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« Nous avons gagné… pour cette fois, dit Akki, quelques minutes plus tard, dans la grotte. Mais, bien que nous ayons détruit un fulgurateur, il doit leur en rester encore, ainsi que des mitrailleuses, et s’ils attaquent avec plusieurs tanks à la fois… Mais je me demande ce qu’ils utilisent comme force motrice.

Vous n’avez donc pas reconnu le cri de mort d’un cheval, interrogea Boucherand. Il y en avait au moins un dans cette machine.

Un cheval ! Je n’y aurais pas pensé. Qu’y a-t-il ?

Le messager de Biarritz, je crois ? Mais non ! Par l’Ancêtre, c’est Etchart lui-même ! Que fais-tu là ?

J’apporte de mauvaises nouvelles, Otso. La flotte bérandienne a contourné le cap des Orages et pénétré dans la mer Sauvage.

Et nos navires ? Que font-ils ?

Coulés, Otso ! Nous avons attaqué au large de Biarritz, mais ils avaient un canon ! Je suis un des rares survivants. J’ai pu les distancer en coupant par les hauts fonds. D’après ce que je crois, ils vont remonter vers le nord, et débarquer des troupes près de l’embouchure de l’Elor.

Mais… nos femmes et nos enfants, et ceux des brinns sont là !

Otso, coupa Akki, prends tous tes Vasks avec toi, sauf la troupe d’assaut, prends également un bon nombre de brinns parmi les réserves, et descends immédiatement la rivière. Emporte un des fulgurateurs, et essaie d’arrêter l’ennemi dans les marais de l’embouchure. Ici, nous tiendrons. En passant aux Trois Lacs, vois Hassil, et dis-lui d’essayer une fois de plus un miracle avec nos petits communicateurs. S’il pouvait atteindre l’Ulna, tout serait sauvé ! »

La troupe mêlée des Vasks et des brinns partit à la nuit tombée, à pied d’abord, pour quelques kilomètres, ensuite en bateau. Akki espéra que ce mouvement avait échappé à l’ennemi, et que ce dernier ignorait donc l’affaiblissement de ses réserves. Il conféra une partie de la nuit avec les chefs brinns, Anne, Boucherand, et le Vask qui avait remplacé Otso à la tête du groupe de choc.

« Je m’attends d’ici peu à un assaut massif, destiné, sinon à enfoncer nos lignes, du moins à retenir ici le plus de combattants possible. L’ennemi compte nous prendre à revers par un débarquement à l’embouchure de la rivière, et ignore sans doute que nos renforts sont déjà partis. Nous devons tenir le plus longtemps possible, mais sans entêtement inutile : la victoire nous appartiendra dès que YUlna sera de retour, dans quinze jours au plus tard. Si ce n’était la question des femmes, des enfants et des approvisionnements, je donnerais immédiatement l’ordre de dispersion dans la forêt. Il s’agit de durer quinze jours, et d’être vivants quand mon navire reviendra. Vous avez compris : se battre durement, mais pas d’héroïsme inutile et désespéré.

Alors, nous devrons peut-être céder le passage ? demanda Boucherand. Soit. Je comprends.

Et les femmes, dans ce cas ? interrogea Tehel.

Je crois que nous résisterons assez longtemps pour que la question ne se pose pas. Si le front craque, nous ne fuirons pas, bien entendu, mais nous harcèlerons l’ennemi dans sa marche vers les lacs et l’embouchure. Je le répète, tout est une question de temps.

— Et si l’Ulna ne revenait pas ? demanda doucement Anne.

— Éventualité presque impossible. Mais dans ce cas. »

Les cinq jours qui suivirent furent relativement calmes. Une nuit, deux Vasks réussirent à se glisser dans les lignes ennemies, et rapportèrent que les Bérandiens construisaient de nouveaux tanks, sans pouvoir en préciser le nombre. Akki fit confectionner des engins incendiaires primitifs, mais efficaces, avec une sorte de résine noire très collante et inflammable que les brinns tiraient de l’arbre aglin.

Le matin du sixième jour se passa également dans le calme, mais vers midi une vive activité fut décelée chez l’ennemi, et, peu de temps après, commença la préparation d’artillerie. Les quelques canons dont disposaient les Bérandiens pilonnèrent méthodiquement les lignes, en un barrage roulant qui, bien que fort maigre, n’en impressionna pas moins les brinns. Vers le soir, ce fut l’assaut.

Il fut précédé d’une douzaine de tanks de bois, portant sur leur dos des tireurs d’élite, à l’arc et au fusil, chargés de les défendre, et c’était un spectacle étrange que ces constructions maladroites avançant péniblement, s’empêtrant parfois dans les hautes herbes, et hérissées, tout autour de leurs meurtrières, de faisceaux de flèches. Ils arrivèrent sans perte jusqu’aux premières positions défensives, déjà évacuées. Akki les regardait à la jumelle, Anne à son côté. Bondissant derrière leurs machines, en vagues successives, les Bérandiens progressaient, nettoyant les petits groupes isolés qui s’étaient laissé couper la retraite, et parfois un hurlement ou un cri déchirant annonçait, entre les explosions des obus, la fin d’une vie, humaine ou brinn. Mais, peu à peu, dans le crépuscule qui tombait, le tir des Bérandiens fut moins assuré, et bientôt trois hautes colonnes de flammes montèrent vers le ciel nuageux, et l’attaque cessa.

« Ils ont gagné trois cents mètres, dit Boucherand.

— Ils ne sont pas encore dans la partie étroite du défilé. C’est là que nous les attendons. Avez-vous une idée des pertes ?

— J’ignore les leurs. Peut-être une vingtaine d’hommes tués ou blessés. Chez nous, trois Vasks et onze brinns tués, sept Vasks et quarante brinns blessés.

— Une toute petite bataille, dit ironiquement le coordinateur. En tout, probablement deux bonnes dizaines de pauvres bougres morts, et le triple au moins d’abîmés ! Et dire que j’étais venu pour empêcher cette guerre ! Ah ! les vieux hiss avaient raison, eux les fondateurs de la Ligue des Terres humaines, qui disaient que les médiateurs finissent toujours par être en guerre avec les deux parties à la fois !

— Devons-nous contre-attaquer à la faveur de la nuit ?

— Pourquoi ? Pour regagner trois cents mètres que nous reperdrons demain à l’aube ? Nous aurons besoin de toutes nos forces. Et, comme je l’ai dit, c’est plus loin que nous les attendons. »

Le jour se leva sur des positions inchangées. Les Bérandiens ne reprirent pas immédiatement leur marche en avant, et ce n’est que trois heures après le lever du soleil que, ayant reçu quatre nouveaux tanks en renfort, ils recommencèrent leur assaut. Au prix de quelques pertes, ils arrivèrent à la fin de la journée devant les défilés proprement dits. Larges d’environ cent mètres, longs de six cents, ils étaient dominés par de hautes et abruptes falaises, sauf vers le milieu, ou des ravines en pente rapide avaient érodé la roche, et permettaient, de part et d’autre, un accès vers le plateau.

« C’est ici que le combat décisif aura lieu, Anne, dit Akki. Quel en sera le résultat, je l’ignore, mais j’ai fait tout ce que j’ai pu, avec l’aide des brinns et des Vasks, pour qu’il nous soit favorable, ou tout au moins pas trop défavorable. Si nous sommes enfoncés, montez par le ravin de droite vers la forêt. Je vous suivrai avec un petit groupe. De toute façon, je tiens à ce que vous restiez demain en sûreté. Vous m’avez compris ?

— Et vous-même, y resterez-vous ?

— Pour moi, c’est différent. Les brinns et les Vasks m’ont confié le commandement et…

— Et moi, je représente la Bérandie, la vraie. Nous ne sommes que deux ici pour le faire, et notre place…

— Je ne discute pas votre courage. Mais, cette fois, nous irons certainement jusqu’à un corps à corps général, et vous n’auriez aucune chance. C’est un ordre, et j’entends qu’il soit obéi. Et puis… et puis je serai plus tranquille pour commander si je vous sais loin des coups. Vous me le promettez ?