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— J'ai encore d'autres trésors à vous montrer, fit Garin.

Un peu inquiète, elle se laissa guider vers le lit. Garin contourna sa masse imposante, ouvrit une nouvelle porte dissimulée par les rideaux de velours du chevet. Une petite pièce circulaire prise dans une tourelle d'angle, apparut. Trois énormes coffres de fer aux serrures imposantes en occupaient à peu près tout l'espace. Garin posa le chandelier sur une tablette scellée dans le mur, ouvrit l'un des coffres avec un effort qui fit gonfler les veines de son front. L'éclat jaune d'un monceau de pièces d'or se mit à luire dans l'ombre.

1. Japon.

La rançon d'un roi si besoin en était ! commenta Garin avec un sourire oblique. Le second coffre en contient autant. Quant à celui-ci...

Le lourd couvercle se releva, comme un rideau de théâtre sur une féerie de couleurs. Un amas de pierreries, de toutes tailles, de toutes nuances, montées ou non, fulguraient à côté de plusieurs coffrets, soigneusement rangés dans un angle et identiquement couverts de housses en velours violet. Les turquoises de Kirman s'y mêlaient aux perles rondes de Coro- mandel, aux diamants de l'Inde, aux saphirs de Cachemire et aux émeraudes de la mer Rouge. Il y avait aussi des corindons oranges, des aigues-marines d'azur liquide, des opales laiteuses, des escarboucles sanglantes et des topazes dorées, mais pas une seule améthyste.

— Elles sont toutes dans les coffres, expliqua Garin. Personne au monde n'en possède de plus belles, pas même le duc ! Je crois qu'il me les envie un peu...

Il contemplait les pierres, une lueur au fond des yeux. Tout à coup, il parut avoir totalement oublié la présence de Catherine. Le reflet des flammes sur les gemmes colorait son visage d'étranges taches bigarrées qui lui prêtaient l'apparence maléfique d'un démon. Ses mains sèches plongèrent soudain dans l'amas fulgurant, en tirèrent un large collier barbare fait de grosses turquoises, maladroitement taillées, mais énormes, enchâssées dans une sorte de lourd grillage d'or figurant des serpents entrelacés. Avant que Catherine ait pu s'en défendre, Garin avait jeté le collier sur ses épaules. Ses mains, tremblant d'une fièvre soudaine, refermaient sur son cou le fermoir massif. Le collier était si lourd que Catherine eut l'impression d'une chape de plomb tombant sur elle. Il était aussi beaucoup trop large pour tenir tout entier dans le décolleté modeste de la robe en simple velours brun souligné d'une étroite bande de martre que portait la jeune femme. Les mains de Garin tremblaient toujours sur le cou mince.

— Cela ne va pas ! Cela ne va pas ! gronda-t-il entre ses dents.

Il avait l'air égaré. Son œil noir brûlait et les plis profonds marqués autour de sa bouche se creusaient encore. Quittant soudain le fermoir du collier, les mains empoignèrent le décolleté de la robe, tirèrent brutalement. Le tissu se déchira avec un bruit sec. Catherine poussa un cri. Mais la fièvre qui le possédait sembla tout à coup abandonner Garin. Posément, adroitement, ses mains rabattirent la robe déchirée, découvrant audacieusement les épaules et les seins de la jeune femme.

Il eut son étroit sourire oblique.

Le collier retombait maintenant tout à son aise. Le réseau d'or enveloppait totalement les épaules, descendait sur la poitrine dont il cachait en partie la nudité.

— C'est beaucoup mieux ainsi, fit Garin avec satisfaction. Mais on ne peut guère vous demander de sortir à moitié nue pour donner à cette pièce rare sa pleine valeur... bien qu'elle prenne ainsi un reflet étonnant. Gardez tout de même ce collier, ma chère, ne fût-ce qu'en réparation de cette robe perdue. Je m'excuse grandement, mais, vous le savez, je ne peux supporter les fautes d'esthétique.

Une longue écharpe de velours, jetée sur la robe déchirée, permit à Catherine de rentrer chez elle sans éveiller les commentaires des domestiques. Dans ses deux mains, elle emportait le collier barbare et tremblait à son tour comme une feuille en regagnant sa chambre où, heureusement, Sara ne se trouvait pas. Cela permit à Catherine de changer rapidement de robe et de jeter dans un coin la toilette abîmée.

Mais, une fois de plus, elle avait pu constater qu'avec Garin on ne savait jamais de quoi serait fait l'instant suivant.

Le soir, au souper, il fut très froid, ne lui adressa qu'à peine la parole et uniquement pour des commentaires parfaitement dénués d'intérêt sur le temps qu'il faisait. Après quoi, il mena sa femme jusqu'à sa chambre sans prolonger la veillée, salua correctement et tourna les talons.

— Pourquoi ne lui demandes-tu pas d'explications, fit Sara tout en aidant sa maîtresse à se dévêtir. Il me semble que ce serait ton droit.

Je me doutais bien que votre ménage n'était pas tout à fait normal, mais à ce point-là ! Encore vierge après plus d'un mois de mariage !

Je veux bien que ton mari ait été absent presque tout le temps, mais tout de même...

— Tu avais deviné quelque chose n'est-ce pas ? Rappelle-toi tes questions au matin de mes épousailles.

— Je savais que ton époux n'était pas resté longtemps auprès de toi cette nuit-là, mais je croyais que, depuis, il t'avait rejointe plusieurs fois. Comment deviner pareille chose ?

Après l'incident du collier et le dîner glacial qui avait suivi, Catherine, plus vexée qu'elle ne voulait bien l'admettre n'avait pu retenir sa colère. Dans son dépit de se voir aussi clairement dédaignée, elle avait enfin confessé à Sara la vérité de sa vie conjugale, vérité limitée à si peu de choses. Sur le coup, la tzingara avait eu du mal à s'en remettre. Les poings sur les hanches, elle avait considéré Catherine avec un ahurissement comique.

— Quoi ? Rien ?... Vraiment rien ?

Presque rien. La nuit de nos noces, il est venu dans ma chambre et il m'a dévêtue après m'avoir obligée à sortir du lit. Et ensuite, il m'a regardée longtemps, longtemps comme si... comme si j'étais l'une de ces statuettes d'ivoire et d'albâtre qui sont dans sa chambre. Il m'a dit que j'étais très belle... et puis il est parti. Il n'est jamais revenu. Peut-

être que je lui déplais.

- Tu es folle ? s'écria Sara avec un regard

farouche. Lui déplaire ? Mais, malheureuse, regarde- toi dans une glace ! Il n'y a pas un homme au monde qui pourrait te résister si tu voulais t'en donner la peine. Et celui-là n'est pas bâti autrement que les autres. Il a retiré ta chemise, il t'a vue complètement nue... et, là-dessus, il est allé tranquillement se coucher à l'autre bout du château ?

Mais c'est de la démence ! Il y a là de quoi faire tordre de rire tout le royaume.

Tout en parlant, Sara secouait la robe qu'elle venait d'ôter à Catherine et l'étendait sur le lit pour la brosser avant de la ranger.

Catherine la regardait faire d'un air désabusé.

— Pourquoi ? Il ne fait sans doute que respecter le contrat imposé par le duc ? Il m'a épousée, mais peut-être Philippe a-t-il exigé de Garin qu'il ne me touche pas.

— Vraiment ? Mais, petite malheureuse, quel homme digne de ce nom accepterait pareil marché sans se déshonorer à ses propres yeux ?

De plus, comment un seigneur, un prince, s'abaisserait-il à le proposer

? Non. De deux choses l'une : ou bien, ce qui est invraisemblable, tu ne plais pas à messire Garin, ou bien ton mari n'est pas un homme.

Après tout, il ne fréquentait guère les femmes, avant son mariage. On ne lui a connu aucune maîtresse, aucune aventure. Il a fallu un ordre formel pour qu'il prenne une épouse. Peut-être...