je désire de toutes mes forces, aujourd'hui, est au-CŒSONIA
dessus des dieux. Je prends en charge un royaume où l'impossible est roi.
II faut dormir, dormir longtemps, se laisser aller et ne plus réfléchir. Je veillerai sur ton sommeil. À ton CŒSONIA
réveil, le monde pour toi recouvrera son goût. Fais servir alors ton pouvoir à mieux aimer ce qui peut Tu ne pourras pas faire que le ciel ne soit pas le ciel, l'être encore. Ce qui est possible mérite aussi d'avoir qu'un beau visage devienne laid, un cœur d'homme insensible.
sa chance.
CALIGULA
CALIGULA, avec une exaltation croissante.
Mais il y faut le sommeil, il y faut l'abandon. Cela Je veux mêler le ciel à la mer, confondre laideur et n'est pas possible.
beauté, faire jaillir le rire de la souffrance.
CŒSONIA
CŒSONIA, dressée devant lui et suppliante.
C'est ce qu'on croit au bout de la fatigue. Un temps Il y a le bon et le mauvais, ce qui est grand et ce qui vient où l'on retrouve une main ferme.
est bas, le juste et l'injuste. Je te jure que tout cela ne changera pas.
CALIGULA
Mais il faut savoir où la poser. Et que me fait une CALIGULA, de même.
main ferme, de quoi me sert ce pouvoir si étonnant si Ma volonté est de le changer. Je ferai à ce siècle le je ne puis changer l'ordre des choses, si je ne puis faire don de l'égalité. Et lorsque tout sera aplani, l'impossi-que le soleil se couche à l'est, que la souffrance ble enfin sur terre, la lune dans mes mains, alors, décroisse et que les êtres ne meurent plus? Non, peut-être, moi-même je serai transformé et le monde Cœsonia, il est indifférent de dormir ou de rester avec moi, alors enfin les hommes ne mourront pas et éveillé, si je n'ai pas d'action sur l'ordre de ce monde.
ils seront heureux.
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Caligula
Acte I, Scène XI
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CŒSONIA, dans un cri.
Et toi, Cœsonia, tu m'obéiras. Tu m'aideras tou-Tu ne pourras pas nier l'amour.
jours. Ce sera merveilleux. Jure de m'aider, Csesonia.
CALIGULA,
CŒSONIA, égarée, entre deux coups de gong.
éclatant et avec une voix pleine de rage Je n'ai pas besoin de jurer, puisque je t'aime.
L'amour, Csesonia! (// l'a prise aux épaules et la secoue.) J ' a i appris que ce n'était rien. C'est l'autre CALIGULA, même jeu.
qui a raison : le Trésor public ! Tu l'as bien entendu, Tu feras tout ce que je te dirai.
n'est-ce pas? Tout commence avec cela. Ah! c'est maintenant que je vais vivre enfin ! Vivre, Cœsonia, CCŒSONIA, même jeu.
vivre, c'est le contraire d'aimer. C'est moi qui te le dis Tout, Caligula, mais arrête.
et c'est moi qui t'invite à une fête sans mesure, à un procès général, au plus beau des spectacles. Et il me CALIGULA, toujours frappant.
faut du monde, des spectateurs, des victimes et des Tu seras cruelle.
coupables.
CŒSONIA, pleurant.
// saute sur le gong et commence à frapper, sans arrêt, à coups redoublés.
Cruelle.
Toujours frappant
CALIGULA, même jeu.
Faites entrer les coupables. Il me faut des coupa-Froide et implacable.
bles. Et ils le sont tous. {Frappant toujours.) Je veux qu'on fasse entrer les condamnés à mort. Du public, je CAESONIA
veux avoir mon public ! Juges, témoins, accusés, tous Implacable.
condamnés d'avance! Ah! Cœsonia, je leur montrerai ce qu'ils n'ont jamais vu, le seul homme libre de cet CALIGULA, même jeu.
empire !
Tu souffriras aussi.
Au son du gong, le palais peu à peu s'est rempli de Cœsonia
rumeurs qui grossissent et approchent. Des voix, des bruits d'armes, des pas et des piétinements. Caligula Oui, Caligula, mais je deviens folle.
rit et frappe toujours. Des gardes entrent, puis Des patriciens sont entrés, ahuris, et avec eux les sortent.
gens du palais. Caligula frappe un dernier coup, lève Frappant.
son maillet, se retourne vers eux et les appelle.
66
Caligula
CALIGULA, insensé.
Venez tous. Approchez. Je vous ordonne d'approcher. (// trépigne,) C'est un empereur qui exige que vous approchiez. (Tous avancent, pleins d'effroi.) Venez vite. Et maintenant, approche Cœsonia.
// la prend par la main, la mène près du miroir et, du maillet, efface frénétiquement une image sur la surface polie. Il rit.
Plus rien, tu vois. Plus de souvenirs, tous les visages enfuis! Rien, plus rien. Et sais-tu ce qui reste.
Approche encore. Regarde. Approchez. Regardez.
ACTE II2
// se campe devant la glace dans une attitude démente.
CJESONIA, regardant le miroir, avec effroi.
Caligula !
Caligula change de ton, pose son doigt sur la glace et le regard soudain fixe, dit d'une voix triomphante :
CALIGULA
Caligula.
RIDEAU
SCÈNE PREMIÈRE
Des patriciens sont réunis chez Cherea.
PREMIER PATRICIEN
Il insulte notre dignité.
MUCIUS
Depuis trois ans !
LE VIEUX PATRICIEN
Il m'appelle petite femme ! Il me ridiculise. À mort !
MUCIUS
Depuis trois ans !
PREMIER PATRICIEN
Il nous fait courir tous les soirs autour de sa litière quand il va se promener dans la campagne '
DEUXIÈME PATRICIEN
Et il nous dit que la course est bonne pour la santé.
70 Caligula
Acte II, Scène Il
71
MUCIUS
DEUXIÈME PATRICIEN
Depuis trois ans !
Un cynique.
LE VIEUX PATRICIEN
TROISIÈME PATRICIEN
Il n'y a pas d'excuse à cela.
Un comédien.
TROISIÈME PATRICIEN
LE VIEUX PATRICIEN
Non, on ne peut pardonner cela.
C'est un impuissant.
QUATRIÈME PATRICIEN
PREMIER PATRICIEN
Depuis trois ans !
Patricius, il a confisqué tes biens ; Scipion, il a tué ton père; Octavius, il a enlevé ta femme et la fait Tumulte désordonné. Les armes sont brandies. Un travailler maintenant dans sa maison publique ; Lepi-flambeau tombe. Une table est renversée. Tout le dus, il a tué ton fils. Allez-vous supporter cela ? Pour monde se précipite vers la sortie. Mais entre Cherea, moi, mon choix est fait. Entre le risque à courir et impassible, qui arrête cet élan.
cette vie insupportable dans la peur et l'impuissance, je ne peux pas hésiter.
SCÈNE II
SCIPION
En tuant mon père, il a choisi pour moi.
CHEREA
PREMIER PATRICIEN
Où courez-vous ainsi ?
Hésiterez-vous encore ?
TROISIÈME PATRICIEN
Au palais.
TROISIÈME PATRICIEN
Nous sommes avec toi. Il a donné au peuple nos CHEREA
places de cirque et nous a poussés à nous battre avec J'ai bien compris. Mais croyez-vous qu'on vous la plèbe pour mieux nous punir ensuite.
laissera entrer?
LE VIEUX PATRICIEN