieille-Nave. Je pensais que Nicolas finirait par revenir au bercail. Le lendemain, j'ai bourlingué dans le secteur sans rien découvrir. Vers 20 heures, j'ai failli me faire repérer par le père Godemiche qui rentrait chez lui. Alors j'ai regagné ma cachette. Je me suis réveillé en sursaut dans la nuit et j'ai constaté que le 4 × 4 était stationné dans la cour. Je suis allé rôder autour, mais quelqu'un m'a aperçu et s'est lancé à mes trousses.

— Le quelqu'un, c'était moi.

— Non ?

— Tu as constaté que les clés étaient au tableau de bord et tu as pris la fuite. Dans la panique, tu as perdu l'un de tes patins à roulettes.

— Si j'avais su…

— Tu aurais fait pareil, dans ta logique de franc-tireur.

Antoine se fend d'un rictus embarrassé.

— C'est possible.

— Ensuite, enchaîné-je, sachant que le véhicule était recherché, tu n'as pas osé circuler longtemps avec. Tu as roulé jusqu'à Saint-Quentin-en-Yvelines et stationné le 4 × 4 en évidence dans un parking jouxtant le R.E.R. en te disant que les poulagas concluraient que tu avais regagné la capitale. En fait, tu as piqué une mobylette.

— Je l'ai achetée, rectifie Toinet, à un jeune beur sympa…

— … qui venait tout juste de la chourer ?

— Ah, ça ! Je te garantis pas qu'elle était de première main.

Lydia rapplique avec une cafetière fumante. Je lui fais signe de retourner à la cuisine, car on en vient aux explications les plus chaudes. Je pose à mon fils la question sans détours.

— Comment es-tu arrivé à Saint-Jean-Nivers avant même le crime ?

Antoine attrape son blouson posé sur le dossier d'une chaise et le fouille. Il en sort une carte routière d'état-major qu'il déplie devant moi.

— Avant d'abandonner le 4 × 4, je l'ai inspecté de fond en comble.

— Ce que j'ai omis de faire, admets-je, un rien dépité.

— Et j'ai trouvé cette carte dans la boîte à gants, poursuit Toinet.

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31

Pas de panique pour cette absence de « s ». Correcteur : Béru refuse de décorer la deuxième personne du singulier de cette singulière marque de pluriel !

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32

Micheline et Jo, on se voit peu mais on s'aime.