— Vous vous rendez compte que si mes gosses n’étaient pas venues, je serais entré dans la chapelle, comme les autres années, et qu’on m’aurait coupé le kiki à moi aussi ! s’exclame Bézuquet.
Ça le renverse, pareille hypothèse. La mort des autres, il l’accepte d’assez bonne grâce, le Gastounet à sa maman ; mais la perspective de la sienne le plonge dans des indignations éperdues. Il est davantage traumatisé par le fait qu’il aurait pu être tué que par l’assassinat de ses copains.
— Vous fréquentiez les deux autres participants, c’est-à-dire le faux curé et le véritable musicien ?
— Je vous répète que Grokomak et moi, on a eu des productions en commun. Mais c’était avant qu’il se lance dans le porno.
Il pince les lèvres :
— Évidemment, quand on se trimbale un braque comme le sien, on a une carrière à faire dans le cul !
— Gastounet ! lance distraitement la retoucheuse sans cesser de regarder la prestation de Madonna dans son dernier vidéo clip.
Bézuquet hausse les épaules.
— Depuis qu’il tournait dans le « X », sa situation s’était améliorée, au Polak. Je lui jette pas la pierre, notez. Peut-être que moi aussi, si j’en avais une de trente-cinq centimètres, je chercherais à en tirer profit.
Il avoue dans un soupir :
— Mais c’est pas le cas !
Ce qui laisse supposer des bas morcifs sans gloire en ronde bosse sous sa braguette.
— Il vivait comment, votre illustre confrère ?
— Il avait toujours une gonzesse nickel avec lui. Il pouvait se permettre de tirer du beau linge ! Trente-cinq centimètres, est-ce que vous vous rendez compte ? Ça fait du pétard dans un pétard !
— Effectivement. C’est petit pour un nain, mais c’est grand pour une bite, conviens-je. Il avait des enfants ? Ça aussi, il aurait pu se le permettre avec l’outil dont vous parlez.
— Je l’ignore. Sans doute, puisqu’il était polonais, de surcroît. Mais vous savez, les mômes, c’est pas une question de membre. Regardez : moi qui suis dans les gabarits modestes, ça ne m’a pas empêché d’avoir de ravissantes petites filles !
Comme je n’ai plus grand-chose à apprendre de lui, je fais signe à Marika et nous prenons congé de cette estimable famille profondément choquée par les tragiques événements si bien décrits plus hauts.
Une fois à mon côté dans ma Maserati, Marika blottit sa chère main gauche entre les valeureuses miennes, comme pour la réchauffer. C’est un geste qui lui devient familier. Parfois, elle le pousse davantage et on ne tarde pas à stationner dans un coin discret pour laisser libre cours à nos effusions spontanées. L’amour, ça doit se déguster au débotté. Rien de plus tartignole que de bouillaver sur rendez-vous. Comment peux-tu être assuré d’être opérationnel plusieurs heures, voire plusieurs jours à l’avance ? T’as beau être un hot rabbit et t’en ressentir pour une gerce, il est des cas où l’instant te trahit. Je me souviens d’un ranque terriblement attendu avec une péteuse sublime dont je me promettais monts (de Vénus) et merveilles. Je la retrouve dans un chemin creux, derrière la propriété de son époux, la charge en souplesse dans ma tire d’alors qui, je crois bien, était une M.G. décapotable. Et que soudain : la foudre, mon pote !
Dans mes entrailles.
Juste comme elle commençait à me flatter le Nestor pour se préparer un après-midi de grand veneur ! Ça paraît con à dire. Faut oser. J’ose tout. Je suis sûr d’être absout du moment que c’est vrai ! Un embarras testinal ! À toute volée ! Sans crier gare ni autre chose ! Monumental. Vacarme ! La trombe ! Du porcelet de lait que j’avais briffé à midi et qui ne devait pas avoir l’éclat du neuf ! Rien de plus traître que le cochon de lait ! Un traquenard de mouches !
Une mémée que je chambrais depuis des infinités ! Bottes de roses, chocolats fins, coups de turlu veloutés en l’absence de son cornard. Une préparation d’artillerie phénoménale. Saboulé indescriptible ! Calamistré cave et grenier ! Briqué, oint, parfumé ! Pas un pore qui ne dégageât des effluves à dix raides la giclée ! Et médème, consentante, vaincue, offerte, la main sur mon modulateur de fréquence. Du velours. Y avait plus que l’escadrin final à gravir dans la jolie auberge style normand dégénéré, avec colombages les deux églises et gérania sur les entablements. Le champagne déjà cul en glace, sa serviette autour du col. Une fiesta capiteuse en plein ! La crampe de l’année. Des projets brodés de fantasmes.
J’avais fignolé la participation, chiadé l’orchestration : lui prodiguer des trucs pas courants, j’étais décidé. Du rarissime, de l’exceptionnel comme une extension du circuit par l’œil de bronze, par exemple. Chez les nières de la haute, je raffole. Offensées et humiliées, aurait écrit Dostoïevski. Les faire chialer du fion, ces damoches ! Qu’elles t’implorent en priant que tu les obéisses pas ! Pour, ensuite, à l’heure du thé, les regarder s’asseoir de biais sur leur chaise. S’amortir le pot endolori d’une cuisse l’autre. C’est à ces étranges savourements-là que je découvre que je dois être de gauche. La sodomie, c’est pas pour les chambrières ! Non, non, jamais, les pauvrettes ! Ça se pratique sur les gerces en Chanel, celles qu’ont le temps des bains de siège mousseux avec des bidets à leur monogramme pour la petite équitation post-coïtum.
Mais je suis là, je t’embarque. Ce besoin de tartiner, par moments, un zig aussi silencieux que moi ! Capable de rester des jours sans parler, alors que la plupart de tout le monde peut plus facilement rester des années sans lire !
J’écarte du sujet qui est cette monstre chiasse dont je fus victime lors de ce terrible après-midi réservé à la volupté. La jolie bourgeoise de Calais, pieds et poings liés, chatte à l’air et toi, Casanova, toi, Don Juan, de gargouiller comme tous les chiottes de la gare de Lyon un jour de grève tournante des durs. Et puis de plus pouvoir te contenir, et que soudain, tchlaoff ! Au tas dans ton futal Cerruti, mon ami ! À nauséabonder comme les chères vieilles pompes à merde d’autrefois ! Et la dame qui se rend pas compte illico. Qui ne peut pas croire ! Qui continue ses mamours frivoles cependant que ce con de porcelet, mort trop tôt, mais mangé trop tard, continue de te délabrer la boyasse à t’en faire rendre l’âme !
Putain, y a des moments néfastes dans l’existence. Tu peux jamais te prévoir. T’es trop organique et putrescible pour pouvoir tirer des coups sur la comète. Tu crois que tu vas sabrer comme un seigneur, mon con. Et, au lieu de ça, l’instant venu, tu chies comme une vache ! Et pourquoi souhaiterais-tu entrer à l’Académie française, après ça ? Devenir président du Rotary ou de la République ? Du moment que tu peux foirer pendant ton intronisation, le salut aux coureurs, la remise du grand cordon de sornette ombilical ? T’es tellement sûr de rien ! Juste de mourir. Et encore, ça risque de t’arriver pendant que tu claperas ta soupe, mon drôle ! Le nez dans le vermicelle brûlant, tu t’apercevras seulement de rien. C’est pourquoi, je répute le moment irremplaçable. Faut fulgurer avec lui ! Boire, loncher quand t’as le gosier ou la bitoune aptes. Tout à l’heure il sera trop tard. Je te jure qu’il sera trop tard. Pourquoi tu pleures ? Taille-moi une pipe au lieu de chialer ! Faisons comme si on s’aimait. Tu vas voir : c’est un jeu fabuleux. Trivial pursuit ! Poursuite triviale. Mais on se rattrape jamais !
Elle murmure :
— Tu sais ce que j’ai appris des petites filles, chéri ?
C’est vrai, elle a la marotte de questionner les enfants, ma Marika de rêve. Elle connaît leur langage, sait leur inspirer confiance.