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Annette appelle tour à tour sa mère, son père, le bon Dieu ; mais fort heureusement, personne des interpellés n’annonce son blaze. On est bien seuls et nos anges gardiens eux-mêmes doivent faire une partie d’auréoles dans le couloir…

Après l’Angora chanté, je reviens à des choses plus humaines avec la balançoire cubaine et le Carillon de Westminster.

Du coup, Annette se met à débiter des choses tellement salées que le patron de l’hôtel lui-même, pourtant blasé, doit galoper sous la louche pour enrayer l’incendie !

Il sait choisir ses secrétaires, Pauvel. Ça oui !

CHAPITRE XVII

POCHE RESTANTE

Quand on se retrouve dans ma tire, minuit sonne de tous les côtés. Le clocher de la Trinité est plus péremptoire. Annette compte les coups (c’est une habitude qu’elle vient de contracter).

… dix, onze, douze…

— Repos, fais-je, jamais une horloge n’a accouché de treize plombes !

Elle se jette sur ma poitrine, folle de reconnaissance.

— Oh ! Antoine, fait-elle, comme ça a été bon !

Ces salopes vivantes, non seulement elles se conduisent comme des chattes en rut, mais après faut qu’elles en parlent. Elles n’ont pas de pudeur.

Moi, suivant le vieux proverbe, je me sens assez désabusé, lorsque la cérémonie est terminée. J’aime mieux penser à autre chose de plus noble, de plus reluisant. Mais les poufiasses non, quand elles font pas de saletés, elles les évoquent.

Je lui dépose sur la joue un baiser discret.

— Bon, je vais te ramener chez toi. Où pioges-tu ?

— Nogent !

Je fais la grimace. Nature, cette conne habite une banlieue opposée à la mienne. Va falloir que je me cogne deux fois la traversée de Paname. Après la petite séance que je viens de subir, la perspective n’est pas enthousiasmante. Moi je donnerais plutôt un bifton grand format pour pouvoir me filer dans les torchons et en écraser savamment.

— O.K., Nogent…

Je bombe jusqu’à la République, ensuite je bifurque en direction de la Nation, je fonce jusqu’au château de Vincennes, prends par le bois et débarque à Nogent. Elle m’indique sa carrée, à l’autre bout du patelin bien entendu, juste à côté du viaduc…

— Quelle merveilleuse soirée, déclare-t-elle, sur un ton très synchro.

Et elle me tend sa menteuse. Je la lui suçote par politesse, une dernière claque au réchaud…

— A bientôt, je fais, je passerai te voir à ton bureau, ou je te téléphonerai…

— Demain ! demande cette gourmande.

— Je ferai l’impossible !

— Veux-tu dîner à la maison, j’aimerais te présenter à mes parents…

— On verra…

Elle doute de rien, la gamine ! En v’là une qui perd pas de temps ! Sa combine est aussi grosse qu’une excavatrice : elle a trouvé un Jules qui lime comme un pape (ce qui est une façon de parler naturellement), qui n’est pas mal basculé du tout et qui a le canard à l’orange facile, et elle se dit que ça serait une chouette affure de le traîner tout cru à la mairie de Nogent !

Seulement je vous le dis, elle se fait des berlues, Annette. Le jour où je dirai « Oui » à un mec portant une ceinture tricolore au lieu d’une ceinture de flanelle, ce jour-là vous pourrez m’apporter une douzaine de bavoirs. Pas pour la progéniture à suivre, mais pour mon usage personnel, car je serai certainement à deux doigts du gâtisme intégral.

— Allez, fais dodo, je murmure…

— Je vais rêver de toi !

Elle a ligoté ça dans la collection « Je me caresse comme une grande ». Elle lève la tête pour me montrer son bon angle. Elle se barbouille de clair de lune, se badigeonne d’idéal.

Moi, je mets mon bahut en marche.

— A bientôt ! je lui lance…

Une manœuvre impec et je tombe sur Pantruche.

Ma viande est nostalgique. Je me dis qu’en arrivant à la cabane je me tasserai un whisky grand format avant de me mettre sur la voie de garage.

Toute réflexion faite, pourquoi attendre d’être at home alors qu’il y a encore des chiées de troquets ouverts ?

Je stoppe devant une grande brasserie de la Nation où des voyous tristes mettent des pièces de vingt balles dans une boîte à disques…

J’écluse un coup de scotch, puis un autre, tout en méditant sur cette longue journée. Ma parole, elle me paraît avoir duré plusieurs marcotins !

Les voyous mettent pour la troisième fois consécutive la dernière de Johnny. Probable qu’ils veulent l’apprendre par cœur pour la bramer au passant attardé qu’ils perceront tout à l’heure dans un coin d’ombre.

Ecœuré, je cigle et je retourne à ma tire. En y grimpant, j’avise quelque chose de brillant à l’arrière. J’allume le plafonnier et je vois qu’il s’agit de l’imper d’Annette. Elle l’a collé à l’arrière du tréteau en sortant du Pam-Pam et elle n’y a plus pensé, trop occupée qu’elle était à se faire fumer les noix.

Ça me contrarie parce qu’elle va en avoir besoin et qu’il faudra que je le lui porte. J’attrape la pelure et je la fiche sur le siège avant avec humeur. Quelque chose tombe de la poche. Je ramasse : c’est une lettre dont l’enveloppe est rédigée à la main et porte en caractères d’imprimerie « Pneumatique ».

Je regarde le libellé et je lis :

Stefan Bolak — 12, rue Jean-Bouton — Paris

Je tourne et je retourne l’enveloppe. L’adresse a été rédigée par une main d’homme. Pas besoin de gamberger longtemps pour piger que c’est Pauvel qui l’a écrite. Il a demandé à sa secrétaire de poster le pneumatique, mais la souris, trop préoccupée par notre rancart, l’a enfouillé distraitement. Elle l’a cloqué poche restante, comme quoi faut jamais se confier — ou confier de l’urgent — à une pépée. Toutes, elles n’ont qu’un tube de rouge Baiser à la place de la cervelle.

D’un geste sec, je décachette l’enveloppe. Vous allez me dire que je suis un drôle de petit indiscret, hein ? Seulement vous oubliez une chose, mes agnelets, c’est que je suis un des caïds de la maison parapluie, donc pas porté du tout sur la discrétion.

Un flic qui rencontre une lettre, c’est kif-kif un cador famélique qui rencontre une poubelle : d’autor il y fout le blair dedans.

Cette bafouille laconique me rend rêveur. En voici le contenu :

D’accord. Je vous attendrai toute la nuit à mes bureaux. La chose sera prête pour huit heures.

M.P.

M.P., ça signifie pas Military Police, mais Marc Pauvel.

Qu’est-ce qu’il mijote, ce citoyen ? Je sais pas pourquoi, mais je renifle quelque chose de pas ordinaire. Depuis que les mystères s’accumulent, le trop-plein va fatalement déborder…

Pauvel ! Curieuse figure, en réalité. Sa belle-sœur est assassinée ; puis son assureur connaît Brioux, le pape du lucyférisme…

Comme tout ce bigne est étrange. Après tout, il a peut-être raison, Mignon, quand il parle de chouraver Pauvel et de le « questionner » sur un certain ton. Ça fait deux messages qu’il balance, le marchand de mécaniques de précision, pour annoncer qu’il prépare quelque chose. Moi qui ai un naze gros comme la coupole de Saint-Pierre de Rome, je peux vous garantir sur facture que ça renifle une drôle d’odeur…