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Pendant que nous échangions ces propos d'ordre professionnel, j'ai recouvré la fameuse idée égarée dans le tumulte niagaresque de mon incomparable cerveau. C'est la giberne du drauper qui me l'a ramenée saine et sauve, par association d'idées. A présent, je n'avais plus qu'une hâte : que Bandalez se taille.

Hélas, il s'est éternisé car il voulait parler à la fille du défunt. Je souhaitais les laisser seuls mais ils ont insisté l'un et l'autre pour que je participe à l'entretien.

Mon Dieu, pourquoi avez-Vous fait « les autruis » si chiants ? Je ne demande que leur cul aux unes et un peu d'amicalité aux autres. Pour le reste, je parviens à m'arranger.

Après le départ du capitaine Cassecouilles, la situation était provisoirement assainie. Bien sûr, des points épineux resteraient à éclaircir ; mais je ne suis pas homme à tirer la sonnette d'alarme sur le cordonnet d'un Tampax.

M'a fallu recoucher ma moitié d'orpheline et lui mignarder le trésor en camarade pour la détendre. Le repos a repris ses droits imprescriptibles.

Enfin j'ai retrouvé la piaule du défunt et me suis jeté sur la plus importante des deux valoches. Elle possédait une énorme poignée. C'est à elle que la sacoche du capitaine m'avait fait penser. Lorqu'on la saisissait, on en avait plein la main ! Son cuir était beau et souple, de couleur chamoisante. Sans m'embarrasser de préjugés, j'ai pris mon Opinel pour trancher les coutures.

17

Certaines gens me demandent parfois si j'ai du génie. Ils se croient flagorneurs alors qu'ils sont insultants, leur question supposant un doute. On ne badine pas avec l'incontestable !

Du génie ? Mais j'en ruisselle ! Et Dieu sait que je déteste la vantardise !

Je te prends ma besogne présente, consistant à écosser une poignée de valdingue. L'idée te serait venue de l'éventrer ? Bien sûr que non !

Ayant décousu cette sorte de banane de peau (à ne pas confondre avec peau de banane), je m'aperçois qu'elle constitue un étui à l'intérieur duquel se trouve un sparadrap recouvrant des renflements.

Je décolle la bande adhésive et, je te le donne en mille !

Tu sais quoi ?

Trois diamants, mec !

Pas du bouchon de carafe ! Pas le solitaire que tu gagnes à la tombola organisée au bénéfice des chiens d'aveugles ! Mais du carbone pur, à reflets un tantisoit bleus. Tu proposes ces cailloux chez Cartier, Jean-Dominique Perrin entre en érection ! In my opinion, le plus mastard va chercher quarante carats, et ses frères cadets dans les vingt-cinq ou trente !

Trois ! Comme les Frères Karamazov ! Comme les quatre mousquetaires ! Comme les Grâces (Aglaé, Thalie, Euphrosine) !

Ma découverte me laisse baba. Je veux bien que le père Zagazi ait été diamantaire, mais de là à trimbaler pareil pactole ! S'agissait-il de sa fortune personnelle, soigneusement planquée ? Pas très prudent ! Des bagages, ça se vole, ça se perd. Encore si c'était un petit baise-en-ville qu'on garde à la main ! Ou un attaché-case… Mais non : de la valise de soute, vieux ! Presque une malle-cabine !

A nouveau le turlu.

Re-zob ! La chambre béruréenne ne répond pas.

Alors je me paie le luxe de sonner la cambuse voisine, celle du couple aux dollars : silence également. Ça commence à me défriser les poils pubiens !

Les trois pierres en poche, je retourne dans la chambre de ma protégée. Ne sais plus sur quel pied danser (assurait la mère Sahara Bernhardt après qu'on lui eut sectionné une guitare).

Irréveillée tout à fait, elle me regarde approcher.

— Je voudrais vous poser une question gênante, m'avoue-t-elle d'un ton dolent.

— Dites, ma chérie.

— Vous n'êtes pour rien dans ce terrible malheur, n'est-ce pas ?

Je la fixe un bout d'instant, puis :

— Voyons, mon cœur, vous sentez bien que non !

— Merci, répond-elle avec la foi de l'amour.

J'en profite alors pour la sonder une ultime fois :

— Le policier m'a fait remarquer que la poignée d'une de vos valises était complètement déchiquetée, le saviez-vous ?

Je la scrute jusqu'au fond de l'œil, vérifier qu'elle n'est pas désarçonnée par cette information.

Tu parles, plus sereine qu'un champ de blé au soleil ! Le regard limpide d'une biche admirant son faon (de chichoune). De toute évidence, cette nouvelle l'indiffère totalement.

Honteux de mon scepticisme pugnace, je la prends par l'épaule et ne puis moins faire que de lui murmurer des choses hard, inacceptables à un repas de première communion ou aux futures funérailles de l'ex-reine Fabiola.

Bon, l'ordre des choses s'accomplit : je la renfile, me lave la membrane au lavabo et connais ce désemparement saisissant tout homme dans ma situation. Si un jour je relate cette aventure, je l'intitulerai « Les Mystères de Lanzarote » (ou de Lanzapète, pour ne pas nuire au prestige de cette île enchanteuse).

Je laisse ma chère Nouhr, après l'avoir assurée que j'allais « m'occuper de tout » concernant son vieux father. Doit bien exister un service de pompes funèbres dans cet éden. Puisqu'on y meurt comme partout ailleurs…

* * *

Je roule au clair de lune, un coude passé par la portière. La mer scintille, le ciel est d'un bleu très sombre. Cette absence du Mastard et de sa souris de bonne rencontre m'alarme (à la bretelle, voire à l'œil).

J'ai attendu longtemps, à l'hôtel, en vain.

Oh ! que je n'aime pas ça. Ce paradis est devenu celui de tous les dangers. En fin de compte, je me suis décidé à retourner au souterrain de Jameos del Agua, poussé par le besoin de faire n'importe quoi, mais vite ! Il y a des moments ou l'inaction te tape sur le cassis.

Parvenu à l'entrée, j'avise une Peugeot, sur la droite, garée à la n'importe comment. Ce serait assez dans le style du Gros, cette négligence. A Pantruche, il fait le bonheur des grutiers.

Je remise mon propre véhicule de manière plus orthodoxe et m'enfonce dans les profondeurs de la terre. Je m'arrête fréquemment pour sonder le silence de l'interminable galerie.

Il reste absolu. Seuls, des suintements d'eau et le trottinement furtif d'un rat se font parfois entendre.

Je vais le plus rapidement possible derrière la lumière crue louvoyant devant moi. Bientôt, je distingue l'éboulis derrière lequel est caché le « trésor ». L'atteins. L'escalade !

Misère !

Tu devines quoi ?

Non ?

Si ?

Ah bon !

Plus de cantine, Ernestine ! Mais, à sa place, Béru et la gonzesse de notre pote, inanimés, sanglants.

La gerce a la tête fendue par le milieu, de l'occiput à la glotte ; même son tarbouif, qu'elle avait assez fort, est divisé en deux parties égales, son cerveau idem : hémisphère sud, hémisphère nord. Il a fallu que son assassin mette le paquet et qu'il ait une arme aussi résistante qu'effilée !

Ce spectacle affligeant me flanque un haut-le-cœur possédant la vigueur d'un typhon japonais. C'est bien que je n'aie pas dîné ce soir car, à la vue de cette monstruosité, je serais allé au refile.

A présent, je dois pousser plus avant mes horribles constatations : où en est Bérurier, dit « le Chevalier Cradoche » ? J'enjambe son infortunée camarade d'un jour. Il est face contre la caillasse, Bibendum. Mais…

Non ! Il ne s'agit pas de lui. Ce zigus est de corpulence beaucoup plus réduite. Je le retourne.

Tu sais qui, Riri ? Le julot de la chambre contiguë à celle de Nouhr. Oui : l'homme pratiquant à sa partenaire l'enfourchement mongol, le transbahuteur de malle, you see ? Il a le museau éclaté par un quartier de roche propulsé dans la hure.

Je reconstitue les faits : Alexandre-Benoît flanqué de son équipière a filoché le couple jusqu'à la grotte. Une fois sur place, les malfrats se sont aperçus de leur présence et le carnage a commencé. Equipé d'une arme blanche, le mec a fendu la gueule de la pécore parisienne. Béru lui a alors défoncé la physionomie avec un bloc de pierre, mais sa complice est intervenue. Sous la menace d'un flingue, elle a contraint Sa Majesté à sortir les dollars de la galerie. Un vrai dessin animé ! Ou plutôt non : un film ancien, aux images saccadées.