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« Je vais essayer de faire sauter les canons d’abord, ensuite de causer le plus possible de dégâts. Dois-je brûler les maisons qui restent, Oyambide ?

— Leurs chefs dorment certainement à l’intérieur. Brûle-les !

— Bon ! Tenez-vous prêts à la retraite. »

Il s’allongea sur le rocher dur, visa longuement. La distance était d’environ deux cents mètres, nettement inférieure à la portée utile. Il régla l’arme à l’intensité maximale, contempla un moment la place, songea aux hommes tranquillement endormis dans les maisons et sous les tentes, pressa sur le contact.

Le rayon bleu parut tâtonner, erra, faucha les tentes qui s’enflammèrent violemment. Il y eut quelques cris, vite étouffés sous une terrifiante détonation quand le rayon atteignit les caissons d’artillerie. Pendant quelques secondes, les explosions continuèrent, à la lueur violente et brève des déflagrations successives. Dans le silence un moment retombé, percé du cri déchirant des blessés, claqua une porte. Alors Akki dirigea son arme vers les maisons.

Elles prirent feu plus lentement, puis les troncs d’arbre flambèrent, illuminant la place d’une lumière dansante. Affolés, les hommes couraient en tous sens, fauchés dès qu’aperçus. Akki lâcha le contact. Dans le reflet de l’incendie, il put voir la face hilare des jeunes Vasks, et le rictus de bête d’Oyambide, et il se demanda s’ils valaient mieux que les Bérandiens.

D’un coup sec, il démonta le fulgurateur.

« Hop ! En retraite, je ne les ai pas tous tués ! »

Ils se hâtèrent, profitant de l’ombre portée par les blocs. En bas, dans le village dévasté, une voix tonnante donnait des ordres, une voix que le coordinateur reconnut, celle de Nétal.

« Tiens, il était là, pensa-t-il. Dommage que je l’ai manqué. »

Il eut la tentation de revenir, de finir la guerre par un coup d’éclat. Mais déjà un bruit de pas pressés annonçait la poursuite, et il y renonça.

« Ce sera pour plus tard. Je me demande ce qu’il pense maintenant de l’incapacité des races civilisées dans la lutte pour la vie ! »

Ils escaladèrent le lit du torrent à sec. Deux fois des flèches sifflèrent à leurs oreilles, et une fois, il dut brûler d’un coup de fulgurateur léger un poursuivant trop proche. Bientôt les Bérandiens, ignorant le pays, perdirent leur trace, et ils purent ralentir le pas.

L’aube les trouva au sommet de la montagne. Derrière eux, Sare incendié tachait de noir le vert des prairies. À droite, au bout d’une pente vertigineuse, se trouvait le défilé coupé par la barricade. Rien ne bougeait, elle semblait déserte. Devant eux, loin, le village d’Otso se dressait, encore intact, mais abandonné, sans un seul filet de fumée montant des toits. À gauche, par-dessus l’épaule de montagnes plus basses, se dessinait une plaine couverte d’une masse verte ininterrompue, s’étendant jusqu’à l’horizon. Oyambide la montra du bras :

« La forêt des brinns, dit-il, la Forêt Impitoyable ! »

Chapitre V

La forêt impitoyable

Ils marchèrent tout le jour, montant et descendant les pentes, avant de rejoindre, au point convenu, Otso et la trentaine d’hommes des deux villages qui formaient l’arrière-garde. Le grand Vask accueillit avec une joie sauvage les nouvelles apportées par le coordinateur. Il en donna lui-même :

« Selon ton conseil, j’ai envoyé des messagers à toutes les vallées, et la plupart sont rentrés. L’ennemi n’en a, jusqu’à présent, envahi que quatre. Le gros de ses forces a contourné les montagnes pour attaquer les brinns. Tout le monde se replie en bon ordre, avec comme but les Trois Lacs, où vivent les plus importantes tribus. Mais la traversée de la forêt…

— Peux-tu me dessiner une carte ?

— Grossièrement, oui. Tu vois, nous sommes ici, sur le bord nord-ouest de nos montagnes. Devant nous se trouve un grand plateau herbeux que nous traverserons en deux jours de marche, si les Bérandiens n’y sont pas déjà ! Après une pente très raide, c’est la forêt. En quinze jours, si nous sommes chanceux, nous pouvons trouver une rivière, et, construisant des radeaux, nous laisser descendre jusqu’aux Trois Lacs. Le tout est d’y parvenir avant l’ennemi. Mais ce que tu me dis, que Nétal était à Sare, me donne bon espoir. Il est plus facile aux Bérandiens, par le nord, d’arriver aux Trois Lacs, mais ils attendront certainement leur Duc !

— Où sont les tiens ?

— Ils ont environ dix heures d’avance sur nous, et traversent actuellement le plateau. Ils doivent camper ce soir près d’un petit lac.

— As-tu prévu des patrouilles, des flancs-gardes ? »

Le Vask le regarda d’un air de reproche.

« Je ne suis pas fou ! Bien entendu !

— Je vous quitterai demain matin, et essaierai d’atteindre la forêt, en avance aussi bien sur vous que sur les Bérandiens, pour rejoindre, si possible, l’avion et Hassil.

— Seul ? Tu ne connais pas le chemin !

— Je n’ai pas besoin d’un guide. Ceci me suffira. »

Il tira de sa ceinture le communicateur, le tendit à bout de bras, tourna lentement sur lui-même. À un moment, une petite lampe verte s’alluma.

— Tu vois, elle ne brille que quand je suis tourné vers l’avion.

— Parfait. Mais te dit-elle aussi où sont les pistes, où le fleuve est guéable, où les falaises peuvent être franchies ?

— Non, tu as raison.

— Alors, je viendrai avec toi.

— Et tes hommes ? Tu les abandonnes ?

— Il y a ici Errekalt qui peut me remplacer. Je crois sincèrement que si tu retrouves ton ami, nous avons de bien meilleures chances de nous en tirer. Avais-tu d’autres armes, dans ton avion ?

— Bien plus que je n’en avais pris.

— Je viens donc avec toi. Je suis le seul ici à avoir fréquenté la forêt, en dehors des pistes qui conduisent aux Trois Lacs et que connaît Errekalt. Nous partirons à l’aube. »

Une lumière blême traversait péniblement les nues, au levant, quand ils achevèrent leurs préparatifs. Akki portait un fulgurateur léger (il laissa l’autre, ainsi que le lourd, à Errekalt), un grand arc, un carquois de flèches, une hache de combat. Otso avait, outre son arc, une fronde, un sabre d’abattis et une courte pique.

Après de brefs adieux, ils prirent la direction de l’ouest, le Vask fort de son entraînement de montagnard, Akki de son entraînement de coordinateur. Le plateau descendait doucement, et, à mesure qu’ils approchaient de son bord, des bouquets d’arbres se mêlaient aux hautes herbes.

Ils ne virent que peu d’animaux, bien qu’ils aient croisé des pistes nombreuses qu’Otso reconnaissait. Plus d’une fois, Akki surprit son compagnon par la justesse de ses observations.

« As-tu beaucoup chassé, Akki ?

— Non, sauf à une période de ma vie, il y a quatre ans, quand j’ai vécu pendant plus de quinze de vos mois avec les Ir’his sauvages de la planète Dzei, dans une autre galaxie. Ils sont encore à l’âge de pierre, et j’étais frère de sang de Kéloï, un de leurs guerriers. J’ai beaucoup appris.

— Nous sommes frères de sang maintenant, Akki, et j’espère que tu apprendras aussi, avec moi. Ah ! Voici la pente. »

Le plateau s’interrompait net, et, à perte de vue, à droite comme à gauche, tombait presque à pic sur la forêt, à près de mille mètres plus bas. Vue de haut, la sylve apparaissait comme une énorme masse verte et rouge, compacte, à peine trouée de-ci, de-là de lignes sinueuses qui étaient les rivières.