— C'est une suceuse d'exception, ma petite Suzie, n'est-ce pas ? Les Beauceronnes, c'est tout ou rien.
Des turlutes, on m'en a prodigué des milliers. Toi qui fais partie du club San-Antonio, tu serais sûrement capable de les dénombrer au travers de mes bouquins. Mais là, je peux te garantir sur facture que la môme Suzie est la plus sublime de toutes les pompeuses qui ont croisé ma biroute.
Elle fonctionne dans le suave et l'irréel. Comme si un yaourt façon Fjord t'enrobait depuis le gland jusqu'aux roustons pour te malaxer les sens. Un tel labeur mérite récompense et je ne suis pas loin de partir au fade lorsque je remarque un jeune type affublé d'un bonnet multicolore qui mate notre prestation à travers la porte-fenêtre. Le garçon croise mon regard et détale, terrorisé.
Plus de spectateur ? Alors on largue les amarres, Bigard ! Je commence à frémir, à gémir.
— On rapporte, Suzie ! commande Mathilde, on rapporte !
Je décide à l'unanimité de mes voix plus la mienne de lui voter mes subsides en liquide, à la délicieuse bonniche. Ça part comme en quatorze ! La soubrette encaisse mes trois litres douze de spermatos à bretelles sans piper mot. Qu'aussitôt elle se retourne vers sa patronne et lui restitue la mise en une langoureuse pelle, genre pélican lassé d'un long pompage.
— Commissaire, s'exclame Mathilde, votre foutre est délicieux, onctueux et salé à souhait.
— Merci pour cette appréciation gastronomique. Mais pourriez-vous me renseigner sur ce jeune homme coiffé d'un étrange bonnet qui nous observait à la dérobée ?
— Martial ! dit aussitôt Suzie.
— Je ne l'ai jamais vu avec un bonnet, s'étonne Mathilde, interrompant sa gymnastique clitoridienne.
— Depuis deux jours, il ne quitte plus ce galurin ! ajoute la soubrette.
— Qui est Martial ?
— Le fils d'Aimé, le contremaître, répond Suzie.
— Un gentil garçon précise Mathilde, mais un peu juste du cerveau.
Elle s'étire et attire la fille contre elle.
— Bien ! Et si nous reprenions là où nous en étions avant l'arrivée du commissaire, ma chère Suzie ?
La veuve lève les pattes en l'air, prenant chacune de ses cuisses dans ses mains. La petite bonne soumise s'accroupit au centre de cet édifice et entame une magnifique broutaison.
Pour ma part, je me débarbouille l'intime dans l'aquarium, on a de l'hygiène ou on n'en a pas. Les poissons tropicaux s'éparpillent, affolés à la vue de ce qu'ils croient être (modestie à part) un énorme requin.
— Commissaire ! demande soudain Mathilde, si le cœur vous en dit, vous pouvez prendre Suzie en levrette et lui faire le petit borgne, elle adore !
Je remise Coquette dans son fourreau, vais récupérer ma veste et me dirige vers la sortie.
— Ce serait un plaisir, mais avec ces mondanités, je n'ai pas vu le temps passer. Il faut que je me sauve. Ah, dernière question… Avez-vous assisté à la rave-party tragique ?
— Vous plaisantez, commissaire. On a laissé le champ libre. On s'est offert un long week-end aux Seychelles. Suzie en a encore des frissons dans la foufoune. Demandez-lui ?
— Bien. Merci mesdames. Et bon appétit !
La pluie a enfin cessé de tomber. Pour regagner ma bagnole, je longe un hangar sous lequel sont entassés des stères et des toises de bois. Un bruit de cognée attire mon attention. Au fond de la loge, je remarque un jeune type qui fend des bûches en déployant une force de Titan. Je m'approche de lui car il porte un bonnet de laine chamarré.
En me voyant radiner, de saisissement le garçon laisse tomber sa hache et prend un air méfiant.
— Salut Martial ! Ça boume, mon gars ? Dis donc, tu es fortiche pour couper du bois.
Amadoué, Martial me concède un sourire partiellement édenté. C'est un ado grand et costaud. Seulement, son Q.I. a dû être repêché avec l'épave du Titanic. Moins douze sur l'échelle de Clystère. Il a un lavement à la place du cerveau. Je lorgne sa coiffe avec attention. A l'observer de près, il s'agit d'un bonnet andin avec une pointe sur le dessus et deux oreillettes sur les côtés. Ce genre de coiffe péruvienne est à la mode chez certains marginaux.
— Il est chouette, ton bonnet.
— C'est à moi !
— Evidemment qu'il est à toi. Tu l'as piqué à qui ?
La frime du gars se fripe comme le cul d'une grand-mère qui se masse à l'extrait de morille.
— Ben… Au Chinois ! Pendant qu'y téléphonait…
— Quel Chinois ?
Gymnastique cérébrale chez mon locuteur.
— Le gars qui s'est disputé avec M'selle Mélanie.
Inutile de te dire que mes oreilles s'évasent en écoutilles.
— C'était quand, ça, mon petit Martial ?
— Ben… Le soir de la danse.
— Tu étais de la fête ?
Le garçon se recroqueville et regarde autour de lui comme s'il craignait quelque représaille. J'insiste.
— A moi, tu peux le dire… Je suis un copain. Tu as dansé ?
Martial éclate d'un rire benêt.
— Eh non ! J'sais pas danser. (Il se rembrunit aussitôt). Mon père y voulait pas que j'alle. Mais je m'ai sauvé par la fenêtre !
— Tu es vraiment un malin, toi. Tu pourrais me parler un peu du Chinois qui s'est disputé avec Mélanie ? A qui il téléphonait ?
Instantanément, le gamin se bute.
— J'sais pas ! J'le connais pas ! Faut demander à M'sieur Nicolas. Il était là, lui…
— Qui c'est Nicolas ?
Je ne tirerai plus rien de Martial car une ombre vient de se profiler, le pétrifiant sur place.
— Tu as autre chose à faire que bavarder ! gronde l'arrivant. L'hiver approche et le bois, ça n'attend pas.
— Oui, Popa.
Subjugué, le crétin ramasse la hache et reprend sa tâche bûcheronne. Et ran ! Et rrran !
J'attire le père à l'écart.
— C'est vous Aimé, le contremaître ?
Le type me considère avec autant d'aménité que si je venais d'entailler son prépuce et le lardais de piments rouges.
— Et vous, vous êtes qui ?
— Un flic qui veut trouver l'assassin de Mélanie. Ça vous dérange ?
Il me mate et sa moue se meut en mimique molle[10].
— Au contraire. Si je tenais ce fumier, je n'hésiterais pas à lui faire tâter de la hache de mon fils.
— A propos, qui est ce Nicolas dont m'a parlé Martial ?
Le contremaître n'est à l'évidence pas une balance car c'est du bout des lèvres qu'il me bave sa réponse.
— Le cousin germain de Mélanie, je suppose. Je ne connais pas d'autre Nicolas.
— Quel genre de type ?
— Un peu distant…
— Il habite ici ?
— Non. Le château de la Vieille-Nave.
— C'est loin ?
— A trois kilomètres, sur la route de Branlay-le-Vicomte.
Je me dis que le commissaire Roykeau aimerait faire analyser le bonnet andin. De cette manière, la casquette de mon Antoine ne serait plus la seule pièce à conviction.
— Dites-moi, Aimé. Si je réquisitionne le bonnet de votre fils, je ne risque pas de me faire fendre la tronche à coups de hache ?
— Essayez toujours.
Tu as déjà écrasé un lapin, un chat ou un chien avec ta caisse ? Désagréable, hein ? Alors un cheval, tu imagines ? C'est exactement ce qui est en train de m'arriver. Un grand bourrin jaillit d'un sous-bois et se précipite vers mon Audi au triple galop.
Le grand jars qui le monte ne parvient plus à le maîtriser.
J'accepte beaucoup de la vie et même le pire, sauf qu'on esquinte ma tire. La manœuvre que j'entreprends s'inspire d'Alesi, le plus grand pilote du monde s'il avait un minimum de baraka. Je braque, je georges-Braque, je bric-à-brac, je brique mon braque… Bref, j'évite de justesse le canasson et termine sans trop de dommages sur un terre-plein boueux.