Bon, soit, alors que messieurs les empafés se réjouissent ! que tous les bien intentionnés illuminent la cave malodorante de leur belle conscience : je vais m’abstenir. M’autocensurer. Pour que la décence ait gain de cause, une fois de plus ! Que la modération l’emporte avant que d’être emportée.
En tout cas, je tiens à dire à mes vrais, à mes solides, à mes féaux, à mes rudement chers qu’ils ratent quelque chose de grandiose !
Y’a pas, faut que j’aie une converse sérieuse avec mon éditeur pour trouver une formule susceptible d’arranger tout le monde. Le « Parisien Libéré » paraît bien sur deux formats, peut-être que mes zœuvres pourraient sortir en deux options, non ? On trouverait le bouquin expurgé pour les constipés, sous couverture spéciale où il y aurait marqué : « Version pour pudibonds », et puis une autre édition, totalement libre et décontrainte, pour ceux qui ne laissent pas échapper des gaz en parlant. Seulement ce serait coûteux. Attendez, j’ai une idée encore meilleure parce que beaucoup plus simple. Je vais tout bonnement prévenir mon monde avant les périodes libidineuses. On peut toujours essayer, voir ce que ça donnera. Hein ? Les timorés, les amoindris, les biscornus devront s’arrêter de lire à l’entrée du passage incriminé. Ils le sauteront et ne reprendront leur lecture que lorsque je leur donnerai le feu vert. C’est pas raisonnable, ça, dites-moi ? Y’a pas un grand souci d’équité chez San-A. ?
Bon, allons-y !
INTERDIT AUX CONNARDS
Ouf, ce qu’on est bien entre nous, pas vrai, mes mignons ? On respire mieux. On se sent du temps et de la liberté devant soi. À force, ces ahuris qui nous escortent en bramant leurs slogans bourgeois, ça devient déprimant. D’accord, ils paient leurs cotisations, mais faut pas se rendre esclave de l’argent.
Sinon on termine vite putasse au coin de la rue du Moroy qui gode. Voilà qu’on va pouvoir tout se dire sans être éclaboussé par la bave de censeurs à la little week. On n’aura plus peur qu’on nous braque les gros méchants yeux ! Notez, c’est pas les curés qui courroucent ! Eux, y me lisent bien. J’en ai des témoignages formels, dans l’ensemble, ils aiment San-A. Trouvent sa lecture chrétienne, même si elle ruisselle de mots sonores. Le malheur vient des velléitaires, comme toujours. Les amateurs-grande-âme qui veulent faire leur salut de salaud à grand renfort de malédictions. Voltaire a dit dans j’sais plus quoi, peut-être la Vie de Charles XI, roi de Suède, que la seule manière de faire parler de soi, en bien, c’est justement de le faire (le bien). Les tordus que je mentionne devraient méditer là-dessus.
Mais bref, passons aux choses sérieuses : la grande scène orgiaque promise à l’étage au-dessus. Entre nous, un jour, on s’amusera à les couillonner de première, les connards interdits de lecture. Au lieu de tartiner dans les turpitudes, on se paiera un beau morcif de bravoure vachement édifiant, que même le cardinal Chmoldu nous cloquera l’imprimatur !
Leurs noms, aux quatre donzelles, j’ai pas réussi à les assimiler parce qu’ils sont longs et qu’elles les prononcent du fond de la gorge, comme on s’apprête à glavioter. Mais moi, pas compliqué, je leur ai filé des surblazes adéquats. Il y a, en partant de la droite et en tournant dans le sens des aiguilles d’une montre : « Mèche-blonde, Langue-de-velours, Loloches-roses et Taille-de-guêpe ». Vous auriez ces quatre sujettes à exploiter dans un entresol Renaissance des Ternes, vous feriez fortune, mes gamins. Le café était carabiné. Généralement je déteste le caoua trop fort, si j’ai bu celui-ci c’est parce que, comprenant combien la soirée serait rude, je tenais à mettre tous les atouts de mon côté. Dans ces cas-là, ne jamais négliger les sources énergétiques.
Tout a démarré lorsque Langue-de-velours a cassé son collier de perlouzes. Elle a fait un faux mouvement. Un diam de son bracelet a accroché le collier. Crac ! V’la les billes nacrées qui se mettent à cascader dans la cabine. Un triple rang ! Vous mordez le désastre ! Y’en a eu de partout, brusquement. Moi, galant tome, illico (j’ai des difficultés à dire dare-dare) je plonge sous la table pour procéder à la cueillette ! San-A. dans les pêcheurs de perles ! J’ignore s’il vous est déjà arrivé de vous retrouver à croupetons sous une table fréquentée par quatre merveilleuses créatures ? Croyez-moi, les gars, ça vaut un voyage à Bali ou un gala à l’Opéra de Paris à l’époque où celui-ci était dirigé par Maurice Lehmann ! La paix des profondeurs que cause Aldous, tu parles qu’on y accède ! Quelle mirificence ! Quelle vue fascinante ! T’as beau tourner la tronche, décrire une rotation complète, de toute part, tu captes du bouleversant, de l’inoubliable ! Je touche au summum des satisfactions terrestres, mes amis ! À l’apogée des délices ! Au comble des félicités ! Au sommet de la satisfaction humaine. J’en ai connu cependant des émotions délicates ! J’ai vu la baie de Rio, au crépuscule. J’ai admiré l’abbé Pierre et ses clodo’s boys ! J’ai rencontré Charlie Chaplin ! J’ai respiré sur pied les roses d’Ispahan, j’ai entendu chanter la Marseillaise par le général Gaulle (de) ! J’ai vu un adjudant de C.R.S. cracher trois dents à la fois. J’ai caressé le capot d’une Rolls ! J’ai dégusté des mets si rares, si rares, que c’était un crime de les manger ! J’ai honoré de ma présence des centaines de filles dont les fesses avaient plus d’éloquence que Maître Floriot. J’ai entendu discourir Maître Floriot soi-même ! J’ai dîné chez Édith Piaf ! J’ai piloté une Ferrari ! Bref, je sais ce que c’est que le sublime. Et pourtant jamais, vous m’entendez bien ? Jamais je ne me suis senti pareillement transporté. Imaginez que ces délicieuses bougresses, me sachant au niveau de leurs genoux, écartent largement ceux-ci pour me faire profiter du spectacle. Il y avait concours de baisers, tout à l’heure ? Maintenant, il y a revue de détail ! Et croyez-moi, cette revue de détail, je ne la fais pas en gros. Mon regard s’attarde en des contemplations vertigineuses. Je m’engouffre de Padirac ! Je suis des vallées heureuses, sur des peaux satinées. On m’accueille ! On m’héberge déjà ! Mes mains, mes joues ! Ah ! la tiédeur infinie d’une peau de femme sur les oreilles ! Je ne voudrais jamais d’autre passe-montagne ! La seule, la vraie casquette à trappon c’est la cuisse de dame, je vous le certifie ! Les perles, dans tout ça ? Elles roulent sous mes genoux. M’en fous ! Les ramasserai plus tard. Après ! Là-haut, au-dessus de la nappe, les gonzesses gloussent. Miss Langue-de-velours abandonne sa chaise pour venir me rejoindre dans ma guitoune improvisée. Elle comprend mon émoi. Elle le touche ! Un émoi commak, les zenfants ! Vous le fouteriez dans une vitrine, après l’avoir empaillé, qu’on vous demanderait si c’est un éléphant d’Afrique ou bien d’Asie qu’en était l’heureux bénéficiaire. Faudrait un hangar à dirigeable pour le remiser ! Langue-de-velours en oublie son collier des dimanches ! Ses perles, elle les sème à tous vents, à tout va ! Moi, je me sens de plus en plus comme jamais encore ! Bien qu’à ras de plancher, j’ondoie dans les azurs ! Des musiques capiteuses me moulinent doucement les tympans. Je la cramponne de telle manière que des clébards ne nous prendraient plus pour des hommes. Y a de l’arrachage de linge préalable ! J’espère que son slip est assuré tout risque ! Ou du moins qu’elle a droit à des frais de représentation ? Comble de comble, les autres qui en ont classe de se faire visionner les intimités s’amènent à la rescousse. Nous voici à cinq sous la table ! On y grouille ! On y fourmille ! Y foisonne ! Je mérite d’être décoré de l’Ordre de la Jarretière, plus de çui de la Jarretelle. Faudrait me créer également l’Ordre du Soutien-Loloche ! Ce travail, mes pauvres atrophiés ! Les assez ri de lon vis ! Un haut-fourneau ne doit jamais s’éteindre ! Comment que je travaille du ringard ! Te leur tisonne les grilles ! Je m’en goinfre de ces dadames ! M’en repais ! Un enzyme glouton ! Je leur becte la géographie ! Leur investis les pourtours ! Bivouaque dans leur périphérie ! C’est l’ascension au septième ciel par nuage omnibus ! Cinq semaines en ballons ! Jules Verge ! À vous, mam’zelle ! Bousculez pas le mataf, y’en aura pour tout le monde ! La couleur qui sort est la couleur gagnante ! Préparer vos mises ! À cheval sur mon bidet ! Youp ! Hum : c’est bon, Banania ! Les Chansons de geste Moyenâgeuses ? Parlotte de sourds-muets rhumatisants ! Ce qu’on arrive à faire avec deux mains et dix doigts, mes Guenilles en folie ! Bouddha ? Tiens, fume ! Je me multiplie, j’ubiquite ! Quoi ? J’ai un médius qui fait rien ? Excusez, j’étais distrait ! Voilà, madame, l’erreur est réparée. Kzifra ? Battu ! Jouer sur quatre claviers à la fois, espérez un peu, c’est pas de la tarte aux quetsches ! Aimez-vous bramer ? Alors venez, y’a concert à l’Albert Hall ! Un quatuor vocal ! Que dis-je : buccal ! Les complaisantes fifilles grimpent en mayonnaise, chopent leur panard en portugais ! À force de forcer, la table se renverse ! Bzzaoûm ! On continue d’ébattre dans des reliefs ! On concasse de la porcelaine. C’est la furie furieuse ! Le spasme infernal pour flûtes et grosses caisses ! Bien le bonjour à vous ! T’en veux encore, poupée ? Tu tombes bien, c’est ma tournée ! Redistribution de biscuit ! Je cigogne au hasard ! Des vertiges me chanstiquent. J’égare d’un nichon à l’autre ! Me goure de miches ! Secoue l’une, ébranle deux autres, m’alimente de la quatrième ! J’interchange ! Farfadet ! Bondissant de la croupe et du thorax ! Me survoltant à perdre le souffle. Vous suivez, mes chéris ? Vous voyez qu’on a bien fait de dire aux cornichons de sortir. Vous vous rendez compte comme ils peigneraient, claudiqueraient, sueraient, maugréeraient, perdraient le contact, les amoindris, les bougreux, les frileux ; tous ceux dont le cerveau sonne pas libre, ceux qui mamellent de la France, ceux qui s’astreignent à contraindre et ceux qui sont contraints d’astreindre ? Belle lulure qu’on les aurait semés. Qu’ils trépigneraient leurs vaindications au fond de l’horizon, nos orageux, nos aqueux sans queue ni tête, sans queue qu’on traite. Bon débarras pour un moment d’instant ! Bye-bye, les cloportes malheurs ! Tchao de pisse et balai de crin !