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— Alors, la came, c’était pour lui ?

— Oui. Il voulait avoir une provision pour s’assurer de ne jamais être en manque. Malheureusement, nous n’avons pu souscrire à cette exigence. Il a donc traité, sans que je le sache, avec les représentants des maharajahs. En échange de vingt kilos de drogue, il acceptait de leur céder un échantillon de son produit. Une fois celui-ci expérimenté, il aurait traité avec eux.

Ma pensée caracole.

— Mais alors, Vahé, si cet échange se faisait avec la complicité du goal de l’équipe hindoue de hockey sur glace, pourquoi venait-il en personne et sous une fausse identité au Bandzob ?

La ravissantissimissime a plusieurs crispations de mâchoires avant de répondre.

— Parce que Célestin Merdre était à la fois un génie et une canaille cupide, et qu’il avait décidé de traiter avec les deux partis à la fois pour ramasser une fortune colossale (et non déclarée).

— Voualà biscotte il a dit « C’est ma faute » quand le chauffeur y a annoncé que son chiare venait d’êt’ rectifié, rappelle Béru.

— C’est vrai, Gros, tout s’explique. Tu comprends, les gens des maharajahs viennent procéder à l’échange : came contre échantillon. Au début ça se déroule selon le plan convenu : Jacques assomme le goal. De faux infirmiers l’emmènent. Seulement y a de l’eau dans la tuyauterie de gaz : nous. La bagnole de Pinuche cause l’accident auquel tu as assisté. Pour le coup, la combinaison pleine de came n’arrive pas à destination. Or, Jacques Merdre devait livrer l’échantillon après la réception de l’héroïne. Un coup de fil à l’usine — où se rendaient les faux brancardiers et « leur blessé » — lui apprend que l’équipage n’est pas arrivé. Soucieux de ne pas être floué, Jacques refuse de remettre l’échantillon à ceux qui l’attendaient. Il enfourche sa moto et file aux laboratoires. Du coup, les gens de la bande qui eux aussi ignorent l’accident, se croient également baisés en canard et emploient les grands moyens.

« Histoire de fous !

— Signée Pinuche, ricane le Gros. Sans sa voiture à la mords-moi le carburateur… Bon, dites, tout ça devient net, mais je voudrais savoir pourquoi vous nous avez joué ce vilain tour quand t’est-ce on s’est pointés chez Césarin ?

Vahé secoue la tête :

— Je ne vous ai pas crus quand vous avez prétendu être des policiers !

— À cause ? s’étonne Bérurier.

Elle nous couvre de son regard ardent, pathétique.

— Ni l’un ni l’autre ne ressemblez à un policier, assure-t-elle en se retenant de sourire. Alors j’ai eu peur. Vous m’annonciez la mort de Célestin Merdre que je croyais dans la pièce du dessous. J’ai pensé au système d’électrification que Jacques avait fait aménager et dont il se servait pour son entraînement. Un procédé canadien, paraît-il… Je me suis comportée avec vous comme si vous étiez des tueurs à gages.

— Et vous nous avez drôlement possédés, mon petit ; comme j’sus beau joueur, je vous tire mon bitos !

Alexandre-Benoît cligne de l’œil et ajoute :

— C’est vrai, M’selle Vahé, que vous faites partie des Intouchables ?

La jeune fille acquiesce farouchement.

— C’est vrai, dit-elle. Et je m’en vante !

Le Gravos éclate de rire.

— Intouchable, pouffe-t-il ! Intouchable… Avec San-Antonio, ça m’étonnerait que vous le restiez longtemps !

Un ange passe.

Il précède l’avion que nous attendons, et dont nous commençons à percevoir le ronron, au loin…

— Je me demande bien ce qu’est devenu l’échantillon d’obésidon, dis-je, manière de remettre la converse sur sa rampe de lancement. Si les tueurs de Jacques se l’étaient approprié, Tanhnahunecomça ne m’aurait pas proposé un viaduc d’or en échange du produit…

ABOMINABLE CONCLUSION

— Vite ! Vite ! m’sieur l’inspecteur !

En nous voyant débouler dans la cour de la Grande Cabane, le brigadier Poilala s’est littéralement rué sur notre taxi. Un léger salut militaire et il a clamé son « vite-vite ».

Cela s’adresse à Bérurier, vous l’avez compris, sinon il aurait crié « vite, vite, monsieur le commissaire ».

— Je pressens une catastrophe ! balbutie Béru.

— P’t’être pas, mais ça y ressemble, renchérit le brigadier, c’est Mâme Bérurier votre épouse qu’appelle toutes les heures de chez votre cousin d’Embourbe-le-Petit pour demander qu’on vous joint, comme quoi faut que vous allassiez d’urgence la trouver rapport à des faits d’une importance primordiale.

— Elle a pas précisé lesquels sont-ce ? demande le Mastar.

— Non, mais sa voix était de plus en plus anxieuse.

Mon ami se met à claquer du râtelier.

— Madoué, qu’est-ce il a pu arriver ? Tu viens avec moi, San-A. ?

On n’abandonne pas un frère dans l’angoisse. J’ordonne au bahut de foncer sur l’autoroute de l’ouest.

Le cousin Évariste derrière une méchante moustache rousse… Sa femme, une punaise blette… La tante sourde, le grand-père paralysé, Berthe, très pâle, avec des yeux cernés… Marie-Marie pas fiérote non plus…

Tout ce monde est terré dans la cuisine au moment où notre G7 stoppe devant le seuil de la ferme.

Bérurier se précipite.

Regarde sa famille atterrée.

— Eh ben ? chevrote le digne inspecteur, eh ben quoi ? En v’là des manières d’affoler l’homme. M’avez tous l’air d’attaque dans le patelin !

— Ah, tu trouves ?

C’est le cousin Évariste, rogue, teigneux…

— Entrez tous et fermez vite la porte, cré bon gu ! nous houspille-t-il.

On obéit, sans comprendre.

Il prend le brandillon de son gros cousin et l’entraîne jusqu’à la fenêtre de derrière, celle qui donne sur les champs.

— On a l’air tous d’attaque, hein ? Et ça, alors ? explose le nabus.

Bérurier regarde et pousse un cri. Je m’approche.

Drôle de zoo. Inquiétant ! On se croirait devant une gravure de Gustave Doré.

— Vous élevez des autruches ? je demande…

— C’est pas des autruches, c’est des poules ! fulmine Évariste.

— Hein !

— Faitement !

— Et ces grands vautours ?

— Des corbeaux !

— Et ces gros serpents ?

— Des vers de terre !

Nous hochons la tête devant les monstres qui grouillent dans le champ.

— Qu’est-ce que ça veut dire ? murmure Bérurier. Y s’passe quoi donc dans ton esploitation, Variste ?

Le moustachu crache à terre, écrase les éventuels bacilles du pied pour empêcher qu’ils se changent en crabes géants et déclare :

— Y s’passe que ta vaurienne de nièce a mis dans le pré j’sais pas quelle saloperie dont les bêtes que voilà ont bouffé. Depuis, elles grossissent d’heure en heure !

— C’est pas une saloperie, c’est une tenue d’hockeyeur ! proteste la Mômasse. T’te rappelles, Santonio, je t’avais demandé la permission de l’emporter. J’en ai fait un épouvantail, regardez… Mais à peine que je l’ai eu placée sur deux bâtons, toutes les bêtes se sont jetées dessus.

Miss Tresses me désigne l’épouvantail. Il est en haillons. Alors je pousse un grand cri.

— Triple con ! m’exclamé-je.

— Dites donc, rechigne Évariste, c’est à moi que ça s’adresse ?

— Non, mon pauvre ami, à moi…

Je me battrais !

M’invectiverais… Car cette tenue, mes amis, sur le moment, j’ai cru que c’était celle de Jacques Merdre. Je n’ai pas pris garde à ses couleurs. Or il se trouve que c’était une tenue indienne !