C’est bien la caquerie en tube, non ! Je suis le seul à ignorer ce dont il s’agit, comme n’importe quel cocu de parmi vous !
Hivy Danhladesh savait.
Le gros Tanhnahunecomça sait !
Mais le gars San-A., lui, il inscrit pomme-vapeur et nibe d’oseille à son menu !
Je décide que demain il fera jour, et je me rendors.
Pas pour longtemps, mes bougresses.
Pas pour longtemps !
Un nouveau bruit, presque pareil au premier. La porte ouverte et refermée !
Un glissement, léger…
Décidément, cette chambre est plus fréquentée que la salle des pas perdus de Saint-Laguche.
Réveillé, je cramponne une nouvelle fois mon Cartier. La répétition engendre l’habitude. Bientôt, au rythme de ces visites, je vais ressembler à la statue de la Liberté !
Cette fois, il s’agit d’une dame.
La princesse motocycliste.
Elle a troqué sa combinaison d’amazone de la vitesse contre une espèce de chemise de nuit vaporeuse.
Qui la nimbe !
Je voudrais avoir à ma disposition un projecteur de D.C.A. afin de la mieux admirer. Je rapproche mon briquet de sa plaisante personne.
— Vous allez mettre le feu à mes voiles, objecte-t-elle doucement.
Est-elle venue me proposer une transaction, elle aussi ?
— Vous ne m’en voulez pas de vous importuner en pleine nuit ?
— M’importuner, belle princesse, alors que je crois faire le plus fabuleux des rêves ! me récrié-je comme dans un ouvrage de Mme Camille Marbo. Pardonnez-moi de ne pas me lever pour vous accueillir, mais j’ai l’habitude de coucher nu !
— Comme je vous comprends ! soupire la princesse Çavajéjoui en ôtant sa chemise de nuit.
Je commence à comprendre que l’affaire qu’elle a à me proposer n’a rien de commercial.
Banco : je suis prêt à traiter !
Faut que je vous fasse un n’aveu : c’est ma première princesse.
Je me suis déjà étalonné des duchesses, des comtesses, une marquise, quelques baronnes entre deux portes, mais une véritable princesse, jamais.
Parole d’homme, ça me fait un certain petit quéque chose malgré mon tempérament foncièrement démocratique.
Aussi je décide d’être à la hauteur.
Çavajéjoui a beau pratiquer le dur sport qu’est la motocyclette, elle n’en est pas moins princesse hindoue, aussi ressens-je quelque inquiétude sur l’art de lui donner son taf de reluisance. En amour, y a des cloisonnements. Tu calces pas une soubrette de la même façon qu’une dame patronnesse, ni une religieuse comme la femme du notaire. C’est le sens de ces nuances qui fait qu’un julot bien braquemardé et pas feignasse au sommier peut se prévaloir d’un diplôme de Casanova-tous-terrains.
Tu trouves de bons calceurs, en France, certes, mais dont les prouesses se cantonnent à la bouillave hexagonale. Le tendeur d’exportation est plutôt rare. Un gus moyen, quand il torchonne en des lits étrangers, il reste folklorique. C’est du produit made in France, au même titre que le Saint-Emilion ou le nougat de Montélimar. Un trousseur français, de classe internationale, faut le trouver. Le mâle de chez nous, il est à marottes, comprenez-vous ? Il a ses petites combines, ses trucs, pis : ses habitudes !
Ce qui lui manque, en fait, comme à tant d’hommes, c’est l’envergure ! Car, parlons net : l’acte n’est qu’un épisode de l’acte. Le gars valable au coït est, neuf fois et demie sur dix, lavedoche infâme dans les pré et les postfaces. Pressé de commencer et de finir. Puis, d’en finir ! Terrible ! La dadame déteste. C’t’un casse-ambiance, ce guignol-là. Un saboteur d’extase. Il « désorganise ». Tandis que le calceur de first classe, lui, se consacre aux préambules avec autant de feu qu’au décisif. Il fignole ses conclusions, ses attendus. N’en finit pas de finir. N’oubliez pas que les grands cavaleurs, une fois la chevauchée terminée, bouchonnent leur bourrin. Le bichonnent d’une poignée de paille. C’est cela qui manque à l’infinité des mâles : la poignée de paille terminale. Eux, pourceaux atroces, remballent Coquette, allument une cigarette, regardent l’heure et s’inventent un rendez-vous express. Imaginez un violonard virtuose qui toucherait la corde qu’il vient de caresser pour en stopper net les vibrations ! Impensable, hein ? Ben, le Nénesse, voilà sa méthode. Il fait « Cliiiing, beug », au lieu de faire « Cliiiiin iiiin nnnnn ggggggg » avec ce délicat instrument qu’est la femme[23].
Cette tartine pour vous donner la mesure de ma volonté d’être à l’hauteur.
« Te presse pas, Tonio, m’exhorté-je. Du calme, de la maîtrise. Respire lentement. T’emballe pas du pulsatif. Fais comme si tu lisais le Monde. B… à tête reposée, Mec. Commence piano… Tiens, pratique-lui le taille-crayon Gibbs, comme mise en train. Elle est sûrement réactive des loloches, mam’selle la princesse. Effectivement, elle apprécie. Ça lui ronronne dans tout le bustier. Je la ponctue de l’acupuncteur farouche. Je lui siffle une touche sud avec deux doigts. L’ultra-son malgache, ça s’appelle dans la Rousse médicale. Ensuite je lui fais la patte de homard agressive : le pouce dans la chapelle ardente, le médius dans la crypte et tu fais la pince à billet de Rothschild (un descriptif avec planches en couleur est sous-presse, retenez-le d’ors et d’orgeat chez votre pharmacien inhabituel). Pour continuer les festivités : la tondeuse à gazon, mes fils. Ces Hindoues, c’est duveteux pire que les autres brunettes du globe. Alors là, une vraie apothéose sensorielle pour miss Princesse. Elle a tout le derme en fête, cette beauté ! Même quand elle chevauche sa péteuse, elle éprouve rien de comparable. Aussi est-ce à une souris pantelante que j’interprète « À toi, Jumbo ! ou les tromperies d’un éléphant rose » ! Heureusement que je l’ai préliminée car elle n’est pas d’un naturel spontanément accueillant, en ce qui con cerne. Me fait penser à un bouquin d’André Gide. La satisfaction de votre serviteur n’en néné que plus intense.
Je libine pas trop, au moins, non ? Faudra que, pour une fois, je relise mes épreuves (c’en est toujours une rude pour moi). Je veux bien cerner la vérité au plus près, mais surtout pas dépasser la dose prescrite. Tout ça, à cause de mon éditeur, vous le savez. Ça ne tiendrait qu’à moi, j’irais à fond dans le descriptif. Je porterais le lecteur au rouge, au violacé. On livrerait mes polars avec une serpillière en prime. Enfin quoi, c’est ainsi, résignons-nous. L’homme, dès le berceau, est happé par le système des brimades. Il va de désirs en soumissions, jugulant ses assouvissements. Il s’éduque la convoitise, de manière à faire entrer ses envies dans le cadre des tolérances. Maintenant il est à peu près dressé. La tentation n’est plus qu’une conjoncture.
Bref, je poursuis allègrement la princesse Çavajéjoui de mes assiduités et m’évertue à assurer le prestige de la France. À ce propos, on n’devrait jamais voyager sans avoir un drapeau dans son baise-en-ville.
Voyez les Amerloques, par exemple. L’idée vous serait venue, à vous autres, partant pour la Lune, d’emmener un drapeau alors que la croisière revient à je ne sais combien de centaines de millions le gramme de bagage ? Non, hein ? Ben eux, z’y ont pensé. En ce moment, y a des Martiens ou des Vénutiens qui regardent la bannière étoilée en se grattant le crplstzyth[24] et qui se demandent à quoi que ça sert. Et que voudriez-vous leur répondre ? Eux, ils sont Martiens tout autour de Mars. Ils pourraient pas comprendre. Même, ayant compris, ils ne voudraient pas croire à l’esclavage de la connerie terrestre. C’est coton de faire admettre aux autres que les locataires de la planète Terre ne sont pas Terriens, mais Américains, Chinois, Ivoiriens, Hollandais et conconsort ! Vous savez que j’en frissonne d’y songer ! Que ça me fait préalablement tarter la perspective d’être enterré un jour ! Mon ultime soupir poussé, je voudrais qu’ils me filent dans une capsule Apollo 1000 ou Apolochon et me tirent dans le cosmos. Que j’aille valdinguer dans l’infini pour l’éternité (ensuite on aura toujours le temps de voir). Cette délivrance, madoué ! Au revoir et merci ! Bonsoir, m’sieurs dames, amusez-vous bien !
24
Ça veut dire « front » en cosmique moderne, mais ça ne s’écrit pas de cette façon vu que l’alphabet intersidéral diffère sensiblement du nôtre.