— Nom de Dieu ! je gueule soudain ! Oh ! nom d’une m… arabe ! Oh ! tonnerre de chiotte !
J’en passe, et des meilleurs, que ma politesse native m’empêche de répéter ici.
— Les bagnoles qui vont accueillir les hommes d’Etat aux gares ou aux aérodromes sont des voitures de maître, hein ?
— Bien sûr, fait Mignon…
— Elles sont minutieusement fouillées avant le départ, dûment vérifiées pour éviter un attentat ? Des fois que des zouaves y colleraient une bombe à l’avance, hein ?
Là il a enfin compris…
— Le bou… bou… le bouchon, bégaie-t-il.
Si vous voyiez nos frites, à tous ! On a l’impression d’être une bande de fœtus en vacances dans le même bocal d’alcool.
— Il faut faire quelque chose ! brame Mignon.
C’est la grosse rumeur, ça gueule, ça remue !
Je me précipite au grelot !
— Vite, dis-je, en priorité totale passez-moi l’aéroport d’Orly !
J’ai les yeux fixés sur le cadran de ma breloque. Maintenant la grosse aiguille a franchi le 6, si comme il se produit quelquefois l’avion a eu de l’avance, j’ai idée qu’il va y avoir un drôle de remue-ménage dans le monde, d’ici vingt-cinq minutes…
Enfin j’ai Orly.
— Le commandant de la base ! je gueule. Ici service de Sécurité du Territoire !
On me dit que le commandant est avec les officiels et qu’on ne peut le déranger car l’avion amenant le ministre des Affaires étrangères russe est annoncé…
— Mais c’est à ce sujet ! je crie. Un attentat se prépare, vite ! Vite !
Du coup, ça remue aussi, à l’autre bout.
Deux minutes à peine s’écoulent, une voix essoufflée fait : « Allô » ?
— Ecoutez, dis-je, ici Sécurité du Territoire. Un complot vient d’être découvert à la minute. La voiture dans laquelle doit prendre place le ministre est sur le terrain ?
— Oui, je la vois de ma fenêtre.
— Son bouchon de radiateur ne représente-t-il pas une Diane chasseresse ?
— Attendez, je distingue des ailes… Oui, ça doit être ça…
— Pas une minute à perdre ! Eloignez immédiatement ce véhicule ! Conduisez-le au milieu d’un grand espace libre. Que le chauffeur foute le camp dès qu’il l’aura stoppé, compris ? Il est probable qu’elle explose. Embarquez vite le ministre dans une autre voiture. Et fermez votre gueule. Pas un mot à la presse ou ça chauffera, il y va de votre situation…
L’autre n’a pas l’air d’une crêpe.
— Compris, fait-il précipitamment, je prends des dispositions.
Je pose l’appareil. Les autres sont tous là, immobiles, blancs comme des morts.
Je me laisse choir dans le fauteuil de Mignon.
— Il ne nous reste plus qu’à réciter une prière, dis-je. C’est tout ce qu’on peut faire, maintenant…
CONCLUSION
Le chef caresse son front ivoirin. Son œil clair pétille de contentement.
— En somme, nous dit-il, à Mignon et à moi, tout est bien qui finit bien… Si je n’avais pas eu la bonne pensée de vous proposer le concours de San-Antonio, il se serait passé de curieuses choses !
Mignon, fouetté, pique un fard.
— Non, dit-il, car moi j’aurais arrêté Pauvel dès hier et il aurait avoué. Tout au moins il n’aurait pas eu l’occasion de remettre le bouchon de radiateur truqué à Bolak.
Je me fous en renaud. Tirer les marrons du feu pour se faire chahuter par un gros enflé de la Criminelle qui n’a que deux poings en guise de cerveau, c’est un peu bleu !
— Mes fesses ! je gueule.
Et le boss, qui n’aime pourtant pas ce genre d’explosions, n’en pipe pas une.
— Sans moi, Mignon, votre empoté de Georgel serait encore en train de se toucher et de tourner en rond. Il ignorait jusqu’à l’existence de Pauvel, hier matin. Je crois avoir mené l’affaire tambour battant. Et il le fallait !
Mignon s’avoue vaincu.
— D’accord, fait-il… Vous êtes un as !
On éclate tous de rire. Y compris le Vieux, d’excellente humeur.
— Voilà qui s’appelle du bon travail, murmure-t-il. Si cette voiture avait explosé au milieu de Paris avec ses occupants !.. Je suis allé sur les lieux, il n’en est pratiquement rien resté… Je comprends que Pauvel se soit fait tirer l’oreille pour exécuter ce travail. En tout cas c’était du bon boulot pour le diable ! Quel artiste ! Arriver à transformer une statuette de métal en bombe à retardement est un tour de force…
— L’idée du bouchon de radiateur était jolie, apprécie Mignon. C’était bien la seule chose que les services de protection ne pouvaient pas vérifier…
« Les employés qui s’occupent du garage où sont remisées les voitures du ministère ont tous été appréhendés car certainement il y a eu complicité de la part de l’un d’eux… Je vais les interroger…
Il se lève, nous tend ses grosses pattes de tueur de bœufs.
— Toute la police est sur les dents pour retrouver Bolak. Il ne peut nous échapper, d’ici demain je l’aurai… Alors nous en saurons long sur l’organisation des terroristes !
— Quand vous le tiendrez, faites-moi signe, dis-je… J’ai à lui parler d’une bosse qui n’appartient pas à un chameau.