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La poulette se délecte…

C’est la bouche pleine qu’elle lâche :

— Moi, ce que je ne comprends pas chez le patron, c’est qu’il n’ait pas porté le deuil de sa belle-sœur… Je sais bien qu’il est remarié, mais une belle-sœur, c’est une belle-sœur… Il aurait au moins pu aller à l’enterrement, non ?

Les femmes sont délicieusement braques. Au moment où on leur sert la plus divine des pâtisseries, elles trouvent le moyen de dauber sur quelqu’un.

— Ah ! je murmure, indifférent. Il a perdu sa belle-sœur ?

Ça me fait autant que s’il avait perdu son bouton de manchette.

— Oui, et d’une drôle de façon… Vous avez dû voir ça sur les journaux…

Une fois de plus je m’étrangle.

— Voir quoi ?

— La mort de sa belle-sœur… Elle a été égorgée… On a retrouvé son cadavre dans le canal Saint-Martin… La femme d’un ancien colonel aviateur, je vous demande un peu !

Pour Annette, il y a des morts qui ne se font pas.

— Elle s’appelait comment, cette belle-sœur ? je demande, bien qu’ayant déjà la réponse.

— Permezel, dit gentiment la poupée en enfournant une porcif de gâteau grosse comme un sac tyrolien.

CHAPITRE XVI

A VOTRE SANTÉ !

Après ça, rideau ! Si vous n’aimez pas ces coups de théâtre, on vous fera monter de la bière !

Quand je pense, qu’au départ, je cherchais des traits d’union entre le meurtre Permezel et le meurtre Triffeaut ! Parbleu ! C’est Pauvel, le trait d’union. Beau-frère de la première victime, assuré par les soins de la seconde. Pote avec le pape lucyférien dont on a trouvé des traces sur les deux morts !

Un vrai jeu de puzzle. Et ça s’emboîte les gars, ça s’emboîte comme des sardines !

S’agit de continuer commaco jusqu’au bout. J’ai déjà un très joli motif qui se dessine !

— A quoi pensez-vous ? me demande Annette, la voix flottante.

Je la bigle.

— A vous, ma beauté.

Elle est schlass. Je me dis que de toute façon je ne peux pas poursuivre mon enquête cette nuit. Alors redevenons humain…

— On part ? je demande.

Et je fais un signe à Max qui, au courant de ces caltages précipités, a déjà préparé la douloureuse.

— Où allons-nous ? demande la Vénus.

— Où vous voudrez, réponds-je sans en penser une broque.

Elle consulte sa montre, ce qui vaut mieux que de consulter un spécialiste des maladies vénériennes.

— Il est dix heures, Antoine… Je n’ai plus beaucoup de temps. J’habite la banlieue chez mes parents et…

Je réprime une grimace. La pépée est limitée par l’heure, donc doit être calcée en vitesse. Or moi j’aime bien prendre mes aises. Le coup du lapin, ça va avec une soubrette genre Thérèse, entre deux lourdes… Mais avec la fesse qu’on a gavée de canard à l’orange, il n’en va pas de même…

— On a peut-être le temps d’aller au cinéma ? suggère-t-elle. Pourvu que je sois rentrée à minuit et demi, ça va…

Sans répondre je l’entraîne jusqu’à ma voiture. Je serre la louche de Max qui me glisse d’une façon appuyée : « Bonne nuit ! »

— A quel cinéma pourrions-nous aller ? demande la gentille qui a pris mon silence pour une acceptation.

J’ai envie de lui répondre : « Au cinécochon. » Si elle s’imagine que je vais lui payer une toile, elle se fait des berlues, Annette. Je viens de cigler une addition de huit sacs, faut que je récupère sur la bête, vous ne croyez pas ? C’est le miché gâteux qui offre des tortores pour estomacs princiers sans contrepartie. Moi j’ai le sens de l’équilibre.

Je pédale pas loin, jusqu’à la rue Joubert où il y a des petits hôtels commodes pour la passette. C’est là que vient tringler la banlieue ouest, because la proximité de Saint-Lazare. C’est près de la gare. On peut se faire reluire entre le turbin et le train de sept heures. Discrétion assurée. Pas de fafs à aligner. Je m’arrête devant l’une de ces crèches. La môme Annette bigle la rue sombre.

— Mais, fait-elle, il n’y a pas de cinéma…

— Je vais te passer un court métrage en relief, je lui murmure.

Les enseignes des hôtels clignotent. J’avoue que ça fait un peu salingue, dans l’obscurité. C’est nettement indécent et je suis vaguement gêné. La môme entrave mes projets.

— Non, non ! fait-elle… Oh ! non.

M…, je tombe sur une rebelle de l’amour libre ! Une soirée gâchée, côté calcif !

Je me penche sur elle et je lui roule un patinuche qui foutrait des idées polissonnes à un congrès eucharistique.

C’est le record de plongée ! Quand je la lâche, faut lui faire des inhalations… Sans perdre une broquille, je lui masse l’avant-scène. Et ça durcit rapide sous son corsage…

— Allez, viens ! j’ordonne en délourdant de son côté.

Sur le bitume, une tapineuse qui fredonne Un gamin de Paris en attendant d’éponger un clille nous regarde en se marrant. Elle songe à l’époque où un gars lui a fait le même cinéma. Elle avait sa vertu et elle y tenait comme à son livret de caisse d’épargne… et maintenant…

Maintenant elle grimpe interminablement des escadrins avec des mâles en rut sur ses talons. Pour elle, la vie c’est un escalier sans fin, des souffles d’hommes avides derrière elle… Des discussions, des bidets à musique…

Annette résiste encore, je suis sur le point d’abandonner parce que j’aime pas qu’on me prenne pour une crêpe. Mais comme je suis en pleine forme, et que c’est gênant pour marcher, je fais une dernière tentative qui aboutit.

Elle cède, la môme. Elle cède. Je la catapulte dans un hôtel, la pousse dans un ascenseur ; puis dans une piaule. Je cloque un lacsé à la soubrette en lui disant de garder la mornifle. Je pousse le verrou et je me trouve dans l’état d’esprit de l’homme-canon après son exercice périlleux. J’ai envie de saluer… Mais, Dieu merci, le public est restreint puisqu’il se limite à une personne. Et encore il s’agit d’un exo !

Maintenant, le plus duraille est fait. Franchir une porte d’hôtel pour la première fois avec une souris équivaut à franchir le mur du son. Après ça va tout seul.

Elle s’assied sur le lit et attend.

— Vous êtes méchant avec moi, pleurniche-t-elle.

— Attends, je murmure, on va te donner un peu de douceur.

Je commence à la déloquer en lui distribuant des baisers fous qui lui font un peu perdre la tronche.

Un moment plus tard on se trouve à loilpé sur le divan. La chambrette est conçue pour ce qu’on vient y faire. Elle est toute en glaces, avec des éclairages savants. J’ai l’impression de passer en attraction aux Folies Bergère. Partout où je porte mes châsses, je me vois. C’est assez intimidant. J’avance la pogne pour couper le jus, mais la môme Annette doit être une sérieuse vicelarde car elle chuchote :

— Non, n’éteins pas !

— O.K., je fais, tu préfères que ça soit télévisé… C’est comme tu veux.

Alors je fais abstraction des miroirs. Et je commence mon turbin de bipède en proie au démon de la viande.

D’abord c’est l’escargot baladeur, nature ! Un petit truc à moi qui fait autant plaisir aux dames qu’un service à vaisselle de quatre-vingts pièces. Puis j’enchaîne sur l’Angora chanté, une de mes toutes dernières créations ; vous ne la trouverez pas encore dans le commerce ! Là c’est le gros délire ! Annette se dit qu’elle vient de grimper avec tout le Kama-sutra. Pas besoin de lui jouer Fascination ! Elle gueule tellement que dans les piaules voisines, les gnaces remettent le couvert. Ça me fait penser à ma visite de l’après-midi au Mont-Chauve. Ce que c’est que la life : il y a quelques heures je me fendais la poire à cause de deux paumés qui se frottaient la couenne chez Magnin ; je les prenais en pitié… Je me foutais ouvertement d’eux, bien cynique, bien sûr de moi… Et voilà que c’est moi qui fais la manœuvre de printemps !