Выбрать главу

« Les femmes sont dans les maisons, effectuant les travaux qui leur conviennent, les enfants sont au travail également, ou bien, s’ils sont jeunes, dans les garderies. Mais pourquoi cette question ? Seriez-vous un coureur de jupons ? Je vous avertis que nos lois ne sont pas tendres, ni pour l’adultère ni pour le détournement de jeunes filles.

— Non, ce n’est point cela. Mais la place de la femme est un assez bon critère du développement d’une civilisation. Enfin, au moins ne voilez-vous pas les vôtres. »

Boucherand posa sa main sur le pommeau de son sabre.

« Et que diriez-vous, monsieur l’insolent, si je faisais voler votre tête ?

— Essayez, et vous serez mort avant de dégainer. Mais je ne vois pas où est l’insolence. Votre civilisation, de toute évidence, si elle n’est pas parmi les plus basses, n’est pas non plus parmi les plus hautes. Je n’ai pas à vous dévoiler la mission dont je suis chargé, mais je puis vous dire que ni vous ni votre peuple ne gagnerez rien par des menaces.

— Nous verrons ce que dira le Duc ! »

Au centre de la ville, au milieu d’une grande place, se dressait un magnifique bâtiment de pierre, dans le style des hôtels de ville flamands.

« La maison du Conseil, déclara le capitaine. Son Altesse le Duc préside actuellement le Conseil des échevins. Il vous recevra ensuite, peut-être… »

Akki haussa les épaules. Tout ce médiévalisme voulu l’agaçait. Le duché de Bérandie avait évidemment été organisé par un autocrate masquant sa dictature sous des souvenirs mal digérés ou à demi oubliés du passé de la Terre.

Ils pénétrèrent dans un immense hall, gardé par des soldats en armure. Boucherand disparut, resta un moment absent, et revint suivi d’un homme en tunique rouge.

« Je regrette, mais maintenant il est absolument nécessaire que vous laissiez vos armes. Personne, pas même moi, capitaine des archers, ne pénètre armé auprès du Duc.

— Bien. Hassil, prends mon fulgurateur et attends-moi ici. En principe, je ne devrais pas avoir cette entrevue sans ta présence, mais nous pourrons toujours rester en contact télépathique. S’il m’arrive quelque chose, tu sais ce que tu dois faire. »

La salle du Conseil était somptueuse, lambrissée de panneaux de bois noir sculpté, sans aucune ouverture. Des centaines de lampes à huile, pendues au plafond en des lustres à becs multiples, l’illuminaient d’une clarté à la fois vive et douce, et se reflétaient sur le sol de roche noire polie. Au centre, autour d’une grande table, se tenaient les échevins. Au bout, sous un dais pourpre, un homme blond était assis sur une massive chaise de bois orné. Il était vêtu d’une tunique noire, avec broderies d’or, et sur sa tête reposait une légère couronne d’or.

Akki l’examina, négligeant les autres. Il pouvait avoir quarante ans. Il paraissait robuste, possédait une figure belle et fière, aux traits réguliers, à la bouche mince, au nez droit et étroit. Les yeux avaient le regard assuré que donne l’habitude du commandement.

D’un pas rapide, Boucherand dépassa Kler, s’immobilisa à quelques mètres de la table, et, saluant, annonça d’une voix forte :

« Son Excellence Akki Kler, ambassadeur de la Ligue des Terres humaines. »

Pendant quelques secondes, le silence régna. Le Duc étudiait Kler, à son tour. Puis il parla :

« Je souhaite à Son Excellence Kler un heureux séjour parmi nous. Je ne doute point qu’il représente une puissante fédération d’États, bien que je n’en aie jamais entendu parler. Peut-être votre Ligue existe-t-elle de l’autre côté de Nérat, sur le continent austral ? Mais j’ignorais qu’il y eût sur ce monde d’autres humains que nous et les Vasks.

— Je ne représente pas une fédération d’États, Votre Altesse, mais de planètes. Environ cinquante mille quand je suis parti il y a deux semaines. Peut-être quelques-unes se sont-elles jointes à nous, depuis.

— Vous viendrez donc d’une autre planète, comme nos ancêtres ? Et quelle est votre mission ?

— Elle est simple. Un de nos croiseurs a atterri ici, à la suite d’un accident, il y a quelque temps. Le rapport du capitaine, qui a rencontré et interrogé un indigène, a établi qu’une situation dangereuse se développait entre les humains et les natifs de ce monde. Je suis venu enquêter sur cette situation.

— Et ne croyez-vous pas – simple supposition – que votre Ligue se mêle là de choses qui ne la regardent pas ?

— Paraphrasant un vieux dicton de cette planète Terre dont vous êtes originaires, nous pensons que rien d’humain ne nous est étranger. Et nous employons humain au sens large.

— Et je suppose que, si la situation vous paraît mauvaise, vous vous proposerez de la redresser ? Étant venu de si loin, vous avez certainement à votre disposition des moyens puissants. Les nôtres ne sont pas négligeables. Nous n’avons pas seulement des arcs et des flèches. Mais j’espère fermement que nous n’en viendrons pas à d’aussi regrettables extrémités ! Pour ma part, je suis tout disposé à vous donner ou faire donner tous renseignements utiles. Mais point ici. Si vous acceptez de venir déjeuner au château, demain par exemple, nous pourrons parler tranquillement. Messieurs, le conseil est terminé. Monsieur l’ambassadeur, à demain. Le capitaine Boucherand des Monts se fera un plaisir de faire mettre à votre disposition tout ce qui est nécessaire. »

Le Duc se leva. Les échevins se rangèrent en haie, courbés en hommage. La porte fut ouverte à deux battants, et, dans une sonnerie de fanfares, le maître de la Bérandie sortit. Calmement, Akki le suivit.

Hassil attendait dans l’antichambre, surveillé par les gardes. Quand le Duc l’aperçut, il eut un haut-le-corps, et ordonna d’une voix sèche :

« Archers, saisissez ce brinn ! Que fait-il ici, d’ailleurs ? »

Lestement, le hiss tira son fulgurateur. Kler s’interposa.

« Du calme, Hassil. » Et, se tournant vers le Duc :

« Votre Altesse, ce n’est point un indigène, bien qu’il y ressemble fort, mais mon ami Hassil, coordinateur au même titre que moi. D’ailleurs, regardez ces mains, et vous verrez qu’elles ont sept doigts, alors que celles des brinns n’en ont que six, si je ne me trompe.

— En effet. Cela explique qu’il ait pu parvenir jusqu’ici, et qu’il soit armé. Curieuses armes. J’espère que vous m’en montrerez pacifiquement les effets, hein ? Je suis intéressé par tout ce qui touche l’art de la guerre. Eh bien, amenez votre compagnon avec vous demain. »

Le capitaine s’inclina devant Kler.

« Excellence, je suis à vos ordres.

— Nous désirerions d’abord retourner à notre avion, ensuite nous pourrions penser à trouver un gîte.

— Vous logerez au château, Excellence.

— Soit. Mais il faut que vous compreniez que ma mission exige que je prenne contact aussi avec le peuple, et pas seulement avec la noblesse, capitaine.

— Les portes seront ouvertes pour vous, Excellence. »

Akki regarda s’envoler l’avion qui ramenait Jacques Vernières le proscrit à sa petite maison des bois, avant de l’emporter avec sa famille au croiseur interstellaire. D’un commun accord, les coordinateurs avaient jugé qu’il serait utile que Vernières mette au courant l’état-major du croiseur. D’un autre côté, cela le plaçait à l’abri de toute vengeance. Quand l’appareil piloté par Hassil eut disparu dans le ciel bleu, Akki se tourna vers le capitaine.