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Moi, j’sais pas si c’est infernalité de l’exploit qui m’amène en bordure de syncope, ou si la chaleur communicative des blanquettes me déconnecte, toujours est-il qu’au bout d’une plombe de ce trafic, alors que mes aimables partenaires ont déjà fait leur plein d’ivresse, d’amour, de délices et d’orgues, j’ai brusquement l’impression merveilleuse de devenir pur esprit ! Je me décaude, pour ainsi dire ! Parviens en état d’apesanteur ! Plus rien n’est réellement réel, comprenez-vous ? Tout est sujet à caution ! Je doute de nous cinq, de l’instant, de la vie même ! D’ultimes avidités me conduisent encore jusqu’à des reliquats de fade ! Je parcimonise par constance professionnelle. Un petit chouille de ci, un petit chouille de là, pour la finir. Parce qu’une fois débouché ça s’évente ! Ça perd son bouquet ! Des bribes de caresse ! Des bisouilleries sans emportement ! Des caresses style jugule-frissons ! Je calme les derniers spasmes comme on achève d’apprivoiser un animal rétif ! Les désirs s’assoupissent !

Moi aussi !

FIN D’INTERDICTION AUX CONNARDS

Les patates, les locdus, les manches, les branques, les turpides, les insignifiants, les sans-importance, les diminués mentaux, les négligeables, les grinçants, les catastrophés, les verrouillés de la coiffe, les non partants du calbar, les effrayés, les effrayants, les qu’ont-qu’eux-en-tête, les sempiternels, les malséants, les pauvres d’eux, les inopportuns, les chiatoires, les déclamateurs, les coupeurs de paragraphes en quatre, les sinistres sinistrés, les crétins, les verts baveurs, les vers galeux, les mal torchés, les torchonneurs, les brutes et leurs camarades, tous ceux qui bougonnent, ceux qui fréquentent les maisons d’intolérance, ceux qui prennent le jour pour l’ennui, ceux qui prennent les putains pour des putes, ceux qui mangent froid pour ne pas se brider, ceux qui convolent bas, ceux qui, enfin, font à l’existence cette fâcheuse, cette effrayante réputation, peuvent de nouveau regagner ce livre en serrant bien la file de droite pour ne pas gêner le débit des rapides. La pénétration sur les voies à grande circulation est toujours délicate et dangereuse.

Merci de votre attention.

Bientôt, chers vous tous et néanmoins amis[24], après la forte dépense physique dont certains ont eu vent, je dors à cerveau fermé.

Mais est-ce du sommeil, de l’épuisement, ou…

Ou autre chose ?

CHAPITRONZE

C’est beau un rêve, quand il est beau.

Mais je me méfie. Les plus chatoyants, les plus gracieux, les plus voluptueux finissent par tourner au cauchemar, tant il est vrai que dans notre concept de la vie, le mal ne peut rester longtemps isolé du bien.

Ainsi, cet archange sublime, blond comme la Bauce en été, qui me sourit à travers des vapeurs bleutées, s’éloigne-t-il de moi, dans un voletis onctueux. Ses plumes blanches régénèrent de leur battement l’air ambiant. Et puis un vilain démon se pointe, qui a la frime sévère, rogneuse, de Mac Heckett.

— Il paraît que vous avez repris connaissance, Sané ?

Il a rien de céleste, le Sup’ Sa bouille contient mille menaces et davantage encore de louches rancœurs. Tiens, il a changé de costar depuis tout à l’heure… Peut-être parce que « tout à l’heure » remonte à hier ? Bien sûr… À preuve : il fait grand jour… Mon cerveau doit ressembler à une louche de caviar étalé sur une tranche de pain beurré. Il est désarmé et fait la colle. Il poisse et me complique la vie. Ainsi du cerveau d’un accidenté pour qui le monde a basculé. Ma perception des réalités ne se superpose plus idéalement avec la réalité. Ça produit des bavures, des faux traits…

— Oh, c’est vous, Mac, articulé-je cependant, dopé par la force de la routine.

Ma langue me paraît plus grosse que ces énormes menteuses de bœuf alignées sur le marbre blanc des triperies. Elle emplit toute ma bouche. Je voudrais pouvoir l’arracher : il me serait plus facile de m’exprimer après cette ablation.

Le superintendant me fouille d’un regard en vrille, suspicieux et mauvais. Il ne parle pas, mais son silence produit des espèces de bulles fétides qui éclatent à la surface de ses yeux.

— Où suis-je, Mac ?

— Au St Stephens Hospital.

— Je suis blessé ?

L’inquiétude, illico ! L’homme craint tellement pour sa bête. Y’a panique générale dans ma bidoche ! État d’alerte. La trouillance carillonne par tous mes pores.

— Non, vous n’êtes pas blessé.

— Malade, alors ?

— D’une drôle de maladie ! J’ignorais que vous vous piquiez, Sané, et que vous supportiez si mal !

— Comment ça, « je me pique » ?

— Sauf votre respect, la peau de vos cuisses ressemble à la peau de vieux dindon coriace, du genre de ceux qu’il faut plumer avec des tenailles et qu’on sert à Noël dans des public schools modestes.

D’un geste mou des jambes je refoule le drap. Incliner la tête nécessite un gros effort. J’y parviens cependant. Il dit vrai. La face extérieure de mes jambons est constellée de petits trous. Certains sont rouges, d’autres sont bruns… M’est avis qu’on m’a confectionné ça avec des aiguilles de grosseurs différentes dont certaines devaient être chauffées à blanc et d’autres enduites d’acide afin de créer des traces d’injections faussement anciennes.

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24

Ce que je peux être hypocrite, par moment.