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Quand nous partîmes, Ulna et son frère Akéion nous accompagnèrent. Je retrouvai Souilik et Essine qui m’attendaient. Asserok partit rejoindre Azzlem, et nous restâmes cinq, deux Hiss, deux Sinzus et un « Tsérien ».

Nous étions tous joyeux. Tout danger de guerre était définitivement écarté. Souilik me confia en aparté que cent ksills se tenaient prêts à détruire l’astronef si les choses avaient mal tourné. Nous gagnâmes l’escalier descendant vers la mer, et nous assîmes sur les marches. Nous nous interrogeâmes sur nos planètes, et je dus promettre de visiter Arbor avant de rentrer sur Terre, quand les Misliks auraient été vaincus. Nous parlions de cette victoire comme d’une chose facile. En réalité, quand elle se produira, il y aura fort longtemps que nous ne serons plus que poussière, car la lutte a toutes chances de durer des millénaires.

Ulna et Akéion me demandèrent des détails sur le Mislik. Ils avaient décidé de l’affronter, pour savoir si les Sinzus partageaient mon immunité. Il fut entendu que je les accompagnerais dans la crypte.

Le soir même, comme convenu, eut lieu la seconde entrevue entre les Sinzus et les Dix-Neuf. L’alliance fut définitivement conclue, quelle que pût être l’issue de l’expérience qui devait être tentée le surlendemain dans l’île Sanssine. La mission de liaison entre les Sages et les Sinzus devait être effectuée par Assza et Souilik, qui, à la suite de ses explorations, venait d’être admis comme néophyte. À leur demande, on leur adjoignit Essine et moi-même. Du côté sinzu, Hélon nomma son fils Akéion, sa fille Ulna et Etohan, un jeune physicien.

Bien entendu, dans la délégation hiss, je n’avais qu’un rôle consultatif. Je ne pouvais même pas prétendre représenter la Terre, en ayant été enlevé, je ne dirai pas malgré moi, mais à l’improviste. Je fus cependant enchanté de cette nomination qui me rapprochait de Souilik, et d’Essine, pour qui j’avais de l’amitié, d’Assza, pour qui j’avais de la sympathie, et des Sinzus, pour lesquels j’avais beaucoup de curiosité. Ce n’était encore que de la curiosité.

Je ne parlerais que très brièvement de ma quatrième descente dans la crypte, si elle n’avait manqué de me coûter la vie. Ce fut aussi le début de ma pleine acceptation comme un être humain de race supérieure par les Sinzus. Sauf Ulna et son frère, ils avaient encore pour moi une secrète répulsion. Je leur en voulais un peu de mon côté, car j’avais eu l’occasion, à bord de l’astronef, de voir quelques Telms et je puis t’assurer qu’à part la carrure et la couleur de cheveux, ils ne me ressemblent guère: ils se rapprocheraient bien plutôt d’un hypothétique croisement de gorille et d’Australien.

Nous nous rendîmes à l’île Sanssine à bord de l’astronef. Cette énorme masse manœuvrait presque aussi doucement qu’un ksill. Je ne fus pas admis à ce moment-là au poste de pilotage. Un ksill de la plus grande taille, conduit par Souilik, porta le Conseil des Dix-Neuf.

Comme il n’y avait pas place sur l’esplanade de l’île pour de si gros engins, nous amerrîmes, et on nous transborda par canots. Ce fut la première fois — et la dernière — que j’utilisai ce moyen de transport sur Ella.

Je pénétrai le premier dans la crypte, suivi d’Akéion, d’Ulna et d’un jeune Hiss, dont j’ai oublié le nom, qui devait servir de test. J’avais sur la tête le casque qui m’avait déjà servi.

Tant que je fus seul dans la crypte, le Mislik ne réagit pas. Sans aucun doute il me reconnaissait et savait que tout rayonnement était inutile. Il ne me transmit aucun sentiment de haine, mais seulement une vague curiosité. Il ne bougea même pas.

Puis les autres entrèrent, suivis d’une dizaine d’automates. J’avais demandé à Assza pourquoi on ne nous protégeait pas par des zones répulsives, mais ces zones ne peuvent être établies en milieu confiné sans échauffer celui-ci. J’étais le seul à être armé d’un pistolet à « chaleur froide ».

Mes compagnons entrèrent donc. À peine avaient-ils franchi la porte que le Mislik se précipita, au ras du sol, émettant à pleine puissance. Le Hiss s’écroula alors qu’il fuyait vers la sortie. Les Sinzus résistèrent comme moi-même, mais, au lieu de battre immédiatement en retraite, ils se précipitèrent vers moi, me cachant le Mislik. Ce dernier ne perdit pas de temps et se livra en quelques secondes à un véritable massacre des robots. Quand je pus enfin tirer, un seul restait debout. Alors, posément, le Mislik se dirigea vers le tunnel de sortie, s’y engagea et le bloqua. Nous étions ses prisonniers.

Je ne m’affolai pas, sachant que toute la formidable puissance des Hiss viendrait à notre secours si besoin était. Mais j’étais inquiet pour le Hiss, car le Mislik continuait d’émettre, et chaque seconde qui passait rendait sa survie plus aléatoire. J’avertis par le micro que j’allais tenter de débloquer le tunnel, puis, ayant fait signe aux Sinzus de s’écarter, je me dirigeai droit sur le Mislik, le pistolet au poing.

Le Mislik luisait faiblement dans la pénombre. Prêt à sauter de côté, je tirai. Le Mislik recula. Je tirai encore. Le Mislik, reculant toujours, pénétra dans l’antichambre. Je l’y suivis, et cela faillit causer ma perte. Il fonça sur moi, et, dans cet espace resserré, j’eus toute la peine du monde à l’éviter. Heureusement mon casque était branché, et j’étais averti des attaques par un renforcement du sentiment d’hostilité. Cette étrange corrida dura cinq bonnes minutes. Enfin le Mislik se glissa dans le tunnel, et je m’y précipitai à sa suite.

Je me heurtai à l’automate emportant le Hiss évanoui, et perdis une dizaine de secondes. Ce bref retard faillit coûter la vie aux Sinzus. Quand je débouchai dans la crypte, Ulna était collée à la paroi, Akéion devant elle, et le Mislik, à quelques mètres, se préparait à les écraser. Je fis feu par six fois. Le Mislik se retourna vers moi, fonça. J’eus le temps de voir s’allumer l’aveuglante lumière chaude, je sentis un choc et sombrai dans le noir.

Je dois passer maintenant par-dessus un espace de trente jours, pour la bonne raison que, pendant ces trente jours, je n’eus pas la moindre conscience de ce qui m’entourait. J’avais eu une dizaine d’os rompus par le choc du Mislik, et près de la moitié du corps gelé, à la suite de déchirures de mon scaphandre.

Je me réveillai sur un lit, dans une pièce inconnue, aux murs métalliques. J’étais allongé sur le dos, et, au-dessus de moi, un vaste entonnoir carré m’irradiait d’une lumière violâtre, en émettant un léger bourdonnement continu. Je me sentais très faible, mais n’éprouvais aucune douleur. Je voulus remuer, m’aperçus que mes membres étaient immobilisés dans des gouttières. J’appelai, en hiss.

Ce fut un Sinzu qui entra. Il m’était inconnu. Ses cheveux étaient blancs, mais du blanc terne que prennent les nôtres sous l’effet de la vieillesse, et non point du blanc platiné des Hiss. Il se pencha vers moi, examina quelque chose que je ne pouvais voir, sourit et prononça quelques mots. Le bourdonnement changea de ton, la lumière devint franchement violette. Je sentis en moi un fourmillement continu et les forces semblèrent, lentement, me revenir. Il sortit, me laissant seul. Il me fut facile de rétablir les faits: j’avais certainement été grièvement blessé, et j’étais dans un hôpital sinzu, probablement à bord de l’astronef.

Je retombai dans une somnolence agréable. Au bout d’un temps que je fus incapable d’évaluer, le Sinzu reparut, cette fois avec Szzan. Le Hiss m’expliqua ce qui s’était passé: à peine avais-je été touché par le Mislik que, sous l’effet de la lumière chaude — qui s’était allumée après le choc, et non avant, comme je l’avais cru —, celui-ci avait été mis hors de combat. Je fus relevé par Ulna et son frère, traîné dans l’antichambre, en piteux état.