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« Prescience d’un voyant, ou coïncidence ? Le Terrien se révéla insensible au rayonnement mislik. Appuyés par la Ligue des Terres humaines, que les hiss avaient constituée, et qui comprenait alors environ huit cents types d’humanités différentes – elle en compte actuellement plus de cinquante mille répartis dans une centaine de galaxies –, appuyés par d’autres races à sang rouge qui ont été trouvées depuis, et par les descendants de Terriens émigrés secrètement sur Novaterra, une planète voisine d’Ella, et aussi, depuis cent cinquante ans, par la Terre et sa confédération, les hiss mènent contre les misliks une guerre sans merci. Cette lutte est coordonnée par le Conseil des Mondes qui siège sur Réssan, une planète hiss. Depuis trois siècles, nous repoussons enfin les misliks, dans la mesure où nous rallumons les étoiles plus vite qu’ils ne les éteignent, mais cela ne peut se faire qu’au prix d’un effort continuel, qui absorbe une grande partie de nos ressources. Celles-ci se renforcent chaque fois que nous découvrons une nouvelle humanité apte à adhérer à la Ligue, c’est-à-dire ayant renoncé aux guerres planétaires ou interplanétaires.

« Cela nous amène à notre problème. Plusieurs fois, nous avons dû détourner une partie de nos forces pour lutter contre des humanités qui, aux dépens de leurs voisins, voulaient se tailler un empire. Et chaque fois, vous m’entendez, chaque fois qu’ont coexisté sur une même planète deux espèces intelligentes, il en est résulté des guerres d’extermination. Or, il ne doit pas y avoir de guerre interhumaines. Il ne doit pas y en avoir à l’intérieur de la Ligue, car cela détourne des hommes et du matériel qui nous font cruellement défaut contre les misliks. Et il ne doit pas y en avoir non plus, autant que nous puissions l’empêcher, en dehors de la Ligue, car, indépendamment du fait que les guerres interhumaines sont une chose odieuse, c’est autant d’énergie gaspillée qui pourrait être mieux utilisée contre l’ennemi commun, et c’est aussi une menace pour l’avenir.

« Or, sur votre planète, Altesse, une telle situation se présente. Il y a vous et les Vasks, d’un côté, et de l’autre les brinns. La Ligue possède un corps de coordinateurs, choisis et éduqués spécialement pour s’occuper de ces cas litigieux entre humanités différentes. Comme vous êtes Terriens, j’ai été désigné pour cette mission, car je suis partiellement d’origine terrienne. Et comme vos brinns ressemblent aux hiss, mon ami Hassil m’accompagne. Notre mission est de déterminer qui, de vous, des Vasks ou des brinns, possède le plus de droits sur Nérat, et de transporter les autres sur un autre monde. Je ne vous cache pas que la règle veut que ce soient les indigènes qui restent. Il existe cependant des cas d’espèce. Sur la planète Tia, ce sont les immigrants qui sont restés, car ils étaient à même de fournir immédiatement à la Ligue une aide précieuse.

— Si j’ai bien compris, votre mission est double, dit lentement le Duc. Premièrement, déterminer qui, des Vasks, de nous ou des brinns, est le plus digne, à votre point de vue, au point de vue de l’efficacité, de posséder Nérat. Deuxièmement, de nous offrir d’entrer dans votre Ligue ?

— Oui et non. J’ai insisté sur le côté pratique de notre mission, pour vous faire comprendre qu’a priori vous n’êtes pas forcément condamnés à l’exil. Mais il y a aussi le côté éthique. Boucherand m’a appris que vous aviez réduit en esclavage ou exterminé les tribus brinns qui vivaient sur le territoire qui est devenu la Bérandie.

— C’était nécessaire. Nous avions besoin de main-d’œuvre et de sécurité.

— Je ne blâme pas vos ancêtres, sans aller jusqu’à les approuver ! Je crois que vous auriez pu coopérer avec les brinns. De toute façon, vous avez atteint un stade de civilisation où vous pourriez vous passer de l’esclavage. Si vous êtes destinés à nous joindre, il suffira de peu de temps pour vous permettre de nous rattraper, un siècle ou deux. À condition de modifier votre anachronique structure sociale.

— Cette structure s’est révélée solide, dans les circonstances où nous vivons, intervint Roan. Primitivement la création, ou plutôt la reconstitution d’une noblesse servit à récompenser ceux qui furent les plus utiles ou les plus fidèles au chef. Et comme ce fut une noblesse créée par le Duc, et non point constituée d’elle-même, il n’y eut jamais de guerres féodales, après notre unification. D’ailleurs la pression des Vasks et des brinns se serait chargée de nous garder unis, si cela avait été nécessaire !

— C’est possible. Mais, que vous restiez sur Nérat ou que vous soyez transportés sur une autre planète, cette structure sociale devra changer. Elle serait non seulement moralement injustifiée, mais encore pitoyablement inadéquate dans la Ligue.

— Quelle est votre forme de gouvernement ? S’enquit le Duc.

— Sur nos planètes ? Très variable. Démocratique généralement, technocratique souvent, parfois oligarchique. Mais nos sociétés sont toujours ouvertes. Il ne s’y forme pas de castes héréditaires. Quant à la Ligue, elle n’a pas de gouvernement au sens propre : on ne gouverne pas cinquante mille humanités !

— Il y a une chose qui me trouble, dit Roan. Vous parlez de la Ligue des Terres humaines. Qu’entendez-vous par « humain » ?

— Il y a trois grands types principaux. D’abord les humains au sens propre, selon la classification de la Ligue : vous, moi, les sinzus, les ferhen, etc. Nous formons le groupe hémoglobinien. Ensuite les humanoïdes, comme Hassil ! hiss, h’rbens, krenns, brinns, etc., à sang bleu ou vert, mais de forme générale humaine. Ils constituent le groupe des amétalliques, car leur pigment respiratoire ne contient pas de métal. Puis les humanides, qui souvent n’ont d’humain que l’intelligence et la sensibilité. Ils ressemblent assez souvent aux insectes terrestres. Mais avez-vous des insectes, ici ?

— Il y en a d’indigènes, très différents des terrestres. Et nous avons emporté malgré nous des fourmis qui se sont multipliées, ô combien !

— Mésaventure commune à toutes les colonies de la Terre ! Les hommes-insectes, quelquefois assez effrayants d’aspect, sont souvent intellectuellement remarquables, et je m’honore de l’amitié que veut bien me porter Xqiliq, un kzlem du septième Univers, qui est sans doute le plus grand astrophysicien de la Ligue.

« Enfin, continua Kler, alliés à la Ligue, mais n’en faisant pas partie, se placent les xénobies, qui nous sont parfois aussi étrangers que les misliks. Certains vivent dans une atmosphère de chlore ou d’ammoniac, d’autres dans le vide parfait, d’autres enfin à des températures effrayantes. Comme nous ne pouvons exister en permanence sur leurs mondes, ni eux sur les nôtres, il n’y a guère de risques de conflits. Tout au plus, parfois, une grande difficulté de compréhension.