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— Alors, nous devons tirer Nérat au sort ?

— Pas vous, Anne. Si une humanité cherche à en conquérir une autre, la force de la Ligue s’abattra sur elle. Vous avez cherché à conquérir les brinns. Non, le tirage au sort concerne uniquement les Vasks. Qu’on apprête le Sac du Hasard. »

Un assistant apporta un sac de toile rouge.

« Dans ce sac sont cent boules, cinquante rouges et cinquante blanches. Le premier qui tirera une boule rouge sera celui qui opérera le tirage définitif. À toi, Otso.

— Blanche.

— À toi, Tehel.

— Blanche.

— Otso.

— Rouge !

— Tu seras donc l’homme du destin. Remettez vos boules. Agitez le sac. Si tu tires une boule rouge, Nérat est à toi. Si elle est blanche, elle reste aux brinns. Vas-y ! »

Le grand Vask introduisit sa main dans le sac, l’agita un instant, puis brusquement la ressortit, fermée. Lentement, il ouvrit la main, sans regarder.

« La boule est blanche, Otso, je regrette. Il vous faut quitter Nérat.

— Mais nous n’avons pas demandé que les Vasks s’en aillent, dit Tehel. Nous…

— La Loi est formelle : une seule humanité par monde. Et elle est sage. Dans deux ou trois cents ans, que feraient vos descendants ? Mais vous pourrez continuer vos relations amicales, de planète à planète. Car, sauf opposition absolue de votre part, nous vous aiderons, les uns comme les autres, à rejoindre vos frères de la Ligue dans leur marche vers l’avenir.

— Je proteste, Akki, dit Anne. Les brinns n’étaient pas de bonne foi, eux qui ont exterminé les indigènes ! Nérat aurait dû revenir aux Vasks !

— Nous ne savons pas si cette disparition est leur fait. Si vous aviez fait disparaître les brinns avant notre arrivée, nous vous aurions donné le bénéfice du doute !

— Au fond, nous n’avons pas été assez expéditifs ? C’est ça, n’est-ce pas ?

— Ne soyez pas amère, Anne. Il ne peut y avoir de justice absolue. Allons, la décision est prise, sans appel possible, même de notre part. Venez plutôt choisir votre nouvelle terre. »

La bibliothèque de l’Ulna renfermait, outre d’innombrables livres, microfilms, rouleaux de fils magnétiques, cubes à impression moléculaire, etc., un répertoire complet de toutes les planètes connues, y compris celles qui étaient inhabitées.

« Toi d’abord, Otso. Quel genre de monde désires-tu pour toi et les tiens ?

— Il nous faut des montagnes, pour nous et nos animaux. Les transporterez-vous aussi ?

— Bien sûr !

— Pour le reste, je me fie à toi. Tu connais notre pays, tu sais ce que nous aimons, ou plutôt ce que nous aimions.

— Voyons… NX-682-8608. Non, la gravité y est trop forte, ce serait gênant pour jouer à la balle ! NX-684-7906. Je crois que cela irait. Comment vas-tu la baptiser ?

— Le Conseil des Vallées décidera.

— Comme tu voudras. D’ici quelques jours, un astronef viendra te chercher, toi et quelques autres, pour reconnaître ce monde. S’il ne te convient pas, il y en a d’autres. Quel statut demanderez-vous ?

— Comment cela ?

— Vous pouvez devenir membre de la Ligue, mais alors il faudra renoncer à votre primitivisme, et accepter des instructeurs qui, en deux générations, vous amèneront au niveau technique où nous sommes. Ou bien vous pouvez garder votre niveau actuel, le développer vous-mêmes lentement, mais dans ce cas vous serez sous surveillance. Oh ! Une visite par siècle, à peu près.

— Je ne puis décider seul, Akki. C’est l’affaire du Conseil. Mais ne pourrait-il y avoir un moyen terme ?

— C’est-à-dire ?

— Garder notre civilisation, tout en arrivant à votre niveau scientifique.

— Mais il n’a jamais été question d’autre chose ! Le peuple de mon ami Hassil, les hiss, est peut-être le plus technicien de l’Univers. Et pourtant je crois que tu aimerais Ella, où il n’y a jamais trois maisons côte à côte ! Et, par certains côtés, les sinzus vous ressemblent aussi, par leur passion de l’indépendance.

— Pourrai-je visiter vos planètes ?

— Le vieil esprit des marins vasks qui se réveille, hein ? Bien entendu ! Et vous, Anne, quel type de monde voulez-vous ?

— Cela vous amuse, de jouer les dieux, Akki ? »

Il haussa les épaules.

« Non. C’est un travail ingrat, amer, et l’impression de puissance qu’un jeune coordinateur éprouve sans doute à sa première mission s’efface vite, pour ne laisser que du dégoût, et parfois du remords. Je vous ai raconté ma mission sur Théran. C’est un souvenir que je voudrais bien oublier !

— Pardonnez-moi, je suis injuste pour vous. Allons, marchand de mondes, qu’avez-vous à offrir à des exilés ? »

Akki resta un moment sans répondre. Ils étaient maintenant seuls dans la grande salle métallique, entourés de la somme des connaissances interhumaines.

« Anne, est-il vraiment nécessaire que vous accompagniez votre ancien peuple, ce peuple qui vous a trahie, sauf une infime poignée de fidèles, tels que Boucherand ? »

Au lieu de répondre, elle interrogea.

« Et Clotil ?

— Elle est dans un hôpital de Novaterra, en bonne voie de guérison. Mais cela n’est pas ma question. Anne, si vous vouliez… Je n’ai plus qu’une mission, ensuite je serai libre. Nous pourrions nous établir sur Novaterra, ou Arbor, ou Réssan, ou même Ella, puisque j’ai mon privilège !

— Nous avons déjà discuté de cela, Akki. Je dois suivre les miens.

— Mais votre bonheur, Anne ? Notre bonheur ? »

Il posa ses mains sur les épaules de la jeune fille, la dominant de sa haute taille. Elle leva vers lui son regard triste.

« Vous souvenez-vous de cette nuit sur le marécage, quand nous fuyions les Bérandiens de Nétal, dans la Forêt Impitoyable ? Vous m’avez dit ce soir-là : le bonheur est-il si important ? C’est à mon tour de vous le dire, Akki. Croyez-vous que je puisse être heureuse, d’ailleurs, avec le remords d’avoir laissé mon peuple aller tout seul vers un destin étranger ? »

Les mains d’Akki retombèrent.

« Alors ?

— Alors, je suis duchesse de Bérandie, Akki, sur ce monde ou sur un autre ! Vous êtes coordinateur galactique, et vous ne pouvez pas plus me suivre que je ne pourrais le faire. Le destin est contre nous, c’est tout. »

Il l’attira vers lui. Elle résista doucement.

« À quoi bon, Akki ? À quoi bon rendre notre séparation plus pénible ? Voyons vos planètes.

— Soit. Voici NX-805-5674. Un très beau monde. Même gravité que Nérat, même type d’atmosphère, climat excellent, sauf dans la partie sud du grand continent boréal. Animaux variés, dont certains féroces, d’autres comestibles. Pas d’humanité, ni de possibilité future prévisible. Ce monde sera vôtre à jamais ! Il se trouve dans la galaxie principale de ce groupe, celle de la Terre, à deux années lumière seulement d’un avant-poste terrien. Ou bien NX-298-7564, mêmes caractéristiques, à cinq années-lumière de Novaterra, dans ma galaxie.

— Je choisis le premier, Akki. De vous savoir très loin rendra les choses plus faciles…

— Oh ! Par l’Ahun, la distance ne compte guère. Qui sait où je serai dans un an ? Et j’aurais aimé vous revoir, un jour.

— À quoi bon, Akki ? La nouvelle Bérandie doit avoir à sa tête un homme fort, et non une simple femme. Le choc psychologique va être terrible pour mes sujets, si sujets ils sont encore. Il risque d’y avoir des moments difficiles. Comme vous le savez, Boucherand m’aime. J’ai décidé de l’épouser !

— Alors… Eh bien, tous mes vœux, Anne ! Tous mes vœux de succès et de bonheur, si c’est encore possible pour vous.