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À peine monté à bord, Vincent est invité à faire un tour à l’infirmerie pour être soigné. Le médecin a l’habitude des mecs esquintés et pourtant, en voyant Vincent, il laisse échapper une exclamation. Il a l’air de trouver que les agresseurs de l’agent y sont allés un peu fort.

Après quinze minutes de soins et des analgésiques pour que ses côtes brisées lui fassent moins mal, Vincent arpente le couloir jusqu’à la pièce où Cyprien et Hichad l’attendent. Ce dernier hésite entre la peine et la joie : son capitaine est là, mais Henry, lui, manque à l’appel.

Cyprien sert chaleureusement la main de Vincent dont il ne peut que constater l’état lamentable, et le regarde d’un air grave. « Que s’est-il passé ? » demande-t-il sans attendre. Il veut savoir, comprendre comment ils ont perdu un Delta. Qu’est-ce qui a bien pu foirer ? Que n’ont-ils pas fait ? Ce qui est certain, c’est que la famille d’Henry ne saura jamais la vérité. Il ne vaut mieux pas.

Vincent se demande quels mots délicats ils pourraient bien choisir pour expliquer à sa femme dans quelles atroces souffrances son époux chéri est mort. Non, ils mentiront, prétexteront un accident de plongée, trouveront une justification bidon à l’absence de corps. Il n’y aura pas d’enterrement, mais une cérémonie d’hommage à Cercottes. Dans la salle d’honneur, tout le monde sera là pour honorer sa mémoire et son courage. Ses deux familles le pleureront, comme s’il était mort deux fois, ou que deux personnes en lui étaient mortes, lui, l’agent, l’identité obscure, et lui, le père de famille, l’identité officielle.

Hichad, via des contacts sur place, a pu savoir qui était mort à l’aéroport. Salem n’avait pas survécu mais, d’après un informateur, il n’était pas mort sur le coup. Il avait été transporté à l’hôpital dans un état grave, suivi par deux gardes du corps. D’après les témoins, une infirmière était passée lui changer ses pansements, accompagnée d’un petit garçon, et c’est en le voyant que Salem, la tête à moitié arrachée, avait passé l’arme à gauche…

Ali Kounrad le Tunisien avait brûlé dans l’explosion et crevé sur place tandis que Jamal Mukti, lui, s’en était sorti avec un bras en moins. Quant à Al-Marfa, il était mort dans la tour de contrôle en regardant Anouar Mouram, resté indemne. En fait, la moitié de leurs cibles étaient mortes. Les autres bougeaient toujours quelque part…

Ce qu’Hichad avait appris également et qui ne lui plaisait pas du tout était que Mouna était parvenue à ses fins. Elle avait percé le mystère Aymard. Après avoir agité tous ses informateurs, elle avait compris, soudain, que ce type avec lequel elle avait couché était l’assassin de son oncle et qu’il appartenait sans aucun doute aux services secrets français. Mouna avait relayé l’information dans sa famille qui trempait toujours dans des groupes islamistes louches, hérités de ceux du GIA. Maintenant, ils savaient qu’au moment de l’attentat à l’aéroport de Benghazi, un membre des Services Secrets français était en ville.

De leur côté, les Delta avaient glané des informations ultra-précieuses. Les enregistrements du minivan étaient édifiants. L’ordre du jour du comité d’islamistes qui s’était tenu dans la salle de contrôle était la mise au point d’un attentat programmé en France.

Avec les puissants SA 7 qui se baladaient dans la nature, ils allaient attaquer un avion au décollage, à Nice. Dans deux jours. D’après ce qu’Hichad avait compris, l’opération était déjà en marche, la conversation entre eux à l’aéroport servait à déterminer le profit qu’ils tireraient de l’attentat, la stratégie politique, la reconquête de la position dominante…

L’explosion à l’aéroport n’avait pas changé les plans des terroristes, au contraire, elle avait vivifié leur désir de faire mal, de tuer pour affirmer leur puissance et réaliser leur vengeance. Un avion bourré de civils innocents, d’au moins six cents personnes. Il fallait se dépêcher et empêcher le massacre.

Vincent regrette de n’être pas apte à agir mais désigne sans tarder Hichad qui va partir aussi vite que possible.

Mission Nice

Mai 2011, Benghazi, Libye

Rasé de près, Hichad monte en tee-shirt vert, jean et lunettes de soleil dans une cigarette. Il a sur lui un glock et un couteau. Le Delta a analysé qu’ils risquaient de mouiller à bonne distance de l’aéroport de Nice et de s’avancer au dernier moment en faisant une boucle pour lancer leur missile. Les horaires de décollage avaient été vérifiés et l’avion-cible était vraisemblablement le vol KY 567 à destination de Paris. Tout l’enjeu était là justement : l’avion atteindrait-il la Capitale ou serait-il abattu à peine parti de Nice ? Hichad pouvait influer sur la réponse.

Un yacht bordeaux et blanc attire l’œil de l’agent. Il doit suivre son instinct car beaucoup de bateaux mouillent à proximité de la piste. Mais un seul se trouve au fond de la piste dans le sens du décollage de l’avion.

Sur sa cigarette, il file dans sa direction. Il ignore de combien de personnes sera formé son comité d’accueil, il lui faudra agir très très vite, avant qu’ils aient le temps de réagir et de faire valoir leur nombre.

Il s’est rapproché, il n’est plus qu’à une centaine de mètres de l’embarcation ennemie, prêt à un abordage dans les règles. Le glock à la main, le couteau à la ceinture, Hichad ne leur laissera aucune chance cette fois de faire le mal.

Sur le pont avant, il distingue deux hommes barbus et, à l’arrière, deux autres. Rien ne l’assure qu’il n’y en a pas dix autres dans les cabines. Normalement, ce genre d’opération terroriste se fait sans une armada, plutôt en équipe réduite de trois, quatre personnes.

Quand il n’est plus qu’à vingt mètres, il ralentit et tire sur les mecs à l’arrière. Il les shoote tous les deux et ils tombent raides. À un mètre du yacht, il s’accroupit sur le rebord de son bateau et saute dans l’autre.

À l’avant, ils l’ont vu arriver comme un éclair et ont rejoint l’arrière pour s’armer. Ils passent chacun d’un côté pour prendre Hichad en sandwich. Mais Hichad en bute un. Quant au deuxième qui déboule sur lui, il n’a plus la possibilité de le flinguer, alors il sort par réflexe son couteau. L’autre se jette sur Hichad et maintient le poignet de la main qui tient le couteau en le faisant basculer vers l’arrière. Sur le dos, le Delta parvient à dégager son autre poignet et colle un uppercut dans le visage de son ennemi qui roule sur le côté mais se redresse vite, se remet sur ses pieds et cherche à attaquer Hichad. Dans l’intervalle celui-ci a positionné son couteau et l’autre, en se ruant sur lui, s’empale sur le Camillus.

Hichad a fait place nette sur le bateau des pirates, en tout cas à l’extérieur. Une vérification s’impose. À l’intérieur, un trépied avec un missile en position. Ils attendaient l’ultime minute pour le sortir. Une caisse contenant cinq SA 7 lui saute aux yeux. En fouillant, il ne trouve rien. On dirait que ce bateau leur a été prêté par l’un de ces riches nababs du Golfe et qu’ils ont pris le strict minimum. De quoi manger et dormir et des armes, bien sûr.

Il embarque les armes, grimpe sur sa cigarette qu’il a sommairement attachée avec une corde en débarquant. Hichad laisse le bateau sur place, pas le temps de nettoyer. Il embarque dans son bolide les armes, les missiles, l’ordinateur portable. Il vient de faire échouer un attentat, il a su s’adapter, prendre des décisions à la vitesse de l’éclair. Il espère faire oublier ainsi l’épisode de l’enlèvement de l’enfant. Maintenant, il file à quarante nœuds rejoindre Vincent et Cyprien qui attendent, préoccupés, son retour.