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— Ben oui, un homme, grommelle-t-il…

Un silence. Sans lâcher l’écouteur il me regarde d’un air peu enthousiaste. Son regard est incisif et fait mal à la peau.

— Ah ! Ah ! dit-il… Vous n’avez pas donné la lettre à un homme ?

— Comment t’appelles-tu ? aboie-t-il.

L’espace d’un éclair je mets au point un nouveau cinéma.

— Mon nom ne vous dirait rien, je fais… Je suis un copain d’Annette, la secrétaire de Pauvel… Un copain… intime, vous voyez ce que je veux dire ? C’est au moment de se pagnoter qu’elle a trouvé la bafouille… Elle l’avait oubliée… Alors je lui ai dit : puisque c’est urgent je m’en occupe…

Il ne sourcille pas.

— Votre secrétaire s’appelle Annette ? Il demande.

Pauvel doit répondre par l’affirmative.

— Bon, à tout à l’heure, tranche Bolak, surtout ne partez pas, nous rappliquons. Le machin est au point ?

— …

— Réglez-le sur huit heures pétant…

— Pétant est le mot, rigole l’homme au costard bleu.

Bolak raccroche et se tourne vers moi.

— Ton histoire me paraît vachement fumeuse, remarque-t-il.

A moi aussi, du reste, mais inutile de renchérir.

— Alors comme ça tu brosses la secrétaire de Pauvel ?

— Chacun trempe le biscuit comme il peut, j’objecte…

Bolak regarde son compagnon. L’autre ne sourit plus. Il est étrangement grave. Une gravité que je connais. Tous les assassins ont cette frite-là lorsqu’ils vont faire un coup à l’envers.

— Bon, dis-je ; il ne me reste plus qu’à m’excuser pour le dérangement… Au revoir, messieurs…

Je tourne le dos et fais un pas en direction du vestibule.

— Hé ! fait Bolak.

Je me retourne. Mon palpitant, je vous jure, fait des heures supplémentaires.

— Oui ?

— Ecoute un peu ici.

Je m’immobilise.

— T’as une gueule qui ne me revient pas, déclara-t-il paisiblement.

— Dommage, murmuré-je… Mais je ne peux que la sortir de devant tes yeux… Alors si tu permets je calte, ou alors on s’explique, au choix !

Le petit en bleu s’approche de moi.

— J’ai déjà vu ta gueule quelque part, assure-t-il… Depuis que t’es entré je cherche où, et je crois que ça me revient tout doucement… C’est dans un journal, au sujet d’une histoire où un pote à moi était mouillé… L’affaire Lebarois, tu y es ?

L’autre est sûr de lui.

— Tu es un poulet, affirme-t-il… Un sacré nom de Dieu de poulet ! Dis pas le contraire, j’en suis certain… Y a pas deux mecs comme mégnace pour repérer un zouave à moustache !

La partie est sciée. La seule chose qui me reste à faire, c’est de défourailler prompto. Je plonge dans ma veste. Mais Bolak me devance. Ce type-là, écoutez, il a dû marner dans un cirque. C’est lui le gars aux longs tifs et à la moustache de mousquetaire qui jouait le rôle de Buffalo-Bill en fin de la première partie… Oh, pardon. J’en ai déjà vu des rapides, mais des comme lui, nixt ! Le moule est cassé, on n’en fait plus.

Vous n’avez pas le temps de battre des paupières qu’il a une pétoire en pogne. Et une chouette ! Un P.38, rien de moins. Un de ces composteurs qui vous font dans la viande des trous grands comme des bouches d’égout.

L’acier blanc luit doucement dans la pénombre. Sa gueule aussi. On la dirait sculptée dans du bronze.

Je comprends que si j’ai le malheur de terminer mon geste, il terminera aussi le sien et, comme il me devance de plusieurs secondes, c’est San-Antonio qui aura droit à un petit jardin sur le ventre.

Les mecs, j’aime pas les chrysanthèmes, ils me foutent le cafard, et puis ils sentent le lugubre… Alors je préfère encore aller cueillir l’innocente violette dans les grands bois, au printemps.

— Praline-le ! crie le gnacouet au complet bleu.

Il encourage l’amateur, lui alors ! Vous parlez d’un fumier !

Mais Bolak a plus de plomb dans l’aile, si j’ose dire… Il se dit qu’un coup de son arquebuse, dans le silence de la noye, ça fera un peu de cri dans le quartier…

L’autre pige sa pensée…

— Attends, dit-il, j’ai un silencieux, moi. Laisse que je lui balance la purée à ce salopard. J’ai toujours rêvé d’assaisonner une bourrique !

— Ta gueule, fait Bolak qui, décidément, semble avoir pris le commandement des opérations…

Mais ses yeux luisent d’une affreuse convoitise. Lui aussi voudrait me truffer. Ça le démange…

— Alors tu es un flic, dit-il. Ça ne m’étonne pas ; tu as bien la gueule à ça. Et puis tu pues le roussin. En t’ouvrant, j’ai reniflé cette odeur !

« Comment es-tu venu jusqu’ici, hein ? Et cette lettre de Pauvel, où l’as-tu chauffée ?

— Mettons que j’aie des bontés pour sa secrétaire, j’explique. Je fais mon boulot, non ? On m’a dit d’avoir Pauvel à l’œil et de superviser ses faits et gestes, alors je m’occupe de lui…

— Et qu’est-ce que tu sais de lui ?…

— Justement, rien encore, mais je sais qu’il y a à savoir, si j’ose dire…

— Ah ! oui…

Il ricane :

— Tu l’entends, Colombani ?

— Ouais, fait l’autre…

— Ecoute, dis-je, tu vas me crever, et après ? Y a rien de plus mauvais que de dessouder un matuche ! Ça porte malheur ! Toute la maison parapluie se met à la chasse à courre ! On n’aime pas se faire buter dans la profession… C’est pas convenable. Réfléchis-y.

Il pense à ce que je lui distille dans les manettes, Bolak. C’est pas une rave.

Je renforce ma situation.

— Autre chose, mes chéris, vous savez que les bignoles vont par deux, comme les saucisses, alors j’ai un aminche dans la strass. Comme il commence à se faire vieux et que c’est un gars qui connaît son tapin, il va prendre les dispositions qui s’imposent… Ça m’étonnerait qu’il ne soit pas en train de se remuer le panier.

Colombani va directo à la fenêtre pour bigler à l’extérieur. C’est humain.

Tandis qu’il se détranche, je fais, triomphant, en ponctuant d’un mouvement de menton :

— Ah ! qu’est-ce que je disais !

Bolak se détourne instinctivement et je lui fonce dessus, bille en tête.

Il prend mon coup de boule en plein bureau et pousse un cri rauque.

Alors le cirque commence. Comme il a reculé sous le choc, je me redresse et je lui file un jeton mahousse comme l’Annapurna dans la caisse enregistreuse. Il part à dame !

— Premier service ! j’annonce.

Et je fais face à Colombani. Lui, il n’a pas perdu de temps non plus ! Il a compris le topo et défouraille à toute prune ! Son silencieux fait merveille. Pas plus de pet que lorsque vous débouchez une boutanche de Cordial-Médiocre ! La valda me rase les crins et va miauler dans la boiserie.

Je me fous à terre. C’est le moment de se protéger parce qu’il vase de la mitraille en grosse quantité. C’est pas un soufflant qu’il a, l’assassin de Brioux, c’est une machine à distribuer des bouts d’acier calibrés.

Toute sa bonne marchandise il me l’expédie franco de port. Heureusement il est gêné par la masse de Bolak qui est entre nous et, pour ne pas le sucrer, il tire un peu haut… L’escadrille du P.38 me fouette les fringues only. Sa mécanique est vide. Faut pas lui donner le temps de recharger. Je tire mon arquebuse et je le braque. Mais, manque de pot, mon outil ne part pas ! Alors je me traite d’extrait de bidet, de quintessence de naveton, de crêpe avariée, etc., because je me souviens maintenant que j’ai graissé Popof y a deux jours et que j’ai oublié de lui garnir le garde-manger. Vite, je balance mon arme dans la direction de Colombani. Il fait un saut de carpe mais le projectile le cogne tout de même à l’épaule, ce qui freine son bigne…