« Que pensez-vous des bruits selon lesquels vous seriez une vieille pédale ayant vendu l’obélisque de Louxor à un roi du pétrole texan, et que votre épouse pompe tous les livreurs qui franchissent votre paillasson ? » Les politiciens, tu crois qu’ils désarçonnent ? Qu’ils fulminent ? Balancent un pain dans la margoule du vieweur ? Mon cul, oui ! Un sourire radieux les épanouit.
« Bonne question, que je vous remercie d’avoir posée », ils rétorquent. Et carrément, se mettent à parler du prix, de la viande de porc en Allemagne. Timidement, le vis-à-vis, essaie d’endiguer : « Mais ce n’est pas la question que je… » Et les vieilles guenilles de sourire en rechef :
« J’y arrive, monsieur Lebeaunœud ! Permettez d’abord que je pose la donnée fondamentale de l’équation interféraire, sinon, il serait impossible de suivre ma démonstration. »
Et le voilà, l’auguste semeur, le semeur auguste ou pierrot blanc, qui puise dans son sac à blabla et balance à tout va, à tout vent, soûlant le démeneur de jeu de paume, lequel finit par renoncer. Le « oui », ou le « non », connaît pas chez ces drôlatiques. Ça fait partie de leur apprentissage de zozo, ça. Biffer le « oui » et le « non » absolument de leur vocabulaire. Oublier ces mots de trois lettres à tout jamais ; pas risquer de se faire piner au dépourvu d’une heure de sévérité perfide. Et puis après, on fait un sondage express. Jules Mongenoud vous a-t-il cons, vaincus ? Tu parles ! Avant l’émission, y avait trente-deux pour cent de sympathisants, mais après le dégorgement d’insanités, de replis, de nuages artificiels, de salive artificielle, de fausses confidences et de marivaudage, le score dépasse les soixante. Fascinante, notre monstre connerie, nous tous !
Le produc, dans tout ça, disé-je ? Eh bien, il s’active, mon vieux ; il s’active : va, vient, jette la graine au loin. Corrige un affaissement de l’édifesses ; exhorte les demoiselles à se mieux grougnouter le delta amazonien. C’est un artiste, Bennaz. Lui qui tourne les films qu’il produit entièrement, personnellement. Même, tant son impétuosité professionnelle est totale, quand un partenaire est défaillant : soit qu’il ait trop bu de bière ou mangé une bricole mal passante, il met la queue à l’ouvrage, Zidore ! Faut dire que c’est un chibré de première classe, aimant à payer de sa personne ; se dépensant sans compter. Juste le budget du film, il épluche. À mort ; rognant sur les cachets, les décors, les frais de teinturier, les accessoires. Sinon, il veille à tout. Prêt ? Moteur ! Adeline l’Engelure, voulez-vous me faire une petite langue de velours sous les testicules pour me redonner l’éclat du neuf ? Merci ! Annonce ! Bitaloigne, première ! Partez ! Un vrai pro, quoi ! Le Molière de la bande paffeuse. Il mourra le chibre dressé ! C’est sa dunette, son zob, Bennaz. Son mât de misage ! Y a de l’héroïsme dans sa démarche.
Alors là, les trois dounettes le comblent.
— Que c’est beau ! clame-t-il. Oh ! que c’est beau ! Nous intitulerons le film Le Triangle des Bermudas. On vous mettra des bermudas de mon invention, mes gueuses ! Je vois leur découpe. Juste une amorce de jambes au-dessus des genoux ; une double partie le long des hanches, et puis la ceinture pour tenir l’ensemble ! Tout le reste est nu.
« Remarquez que je vous mijote d’autres figures. La pyramide voluptueuse ! Un costaud, mains croisées sous son membre pour soutenir votre tête. Chacune faisant la chandelle romaine. Fellation à l’envers. Le gars vous minouche la crinière. Un second sur les épaules du premier avec une deuxième connasse. Même position. Je vois, je sais. Faites-moi une absolue confiance. Trois couples superposés ? Vous croyez qu’on peut y parvenir ? Peut-être, en soutenant l’édifice par-derrière. Travelling plongeant ! Je cadre d’abord le faîte, et puis je descends lentement. Très lentement. On découvre peu à peu. Le spectateur se dit que ça n’est pas possible ! Ensuite, plan d’ensemble. Le plus dur ce sera le synchronisme dans l’éjaculation. Les mecs devront régler leurs montres, leurs couilles ! Ce sera superbe, ce lâcher de foutre ! Non, non, j’ai un autre titre ; bien meilleur : Les acrobates du plaisir. Voilà ! Bennaz présente : Les acrobates du désir, un film conçu, écrit et réalisé par Isidore Bennaz, avec, dans le rôle du découilleur numéro un, Isidore Bennaz ! Çui-là, il est vendu d’avance, mes petites friponnes. Je ferai une première à la Maison-Blanche ! Un gala au bénéfice de la Campagne contre le Sida ! C’est bon, désunissez-vous, et allez vous rincer la bouche à l’eau de Botot.
« Mais qu’est-ce que c’est que ces gens ? Que désirez-vous ? Vous venez pour auditionner, mes amis ? Si oui, la fille blonde, je l’engage tout de suite, sans voir, tant pis si elle a une cicatrice de césarienne ou une tache de vin à la cuisse. Putain, ce châssis ! Et la frimousse, dites : le minois ! Je l’essaierai en premier ! Droit de cuissage ! Prérogative du maître. Normal ! Je paie, je tourne, je commande !
« Je me l’offrirai sur une table de cuisine. Nappe à petits carreaux rouges et blancs ! Une cafetière, un bol de café au lait, des tartines de confiture ; que ça fasse troussée improvisée. Mademoiselle petitdéjeunait ; je suis survenu à l’improviste. Sa robe de chambre bâillait. Mes sens embrasés ! Ce sera superbe ! Les tartines de confiture sur ses fesses ! Le café au lait renversé entre ses seins. O.K., elle est prise d’office. Quant au Noir, ça tombe bien, j’en cherchais un pour Coïts dans les mers du Sud. Il fera le chef mutin qui viole la fille du capitaine ! Je lui demande pas s’il est bien membré, ces nègres, on les connaît ! Quand je pense qu’ils viennent se plaindre de leur sort ! Merde ! Le Seigneur les a peut-être faits noirs, mais en revanche, sous le pagne, y a du beau monde ! Pour les deux autres, alors là, peut-être le beau gosse, mais il faudra qu’il me montre coquette en action ! Vous, le gros, je regrette… J’ai pas de film comique en préparation. Et puis, les obèses, généralement ils ont des zizis de moineau. »
Ainsi qu’il cause, Isidore Bennaz. D’une faconde intarissable (d’Olonne). La salive lui mousse aux commissures.
La fin de la diatribe rembrunit Sa Majesté. Il existe de monstres bévues dans les rapports sociaux. Bennaz vient d’en perpétrer une à l’encontre d’Alexandre-Benoît. Supposer qu’il est membré comme un passereau, le désoblige gravement. Il chipote pas avec son honneur, le Mammouth !
Alors il va à la table de tournage où la jeune fille au slip fendu s’attarde à nous regarder. Avec une autorité de Cosaque, il l’y renverse et lui fait prendre la posture d’une étoile (de mer) à trois branches. Lui, pas besoin de granulés à la cantharide. Juste de voir le décolleté de la culotte noire, ça le met au beau fixe. Avec une autorité magistrale, il défourne son braque d’exception, le fait tressauter sur sa paume pour lui renforcer l’évidence et, avec majesté, en honore la demoiselle. Illico, la chère âme éprouve un contentement qui ressemble au bonheur car elle est sensible à la surdimension de son partenaire impromptu. Béru lui glisse une paluche sous le fessier, une seconde sous les omoplates, la décolle de la table et entreprend de l’emmener en excursion dans cette étrange posture. Marchant et manœuvrant simultanément, il se rend devant le produc.
— Dites voir, l’ami, c’est-il ça qu’ z’appelez un zizi d’ moineau ?
Isidore Bennaz reste bouche bée. Il est abasourdi, le brave homme. Tu sais qu’il en a vu déferler, des braques, cézigo, mais un outil de ce calibre, il dit que c’est la première fois. Il pose sa main sur l’épaule du Gros, pas trop fortement afin de ne pas contrarier, ni freiner sa manœuvre.
— Je vous prie de m’excuser, Excellence, lui fait-il. Sitôt que vous aurez terminé, nous signerons un contrat d’exclusivité. Je vais vous concocter un scénario dont vous me direz des nouvelles. Pour le titre, pas la peine de se surchauffer les méninges : Le plus gros zob de tous les temps. Ni plus ni moins. On annonce la couleur et on prouve ce qu’on avance. Je vais faire un malheur. On tournera un préliminaire avec un professeur de la faculté de médecine qui viendra commenter le phénomène, se porter garant qu’il n’y a aucun trucage. Tout en bidoche surchoix ! Nul traitement spécial, pas de piqûres bidon. On travaille dans le réel. On fait dans le scientifique. Vous avez La queue, quoi ! Pas seulement celle du siècle : celle de tous les temps. Un mystère de la nature.