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Il s’incline, se dégante, me présente quatre doigts qui paraissent avoir été conservés pendant trente-cinq ans dans du formol et qui, à presser, révèlent une consistance froide et plastique.

— Asseyez-vous, je vous prie…

Il.

Béru aussi, sans y être convié, et ce, sur l’angle avant droit de mon burlingue. Surpris, le melon sourcille en voyant mon coéquipier s’ainsi jucher. Sa stupeur s’accroît quand les fesses du Gros se reculent, écrasant mon étui à cigarettes. Elle vire en début de panique lorsque Sa Majesté se met à tousser sans placer, comme il siérait, sa main devant sa bouche. L’on dirait le Vésuve en éruption, balançant à tout va sur Herculanum et Pompéi. Le Vioque se gare des coulées ardentes en plaçant son coude devant son visage.

— J’ sus navré d’êt’ confus, glapatouille l’Hénorme, en cours de quinte et de tierce, mais j’ai chopé j’ sais pas quelle vérolerie qui m’est chutée sur les soufflets pendant que j’ faisais une bonne manière à la serveuse du Tourloubar. Ma mère m’ disait qu’on s’enrhume par les pieds, en ce dont il me concerne, faut croire que c’est plutôt par les noix. Je m’ai payé cette gosserie dans l’arrière-cour aux poubelles et y soufflait un courant d’air chiement perfide. Vous savez ce qu’ c’est quand on calce debout ? On y va à l’effort musculaire. Y’a tout qui participe et à la fin de la séance, tu t’ retrouves plus en sueur qu’un quart de Brie qui vient de se payer un bain de soleil.

— Laisse-nous ! aboyé-je.

Il me défrime d’un œil candide de bon chien qu’on expulse du salon parce qu’il a les pattes mouillées et se retire, non sans émettre ce pet bref mais sonore qui lui tient lieu d’indicatif.

Monsieur Alexis Lophone me consent une œillade interrogative.

— Un être fruste, commenté-je, mais particulièrement efficace.

Malgré ce certificat satisfaisant, le melon murmure :

— Vous êtes bien monsieur San-Antonio ?

— Sans la moindre erreur possible, confirmé-je, puis-je vous proposer un doigt de whisky, monsieur Lophone ?

— Je ne bois que de l’eau, m’assure le melon.

« Comme tous les melons », songé-je.

Mon vis-à-vis insiste :

— Vous apparteniez bien naguère à la police officielle où vous vous signalâtes par maints exploits retentissants ?

— Je vous sais gré de vous en souvenir, monsieur Lophone.

Il croise ses jambes qu’on devine aimablement cagneuses (il a du reste préparé Normal Sup, jadis), pose ses gants en équilibre sur son genou supérieur et questionne négligemment :

— Est-il indiscret de vous demander les raisons qui ont motivé votre démission, monsieur San-Antonio ?

Tous ! Ils sont tous pareils : prêts à imaginer le pire, à redouter des obscurités scandaleuses : de basses foirures ; des motifs tortueux flottant à la surface du scandale.

Depuis que je dirige cette agence de police privée[1], sitôt qu’un client se pointe, il commence par me demander si je suis bien moi, et ensuite pourquoi j’ai largué la Rousse.

— Cher monsieur, pour un homme d’action, il finit par être démoralisant d’agir sous la tutelle de supérieurs aux méthodes surannées.

Le petit cadran placé sur mon bureau et qui me relie au burlingue du Vieux s’éclaire soudain et les mots suivants y apparaissent :

« Merci pour eux ! »

Le Dabe n’en perd pas une. Je le soupçonne de ne plus rien fiche d’autre que de rester à l’affût de mes activités, depuis son P.C.

Mon explication, bien que laconique, suffit au melon gâté.

— Je viens vous exposer un cas troublant, me dit-il.

— Après les cas désespérés, ce sont les plus beaux.

Il sourit.

— C’est une histoire très facile à résumer.

— Ce qui indiquerait qu’elle est bonne.

— Nous sommes en avril, n’est-ce pas ?

— Comme chaque année à la même époque, oui, monsieur Lophone.

— Imaginez qu’un de nos clients est venu se faire assurer sur la vie pour une somme fabuleuse.

Il hésite et murmure, comme si le nombre énoncé le terrorisait :

— Un milliard d’anciens francs.

— Ce monsieur semble avoir une certaine estime pour sa personne. Et aussi des moyens financiers importants, car je suppose que la prime est en conséquence ?

— Attendez, je ne serais pas venu vous trouver si cette police ne comportait une clause extrêmement étrange : elle n’est valable que pour la journée du 2 juin prochain, de zéro heure à zéro heure.

Un silence suit…

FIN (provisoire) du flash back

Donzelle Inès commence à trévulser sérieusement du polygone de suce-tentation. Elle est du genre driveuse d’ébats, cette pécore. Elle joue de l’amour comme toi, lavement, du billard électrique. La façon qu’elle me tripougne les flippers, tu verrais ! Elle me tient les étiquettes, une dans chaque main, et m’oriente comme une tête chercheuse, me déplaçant d’un millimètre ou deux, temps à autre, pour que je lui conjugue bien, en rare souplesse, l’asperiteur de fadage. Elle aime que je la continue sans interruption. C’est question de respiration, ça. De position aussi. Avoir un solide appui sur les avant-bras, pas faiblir de la nuque ; donc trouver une attitude anti-torticolienne. Et puis, tu vois, surtout que la menteuse ne coince pas au niveau amygdalien. Pour parvenir à ce degré de maîtrise, faut pas chialer les gammes. Cent fois sur le métier remettre son ouvrage. Et l’Inès, experte, qui connaît tout de la question, qui sait les subtilités de la langue fourrée princesse pour l’avoir utilisée maintes fois depuis le pensionnat, me compucte délicatement.

Un léger clic à l’oreille gauche fait obliquer mon effort dans la direction souhaitée. Y’a pourlècherie contournante, virage en tronc de cône sur les gustatives. Ma dextre d’harpiste, simultanément, lui batifole la caserne, mettant au comble sa pâmade centripète. Elle exubère des glandes, la chérie. Une frangine maniérée pourtant, à beau langage pour beau quartier. Quand je l’ai rencontrée, elle caracolait sur un bourrin, dans une rue douillette de Neuilly, aux abords du Bois. J’étais au volant de ma chignole sport. J’ sais pas si c’est le ronflement trop puissant du moteur, mais au moment où je l’ai doublée, son con de dada a filé une ruade dans le capot de ma Jag.

Un sabot de cheval dans un capot gris métallisé, ça fait partie des navrances de la vie. C’est plus triste que la lecture d’un acte notarié. La manière que j’ai bondi de ma calèche pour invectiver l’amazone, lui dire ce que je pensais de son archaïque mode de locomotion à une époque où on standardise le supersonique et où tu vas faire tes emplettes à Nouille-York à plus de mach 2, merde ! Se calfater les hémorroïdes avec un canasson, je vous jure ! Oser déambuler dans une vraie rue en y jouant Madame la Dusèche chasse à courre, c’est démentiel, non ? Pendant que je clamais, son gaye trépignait des antérieures en balançant des pets plus vigoureux que ceux de mon pot d’échappement.

Inès tourniquait sur place, tirant sur le mors en criant des « Tarzan ! Brrr up ! Tout beau ! » Elle était bioutifoule sous sa bombe, avec ses johdpurs blancs, centaure et sans reproche. Rouge de confusion, emmerdée au-delà de tout, d’autant que des gonziers se radinaient, bien gouailleurs et parisiens, tout dégoulinant de sarcasmes : facteurs, poubelleurs, livreurs dont les rigolades affolaient le dada. À la fin, elle m’a jeté :

— Le manège est dans la rue à côté, venez, nous ferons le constat.

Bon, je l’ai suivie, en regardant tressauter son mignon fignedé, bien pommelé, préhensile, et je me voyais à la place du canasson, mézigue. Brochant mademoiselle à la langoureuse. J’imaginais son va-et-vient dargifleur à mon bénéf exclusif. Ce pied. Monseigneur ! La farouche degorgeance. Elle se rétablissait le standinge en trottant, droite sur les étriers, youp youp… L’envolée. J’oubliais le chtar à mon capot. Il godait sec. Sana ! Un vrai épieu qui lui poussait sous le volant. À m’en demander comme j’allais m’arracher de ma brouette avec une hallebarde pareille. La manière qu’il faudrait m’extraire à reculons et, par une subtile manœuvre, me coincer Popaul dans le calbute au dernier instant, pas que j’aie l’air d’un tire-bouchon.

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Cf. : Dis bonjour à la dame.