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— Deux, ajoute Séverin en découvrant ses impressionnantes canines : rassure-toi, nous toucherons à tout, sauf à tes cheveux !

J’aurais trouvé sa tentative d’humour poilante, dans d’autres circonstances !

Bon sang…

À part un miracle, je ne vois pas trop ce qui pourrait me chauver – euh, me sauver (ceci constituant un ultime et pathétique trait d’esprit en guise d’épitaphe…).

Post-it

Un stagiaire de l’Association, dans les temps heureux, prend des leçons ; dans les temps critiques, il en donne.

10

Voyons les choses en face : les carottes sont cuites.

Je suis menotté, il y a un mur derrière moi et l’accès au sous-sol a été condamné par Siyah. Je n’ai plus ma sacoche (de toute façon, sans l’usage de mes mains, elle ne m’aurait pas servi à grand-chose), ma bague est déchargée, mon collier protecteur ne me protège que de la magie et la gourmette fafnirienne est au fond de ma poche.

La situation n’est pas brillante.

Si on ajoute un vampire de deux mètres et un loup-garou d’un mètre (de large) qui marchent vers moi d’un pas décidé pour me zigouiller, cette situation devient carrément ingérable.

— Je suis sûr qu’il y a un moyen de s’arranger, je dis en reculant.

Parler est, pour l’instant, ma seule option. Je précise « pour l’instant » parce que après quelques coups dans la tronche, je ne pourrai même plus faire le malin.

Ni Séverin ni Trulez ne semblent disposés à me répondre. Cette fois, ce n’est pas mon baratin qui me sauvera.

Mon cerveau mouline à toute allure.

Un pentacle que je tracerais avec les orteils ? C’est pas le pied. Un sortilège lancé à l’improvisade en langage sacré ? Ça craint. Faire venir Fafnir ? C’est pas dans la poche.

Je prends conscience, brutalement, de ma vulnérabilité. Je suis un magicien de pacotille ! Sans ingrédients et sans préparation, je ne vaux pas un clou.

« Alors, tu trouves ?

— Je trouve quoi, Ombe ?

— Eh bien, un moyen pour nous sortir de là !

— J’y travaille, ma vieille, j’y travaille. »

Tu parles. On va y passer, oui !

C’est au moment où je touche à mon tour le fond (mon dos heurte le mur de l’impasse) qu’interviennent deux événements majeurs.

Premier événement : je sens la chaleur m’envahir.

Une chaleur bienfaisante, régénérante, qui se diffuse dans toutes les molécules de mon corps. Mes vêtements donnent l’impression de se consumer, dégageant une épaisse fumée grise, semblable à du brouillard.

Le vampire et le lycan arrêtent net leur progression, une expression inquiète sur le visage.

Une force étrange émane de moi. Je bande mes pauvres muscles de musicos réfractaire à toute forme de sport et, sans effort, brise les menottes qui m’emprisonnent. Elles tombent au sol, à la limite de la fusion.

Je fais craquer mes articulations et un sourire me vient, qui fait reculer les deux monstres.

Je ne m’étonne pas.

Tout me semble parfaitement normal.

N’ai-je pas déjà fait la course avec une meute de loups ? Terrassé une centaine d’ennemis ? Nagé au milieu de poissons autrement plus gros que ces deux minables ?

J’éclate d’un rire féroce.

Deuxième événement : alors que Séverin et Trulez, terrorisés par mon rire, détalent, plusieurs individus surgissent à l’entrée de l’impasse.

Je distingue quatre énormes silhouettes et deux autres beaucoup plus graciles.

Le temps de comprendre ce qui se passe et l’impression de chaleur – de puissance – disparaît.

Me laissant avec de vagues souvenirs rougeâtres et un mal de crâne monstrueux.

« Impressionnant, Jasp, le coup de la fumée et des menottes.

— Je n’ai rien fait, c’est venu tout seul. Tu expliques ça comment ?

— On s’en fout. Le principal, c’est qu’on s’en soit tirés. »

Je ne suis pas tout à fait d’accord. Moi, j’aime bien comprendre…

— Qu’est-ce qui m’arrive ? je soupire en me penchant et en ramassant les menottes encore chaudes, tordues par l’exposition à une chaleur intense.

« Gaffe ! Il y a du monde qui arrive, Jasp ! »

Effectivement, les nouveaux venus se sont approchés. Des loups-garous !

Mais ils se désintéressent totalement de moi, préférant encercler Trulez et Séverin.

« Merde…

— Qu’est-ce qu’il y a, Ombe ?

— Le lycan, là, avec les yeux bleus…

— Ne me dis pas que…

— C’est Nacelnik.

— L’ennemi juré de Trulez !

— L’amour de ma vie…

— Les autres, ce sont des garous de son clan ?

— Oui. Comment sont-ils arrivés jusqu’ici ?

— La réponse est à l’entrée de l’impasse, Ombe, contre le mur. »

Là-bas, dissimulés dans l’ombre, un blondinet à tête de fayot, Jules, Agent stagiaire, tient contre lui une ravissante rousse aux yeux verts.

— Nina, je murmure en me dirigeant vers elle, dans l’indifférence des lycans et du vampire immobiles, sans ajouter « l’amour de ma vie », parce que des amours, dans ma vie, il commence à y en avoir pas mal…

— Jasper ! s’exclame Nina en m’apercevant et en quittant les bras de Jules pour se jeter dans les miens. On avait peur d’arriver trop tard !

Je ferme les yeux pour profiter pleinement de son parfum et du contact de son corps contre le mien.

— Comment vous avez su où j’étais ? je finis par demander, à regret, brisant la magie des retrouvailles.

— C’est Jules, dit-elle simplement.

Je me tourne vers le garçon qui me regarde avec insolence. Je hoche la tête, pour le remercier.

— Jean-Lu ! Comment va-t-il ? je m’enquiers.

— Bien, rassure-toi. Il est à l’hôpital. J’ai dit aux secours qu’il avait glissé dans l’escalier. Il a lui-même confirmé l’histoire lorsqu’il a repris connaissance.

— Et… il ne m’en veut pas trop ?

— Je ne suis pas restée assez longtemps pour le savoir. On est partis tout de suite, avec Jules.

— J’en déduis que Jules possède un certain talent pour pister les gens, je dis.

— Un talent certain, intervient le garçon avec un grand sourire.

J’hésite à l’apprécier ou à le haïr.

D’un côté, il est venu à mon secours.

De l’autre, il fait des jeux de mots foireux, et, à la façon dont il regarde Nina, je comprends qu’un rival autant qu’un collègue se tient devant moi.

— Les garous ? je continue, ne pouvant refréner ma curiosité. Par quel miracle…

— En fait, explique Jules, quand on t’a trouvé, tu étais dans cette ruelle avec un sale type habillé en noir, un vampire et un garou, en fâcheuse (pour ne pas dire faucheuse !) posture. On a vite compris, Nina et moi, qu’on ne pourrait rien faire seuls.

— Alors on est allés chercher du secours, poursuit Nina. On sait que les loups-garous n’aiment pas les vampires. On a repéré un lycan et on a joué les idiots ! On lui a dit qu’un type avec des dents bizarres se battait avec un autre qui grognait comme un loup, dans une ruelle, et qu’il fallait appeler la police.

— Vous n’avez pas utilisé votre carte d’Agent ? je m’étonne.

— Ben, la carte, c’est un peu la roulette russe, se justifie Jules. On a autant de chances d’obtenir une aide que de s’attirer des problèmes.

— Je suis bien d’accord avec toi, je soupire. Comment le lycan a réagi ?