Выбрать главу

— Ne t’inquiète pas, je la rassure. Je me battrai jusqu’à mon dernier souffle !

Je me redresse, rempli d’une détermination nouvelle. Mon cerveau se remet à fonctionner à plein régime.

De l’argent, hein ? Pour cogner sur le garou ? Par la barbe de Gandalf, je trimballe dans ma poche depuis des jours la gourmette d’Ombe vol… hum, récupérée dans sa chambre ! Bon, d’accord, avec une gourmette, même en argent, je reste monté un peu fin. Mais je dispose également d’un sortilège qui m’a prouvé moult fois sa valeur et ses capacités d’innovation !

Je fredonne un air pour me donner du courage :

— You want war

You got war

More than you bargained for…[1]

Puis je sors Fafnir de la poche où je l’avais rangé et serre la chaînette d’argent dans ma main droite.

— Fafnirq Tyelpeva rembessen intav Fafnir ! Tyelpeva rembessen ! Lintavë ! Fafnir ! Dans les maillons d’argent ! Vite !

Sans se faire prier, le ruban de brume dorée qui constitue l’essence de mon sortilège quitte le scarabée déstructuré et s’engouffre dans la gourmette.

L’assemblage de cornaline, d’améthyste, de lapis-lazuli, d’ambre et de plomb se disloque aussitôt.

Je fourre les morceaux dans ma poche et me prépare sans broncher à l’attaque du garou.

« Gestion, Jasper.

— Hein ?

— Tu gères les coups.

— D’accord, mais… »

Lakej a visé la tête, griffes en avant. Je dévie sa main avec mes avant-bras, en glissant sur le côté. Aïe ! Qu’est-ce qu’il frappe fort !

J’évite, en me baissant, un deuxième coup surgi de nulle part.

Je réchappe au troisième en jouant des coudes.

Je suis encore vivant ! Mais, à ce rythme, je ne le resterai pas longtemps.

« Organisation !

— Quoi ?

— Tu prépares ta contre-attaque.

— Oui, mais encore ?

— Tu le frappes ! »

Un coup de poing passe à trois millimètres de mon visage. Le courant d’air fait bouger mes sourcils ! Sans réfléchir, je lui balance un coup de pied dans le tibia, avec la pointe de ma solide chaussure en cuir. Il paraît surpris. Il m’en envoie un en retour, qu’instinctivement je pars avec le genou.

La douleur m’envahit, violente, mais Lakej semble avoir plus mal que moi.

« Ombe ! Il m’a pété le genou !

— Calme-toi, Jasper. Ton genou d’humain est plus dur que son pied de garou.

— C’est toi qui le dis ! Et maintenant ?

— Action.

— C’est pas ce que je fais, depuis tout à l’heure ?

— Tu arrêtes de jouer et tu le cognes pour de bon ! »

Les griffes déchirent un pan de mon manteau. Ah non ! Je commençais à y tenir !

— C’est une veste que tu cherches à prendre ? je dis en me décalant et en lui collant un coup de poing dans les côtes. Tu l’auras voulu !

Il hurle.

C’est un hurlement de douleur et d’étonnement.

À l’endroit où j’ai frappé, deux côtes saillent et le sang commence à ruisseler.

C’est moi qui ai fait ça ?

Je regarde ma main. Une lumière argentée émane de la gourmette que je tiens à la façon d’un coup-de-poing américain et pulse autour de mes doigts.

Fafnir – je ne sais comment – a réussi à transformer le bijou pour bébé en arme redoutable ! Un halo mystique protège à présent ma main droite, transformée en marteau de Thor.

Lakej m’observe, les yeux remplis d’incompréhension. Et si je mettais un terme à ses interrogations ? Je ne voudrais pas qu’il se fatigue le cerveau…

Tout à coup, je titube. Un flash de lumière rouge vient d’exploser dans ma tête. Créant un appel d’air vers un trop vaste espace intérieur. Je tombe en moi et des images défilent. Des souvenirs. Non, pas des souvenirs. Le souvenir d’un rêve.

« Jasper, ça va ? »

Je suis dans une arène, environné de cris de fureur et de présences fantomatiques. D’hommes en armes également. Beaucoup sont morts. Le sang coule de mes doigts

« Jasper ! Reprends-toi ! »

J’émerge de mon hallucination comme un plongeur hors de l’eau, juste à temps pour bloquer un coup rageur.

Si Lakej avait heurté une enclume, il ne se serait pas fait plus mal. Son bras se brise contre la gourmette avec un bruit de branche cassée.

Je vois la peur envahir son regard de bête sauvage.

— Le combat est terminé, je grommelle entre mes dents, pressé d’en finir avant d’être saisi par une autre hallucination.

Je vise le plexus et frappe de toutes mes forces avec l’aide de la chaîne fafnirienne. Lakej se plie en deux et s’écroule par terre.

Je l’achève d’un coup dans la tempe et je me redresse, haletant.

Le bijou a cessé de luire.

« Chapeau, Jasper. Même moi, je n’aurais pas fait mieux !

— Merci, Ombe.

— Qu’est-ce qui t’a pris, tout à l’heure ? C’est comme si tu avais… disparu. Tu m’as flanqué une sacrée trouille !

— C’est rien, je… je n’ai pas mangé, ce matin. J’ai eu un passage à vide, c’est tout.

— Ne me refais plus jamais un coup pareil.

— C’est promis, Ombe. »

J’essuie la gourmette puis mes doigts sur un morceau de ce qui fut le costume du loup-garou. Je me revois dans l’arène, je revois mes mains couvertes de sang.

Je réprime un frisson. Ce rêve était beaucoup trop réel.

Je chasse cette pensée absurde, remets la chaînette dans ma poche et rejoins Nina. Dans ses yeux qui me dévisagent et que j’aime tant, je lis de l’admiration.

Et de la répulsion.

— Ça va ? je m’enquiers en toussant.

— C’est à toi qu’il faut le demander, élude-t-elle avec un sourire forcé.

— Bah, la routine. J’explose des garous tous les jours !

Je m’accroupis et je lui prends la main. Elle se raidit légèrement.

— Nina… Il faut que je continue. Je dois retrouver le petit homme. Mais il est hors de question d’abandonner Jean-Lu ici. Il n’a pas repris connaissance. Il a besoin d’un médecin…

— Je reste avec lui, déclare-t-elle immédiatement, à mon grand soulagement.

— Tu n’as pas peur de te retrouver toute seule ? je demande pour la forme.

— Dès que tu partiras, je monterai chercher du secours. Je dirai que Jean-Lu a trébuché dans l’escalier.

— Tu es sûre ?

— Oui. Il suffit juste de mettre un peu d’ordre ici…

— Je vais garer le garou dans un coin, je déclare en me levant.

Ma tentative d’humour tombe à plat. Embarrassé, je m’attelle à la tâche et réussis à traîner le corps inanimé jusque dans un local technique.

En manœuvrant, mon pied heurte un objet. Je le ramasse. Il s’agit d’un rouleau de parchemins, serrés par un lacet de cuir rouge. Tombé de la poche de Lakej ?

Je les déplie et découvre des dessins. Des dessins naïfs racontant une histoire. Accompagnés, çà et là, de phrases en ouïgour et de runes sibériennes – si je ne me trompe pas.

L’ouïgour, j’ai du mal. Mais les runes, c’est mon rayon ! Je parviens à déchiffrer les premiers mots : Rouleaux de Sang.

Je ne sais pas pourquoi, j’ai du mal à imaginer Lakej avec un pinceau dans les doigts ! C’est le chamane qui a perdu les parchemins tout à l’heure. Est-ce qu’il s’agit d’une sorte de Livre des Ombres ?